Emmanuel Macron dans l'usine Arabelle de Belfort en février 2022
Emmanuel Macron dans l'usine Arabelle de Belfort en février 2022© Jean-Francois Badias / POOL / AFP

EDITO. Alors que la Commission d'enquête parlementaire sur l'indépendance énergétique a entendu le PDG d'EDF et Nicolas Hulot, aucun député n'a posé de questions sur la responsabilité des partis écologistes sur la débâcle du nucléaire.

La France, championne du monde de l’électricité décarbonée, avec 91 % de sa production venant du nucléaire et des renouvelables ! Ce constat de Luc Rémont, PDG d’EDF, lors de son audition devant la Commission de l’Assemblée nationale sur la "Souveraineté et l'indépendance énergétique de la France", le 28 février, avait des aspects surréalistes après l’annus horribilis que l’électricien vient de solder. Et le nouveau PDG d’enfoncer le clou : "Oui, EDF a construit dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix un parc nucléaire compétitif, qui a fourni aux particuliers et aux entreprises françaises de l’électricité à prix bas." Et qui compte bien continuer à le faire puisqu’"il faut amener ce parc nucléaire à fonctionner en toute sécurité au-delà des 60 ans." Il était temps de le rappeler dans la "conscience collective", comme l’a martelé le nouveau PDG.

Car les écolos ont failli réussir ! Par leur influence dans le débat politique français depuis un quart de siècle, par leur présence dans certaines équipes gouvernementales, par leur intransigeance sur la question nucléaire, ils ont constamment menacé cet indéniable atout de la France, elle qui avait parié comme aucun autre pays au monde sur cette énergie bon marché et décarbonée. Qui se souvient qu’en 1995, alors que l’on mettait en chantier les derniers réacteurs d’une folle équipée commencée vingt ans plus tôt, un ministre de l’Economie - il s’agissait d’Edmond Alphandéry – imposait à EDF de diminuer ses tarifs chaque année pour en faire un facteur de compétitivité du pays !

 

Et puis les écologistes sont arrivés, déconstruisant ce consensus autour de l’électricité la moins chère d’Europe. Cela a commencé avec le "Pacte vert", quand Lionel Jospin, Premier ministre, s’est laissé forcer la main pour arrêter Superphénix. Puis avec Martine Aubry, première secrétaire du PS, qui a introduit "le vert" dans le fruit, en négociant avec Cécile Duflot (EELV) un accord pour fermer 24 réacteurs. Accord dont François Hollande, devenu président de la République, n’a pu sortir qu’en promettant de réduire la part du nucléaire à 50 % de la production d’électricité à l’horizon 2025. Avec une belle dose d’ambiguïté, puisque son Premier ministre de l’époque, Jean-Marc Ayrault, confiait en privé que l’avantage de la notion d’"horizon", c’est que plus on s’en rapproche, plus il s’éloigne…

 
 
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Le nouveau PDG d'EDF en quête d'une référence sur le nucléaire 

Quant à Emmanuel Macron, on sait combien le scalp de Nicolas Hulot lui a coûté : fermant dans un premier temps Fessenheim, stoppant le successeur de Superphénix, promettant la mise à la retraite de douze centrales, puis, finalement convaincu du contraire, souhaitant les pousser jusqu’à 80 ans d’activité, .... Tout cela pour faire une place dans son équipe à un parti écologiste qui n’a jamais eu en France de culture de gouvernement, même avec la courte expérience de Nicolas Hulot (également entendu par la Commission parlementaire), même après la reconnaissance par le Giec de la place du nucléaire dans la transition énergétique. Témoignage également de ce tabou, l’incompréhensible choix de la Convention consultative sur le Climat, réunie en 2019, de ne pas mettre le nucléaire à l’ordre du jour de ses travaux!

 

Au fond, le seul politique qui ne se soit jamais laissé bercer d’illusions sur le pouvoir de nuisance des partis verts reste Nicolas Sarkozy. C’est lui qui a validé le choix d’EDF de racheter British Energy, avec la perspective de rénover le parc nucléaire outre-Manche. Car même avec la force des vents au Nord de l’Ecosse, il n’a jamais été question que le Royaume-Uni abandonne une source d’énergie puissante, et indépendante des aléas de la nature.

 

Le mot de la fin revient à Luc Rémont, toujours devant les députés : "La performance de nos anciens – avoir construit 58 réacteurs en vingt ans - va nous rattraper. Car ces réacteurs vont tous être fermés, également sur une période de vingt ans. Il nous faut donc trouver très vite un réacteur récurrent qui sera à son tour notre référence." Mais pour cela il faut un certain degré de "conscience collective."