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Aurélien Pradié : « Sur l’immigration, la droite risque de finir cocue ! »

L’ENTRETIEN POLITIQUE DU WEEK-END. Le député LR du Lot persiste : pas question de voter le projet de loi de Gérald Darmanin. Il entend même le censurer.

Propos recueillis par  Le Point

 

Conférence de presse d'Aurélien Pradié, député du Lot Les Republicains, à l'Assemblée nationale le 31 mai 2023.
Conférence de presse d'Aurélien Pradié, député du Lot Les Republicains, à l'Assemblée nationale le 31 mai 2023. © XOSE BOUZAS / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

 

S'il n'est pas assuré de faire voter son projet de loi sur l'immigration dans de bonnes conditions à l'Assemblée nationale à compter du début décembre, Gérald Darmanin aura au moins réussi à enfoncer un coin entre les sénateurs Les Républicains et leurs homologues de l'Assemblée.

Alors que la droite sénatoriale, emmenée par l'élu de Vendée Bruno Retailleau, a durci la copie du gouvernement, le député du Lot Aurélien Pradié la juge encore bien trop laxiste et menace toujours de la censurer, exigeant du chef de l'État le dépôt rapide d'un texte de loi constitutionnel pour rendre à la France sa souveraineté en matière migratoire. Comme il l'avait fait lors du débat sur les retraites, conspué alors par une large partie de son camp. Question de cohérence pour celui qui sort cette semaine un ouvrage très personnel, Tenir bon (Bouquins), retraçant son parcours et ses valeurs. « C'est autant un livre de confidences personnelles que politiques. Je parle autant du Lot, de Kessel, de Duras que de mon père », dit-il, plaidant pour un « retour du tempérament en politique ».

Si les députés LR soutenaient le texte Darmanin, prévient-il, ils s'en mordraient les doigts si une nouvelle attaque terroriste survenait et mettait à jour de nouvelles failles dans la législation française...

 

Le Point : On ne comprend rien à la position de votre parti sur le projet de loi sur l'immigration ! Les sénateurs ont joué le jeu du débat en le durcissant, et vous brandissez la menace d'une motion de censure. Les Républicains, quel numéro ?

 

Aurélien Pradié : Mon devoir est de dire la vérité. Nous vivons un moment de basculement total, au cœur duquel se trouve la question de l'immigration. Tromper les Français sur ce sujet, se contenter de peu est une faute impardonnable. Ma position est d'être intransigeant. Cela peut sembler surprenant mais, au regard des défis que nous avons à relever, ne pas être intransigeant, c'est être irresponsable et lâche. Je garde comme feuille de route les déclarations il y a quelques mois à la une d'un hebdomadaire d'Éric Ciotti, Bruno Retailleau et Olivier Marleix expliquant que, sur l'immigration, c'était tout ou rien. C'est ce que nous clamons depuis des mois devant les Français. Si on recule d'un millimètre, toute notre crédibilité politique tombe. LR avait fixé deux lignes rouges. La première, point de salut sans réforme constitutionnelle pour rétablir notre souveraineté, car en votant une énième loi nous mettrions des coups d'épée dans l'eau. Gérald Darmanin ne fait que nous amener sur des terrains de diversion.

 

Vous pensez le chef de l'État sincère lorsqu'il envisage d'ouvrir le champ du référendum aux questions migratoires ?

Emmanuel Macron nous balade. Il ne veut pas réformer la Constitution sur ce sujet. Je suis prêt à m'engager dans le débat pour faire avancer les choses, mais à une condition : qu'avant le vote du texte à l'Assemblée nationale, le président dépose un texte de loi constitutionnelle au Parlement. La seconde ligne rouge des Républicains était qu'il ne devait pas y avoir de droit opposable à la régularisation de clandestins. L'article 3 du gouvernement a été supprimé, c'est une très bonne chose, mais il a été remplacé par un article 4 bis qui pose des problèmes de fond importants : certes, il n'y a plus de droit automatique à la régularisation, mais il y a un droit opposable plus grand encore que la circulaire Valls. Cet article 4 bis est le fruit de négociations internes au Sénat, de luttes d'influence au sein de la majorité sénatoriale de centre droit. Au risque de déplaire, je défendrai toujours plus l'intérêt du pays que celui de groupes politiques dans une Chambre. L'organisation bicamériste de notre démocratie suppose que les députés ne soient pas toujours alignés avec les sénateurs. Avant d'appartenir à un parti, je suis un député de la Nation. Et je considère que la politique du « pas de vague » nous a coûté extrêmement cher depuis des décennies. La clarté est une force.

 

Cet article 4 bis donne la main aux préfets, qui ne sont pas réputés très laxistes…

Un des problèmes de cet article, c'est que les clandestins vont pouvoir demander eux-mêmes leur régularisation. Le Conseil d'État a rendu un avis expliquant que cette mesure expérimentale proposée par le Sénat ne pourrait pas être intégrée au Code de la nationalité, car elle est temporaire. Il y a donc un vrai risque constitutionnel que l'article saute. Dans ce cas, nous aurons été totalement cocus ! L'autre problème de cet article imprécis, c'est que les critères de régularisation – une bonne maîtrise de la langue française, une bonne intégration – sont beaucoup trop flous. Nous risquons de confier aux tribunaux administratifs, déjà engorgés, le soin de définir ces critères. Nous aurions donc demain une explosion du contentieux. Cette disposition nous fera perdre encore un peu plus le contrôle politique au profit du contrôle des juges.

 

Certains sénateurs LR, en réunion de groupe cette semaine, ont réclamé votre tête…

Si on en vient à vouloir exclure ceux qui refusent de faire la courte échelle à Gérald Darmanin, alors nous ne sommes plus un parti d'opposition.


Le projet de loi du gouvernement est aussi censé combler des failles juridiques après l'attentat d'Arras. Est-ce suffisamment le cas, à vos yeux ?

C'est le cœur du sujet : est-ce que ce texte est à la hauteur du défi ? Non. La France est devenue une terre de radicalisation sur son propre sol. Nous voyons émerger une nouvelle génération de terroristes : en 2016, 51 mineurs de nationalité française ont été mis en examen dans ce type d'affaires. Cela implique désormais des adolescents de 14 à 17 ans, c'est d'une gravité absolue. Ces mineurs devraient être notre priorité. Par facilité, on a supposé que la menace terroriste venait d'ailleurs, mais elle vient de chez nous ! Je demande au ministre de l'Intérieur de nous donner les chiffres précis des centaines de milliers d'euros injectés dans des associations de lutte contre la radicalisation. La gabegie d'argent public versé à ces associations, dont la lutte contre la radicalisation est à bien des égards fictive, sinon naïve, a commencé avec Manuel Valls et François Hollande, et elle s'est poursuivie...

 

On ne prend pas le sujet par le bon bout. Le fichage S est un outil administratif et nous avons besoin d'une arme juridique pour les mettre hors d'état de nuire. La question, c'est que fait-on des radicalisés ? Nous n'avons pas de structures pour les prendre en charge sur le long terme. Je ne crois pas que l'on puisse déradicaliser un individu qui baigne dans une idéologie meurtrière, on peut juste le démobiliser pour qu'il ne passe pas à l'acte. Nous avons deux options, en l'état : soit la prison, qui provoque une sur-radicalisation et une contamination à d'autres détenus, soit les centres de rétention administrative qui ne sont pas faits pour ces individus particulièrement dangereux. Il faut une troisième voie avec des établissements spécialisés.

 

Un « Guantanamo à la française », comme l'avait proposé Éric Ciotti ?

Non, il convient d'agir dans le respect de notre droit et de nos règles. Je parle d'établissements d'enfermement intermédiaires, de prisons spécialisées. Le projet de loi sur l'immigration aurait dû nous permettre d'avoir ce type de débat. Le risque est que l'on se réveille tardivement, en cas de nouvel attentat, en réalisant que ce texte n'aura servi à rien. Les Français ne nous le pardonneraient pas et je sais vers qui ils se tourneraient, et c'est ce que je refuse. Il va également falloir que nos démocraties se réarment moralement et idéologiquement. Les organisations terroristes portent un récit terrible, de sang, mais c'est un narratif qui devient plus puissant que celui des démocraties. Les images d'horreur d'actes terroristes, qui circulent parfois librement, nous sidèrent tous mais elles peuvent aussi provoquer chez certains de l'attirance. C'est la raison pour laquelle notre pays s'était protégé des images et des contenus d'horreur de Daech. Les bourreaux, le Hamas comme Daech, utilisent sciemment ces images pour attirer et éveiller un sentiment d'adhésion et de mobilisation. Il faut que l'on soit vigilant et intraitable avec les plateformes numériques qui ne joueraient pas le jeu de la régulation afin que ces images ne circulent pas. Dans la lutte contre la radicalisation, nous avons des guerres militaires à mener sur le terrain, mais aussi une guerre, plus profonde, à conduire sur le terrain des valeurs.

 

Une motion de censure LR n'a, en l'état, que peu de chances d'être votée puisque le PS a annoncé qu'il ne la soutiendrait pas !

Ce ne sera pas simple. Le dernier moment où on était assuré de faire voter une motion de censure, c'était le débat sur la réforme des retraites, comme je l'avais préconisé. Je plaide pour la cohérence : dès lors qu'un texte ne règle pas les problèmes et que le gouvernement nous oblige à l'avaler avec un 49.3, notre seule réponse institutionnelle est la motion de censure. Ce ne serait pas rajouter du chaos, mais offrir une soupape de salubrité démocratique. Nous vivons un basculement pendant que le ministre de l'Intérieur s'agite sur les détails.

 

Emmanuel Macron a prévenu : toute motion de censure adoptée entraînerait une dissolution. Votre parti risquerait de voir son groupe à l'Assemblée divisé par deux. Et vous-même, élu sur une terre de gauche, seriez-vous reconduit ?

Le président a proféré beaucoup de menaces qu'il n'a jamais mises en application. Je n'ai pas peur des menaces en mousse. La politique, c'est du courage et je n'ai pas peur de revenir vers le peuple. C'est la règle démocratique.

 

Le chef de l'État aurait-il dû prendre part à la marche contre l'antisémitisme ?

Honnêtement, je ne sais pas. La fonction présidentielle nécessite d'être parfois en retrait. Pour autant, je pense qu'il a du mal à percevoir ce qu'il se passe dans notre pays : à ce moment précis, il était nécessaire qu'il déroge à sa posture institutionnelle pour communier avec le pays inquiet et nos compatriotes juifs meurtris. Il est passé à côté des Français. Je reproche beaucoup de choses à Emmanuel Macron, qui a tant fracturé notre pays, mais je ne le soupçonne pas en revanche de ne pas vouloir lutter contre l'antisémitisme. De grâce, sur cette question si sensible, ne passons pas notre temps à allumer de nouveaux incendies. Rassemblons-nous sur l'essentiel.

 

Vous comprenez sa position sur le Proche-Orient ? Un jour évoquant une coalition internationale contre le Hamas, l'autre appelant au cessez-le-feu ?

Emmanuel Macron est une brindille dans la tempête. La parole de la France ne pèse plus rien. Prenons le cas des otages, qui est l'une des clés du conflit. La France se retrouve spectatrice. Sa parole s'est effondrée derrière la négociation menée par le Qatar. Notre pays a toujours joué un rôle stratégique dans les libérations d'otages, et c'est fini, nous ne sommes plus en situation de peser. L'idée d'une « coalition internationale » contre le Hamas émise par Emmanuel Macron a provoqué une perte de crédibilité immense. La parole de la France est devenue inconséquente. Ce que j'attends du président, c'est qu'il dise clairement que rien ne pourra se reconstruire demain sans une nouvelle autorité palestinienne, et probablement pas sans une nouvelle autorité israélienne ; qu'il porte une parole française qui ne change pas selon les jours ; et qu'il affirme que notre soutien n'est pas inconditionnel. Oui, Israël doit éradiquer les têtes du Hamas. Non nous ne pouvons pas rester muets en comptant comme par fatalité les morts civils. C'est la position que la France porte depuis le général de Gaulle, poursuivie par Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy. La recherche de la paix n'est jamais une faiblesse. C'est une forme de courage.

 

Vous redoutez une importation du conflit sur notre sol ?

Je ne crois pas à l'importation du conflit mais à l'importation de la haine. Désormais, les organisations qui prêchent la haine ont dans notre pays des agents de propagation de leur poison. Jean-Luc Mélenchon est devenu un agent de propagation de cette haine. C'est impardonnable, car il rend un service précieux à tous ceux qui prêchent les idées terroristes.

 
 


18/11/2023
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