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EXCLUSIF. «Les plus modestes n’ont pas accès aux HLM»

  • propos recueillis par Charles Sapin, pour Le Point - avril 2024 Republié par Jal Rossi
Mandaté par la Fondapol et l’Observatoire de l’immigration et de la démographie, le préfet Michel Aubouin souligne, dans un rapport, les dysfonctionnements du modèle HLM à la française.
 
En temps de crise du logement comme de dérapage des finances publiques, une question a curieusement échappé au débat public : celle du logement social. Plus pour très longtemps. Dans une collaboration inédite, la Fondation pour l'innovation politique (Fondapol), dirigée par Dominique Reynié, et l'Observatoire de l'immigration et de la démographie (OID), mené par Nicolas Pouvreau-Monti, signent une note édifiante que révèle Le Point, sur la réalité que cache le modèle – sans aucun équivalent en Europe – des HLM. Dans son étude fouillée, le préfet Michel Aubouin, ancien inspecteur général de l'administration et directeur de l'accueil et de l'intégration des étrangers, dresse un bilan du logement social. Extrêmement coûteux, à hauteur pour l'État de 34 milliards d'euros par an, celui-ci se révèle profondément inefficace «en ce que les plus modestes n'y ont pas accès». Seuls 11 % des Français non immigrés en bénéficient.
 
A contrario, ses critères d'attribution conduisent à une surreprésentation des étrangers extra-européens parmi ses bénéficiaires. Ainsi, 57 % des étrangers et descendants d'étrangers en provenance d'Afrique sahélienne résident en logement social, à l'image de la moitié des immigrés algériens et de leurs descendants. Avec un taux de rotation annuel des occupants inférieur à 7 %, le modèle se révèle parfaitement inéquitable. Au point de créer «une rente de situation pour nombre de ses bénéficiaires qui, grâce au droit au maintien dans les lieux, y restent parfois sur plusieurs générations.» Là réside, pour Michel Aubouin, la plus grave anomalie du système français : Loin de favoriser la «mixité sociale», il aggrave les fractures territoriales jusqu'à devenir un frein à l'intégration. Le «phénomène de concentration» qu'il engendre accentue le caractère communautaire de quartiers entiers, souvent abandonnés à eux-mêmes. Pour l'auteur de 40 ans dans les cités (Presses de la Cité, 2019), l'urgence est à un moratoire sur le logement social et à une refonte des lois SRU et Dalo.
 
Le Point : Comment est né le logement social en France ? Quel était son objectif premier ?
Michel Aubouin : En France, le secteur HLM a été créé dans les années 1950 pour des familles modestes, en grande précarité et mal logées. L'idée était de mettre à leur disposition des logements provisoires à loyer modéré pour leur permettre, ensuite, d'accéder à un logement privé. C'est ce qu'on appelait alors le parcours résidentiel. Le logement social était pensé comme un sas transitoire, dont la vocation n'était pas de durer toute la vie. Ce phénomène a pris une ampleur considérable. La France détient aujourd'hui un quart des 21 millions de logements sociaux recensés au sein de l'Union européenne. Le logement de type HLM représente un quart du parc des logements urbains en France. Cela est dû, depuis des années, à une revendication permanente pour davantage de logements sociaux. Or non seulement l'offre ne parvient jamais à rattraper la demande, mais le mécanisme s'est totalement grippé. Au point que le logement social ne s'adresse plus, aujourd'hui, à ceux qui ont besoin de se loger.
 
Que voulez-vous dire ?
 
Pour accéder au logement social, vous devez répondre à des conditions minimales de revenus. Tout un ensemble de jeunes travailleurs, de jeunes couples ou de personnes âgées modestes se retrouvent à devoir trouver d'autres solutions pour se loger qu'en HLM, qui leur était pourtant initialement destinée. C'est une trappe à pauvreté. En région parisienne, il faut compter plus de dix ans aujourd'hui pour obtenir un logement social. La raison principale est que le taux de rotation annuel des occupants des logements sociaux est inférieur à 7 %. Avec le droit au maintien dans les lieux, le système est devenu totalement inéquitable entre des personnes qui ont besoin d'un logement social, mais qui n'y ont pas accès, et ceux qui continuent d'en bénéficier alors qu'ils auraient les moyens d'être logés autrement. L'âge moyen des occupants dépasse aujourd'hui les 50 ans. Pour certains bénéficiaires, le logement social est devenu une rente de situation à vie, transmissible dans certains cas à leurs enfants et aux enfants de leurs enfants…
 
La classe politique, à droite, dénonce une «préférence étrangère» dans l'attribution des logements sociaux. Vos travaux confirment-ils ce constat ?
 
Il est vrai que les immigrés y occupent une position singulière : 35 % d'entre eux y vivent, contre seulement 11 % des Français non immigrés. Une surreprésentation qui s'accentue avec la concentration de l'habitat. Cela s'explique par l'outil d'attribution des logements mis en place par le ministère du Logement. Un algorithme, constitué d'une série de critères, qui tend à privilégier une catégorie particulière de la population – comme les familles monoparentales avec de nombreux enfants – assez éloignée de la famille française traditionnelle. On ne peut pas, cependant, faire un tout de l'immigration. Il existe de très importantes disparités. Par exemple, entre les populations asiatiques – seules 8 % des populations venues de Chine vivent en logement social – et, à l'inverse, les immigrés en provenance d'Afrique sahélienne (Sénégal, Mauritanie, Mali, Niger…), dont 57 % sont locataires d'un logement HLM. Une proportion qui augmente à 63 % pour ce qui est de la seconde génération. La moitié des immigrés algériens, de loin les plus importants en volume, habitent en HLM. Cette réticence d'une population issue d'une immigration pourtant ancienne à quitter le logement social pourrait s'expliquer par plusieurs raisons : continuer à bénéficier d'une situation avantageuse dans un marché du logement sous tension, le refus de s'ancrer, par un achat, dans le pays d'accueil, l'opportunité économique offerte par le faible montant des loyers résiduels pour investir dans le pays d'origine ou le désir de demeurer regroupés en communautés.
 
L'un des objectifs fondamentaux du logement social est de favoriser la «mixité sociale» et l'intégration. Est-ce le cas ?
 
L'accession à la propriété privée est une forme d'intégration dans la société. Vous êtes propriétaire, aussi, d'un petit morceau de la France. Vous êtes plus respectueux de votre environnement si c'est le vôtre. Le logement social ne permet pas cela. Pire, la logique de concentration qu'il sous-tend conduit à créer, dans certains quartiers, un phénomène d'appropriation communautaire, avec une sorte d'autonomie d'ensembles urbains qui comptent parfois plus de 10.000 habitants et qui finissent par échapper à la règle commune. On continue de maintenir un modèle, celui des grands ensembles des années 1950, qui a créé beaucoup de désordres en France. Les émeutes urbaines de juillet dernier en ont été la démonstration. On s'est demandé pourquoi des endroits calmes jusque-là s'étaient enflammés. C'est tout simplement l'application de la loi SRU et l'apparition de nouveaux quartiers HLM dans ces communes…
 
Quelles solutions préconisez-vous pour pallier la faillite de ce modèle ?
 
Il faut recentrer la politique du logement social sur l'accueil des familles précaires et l'intégration des populations issues des migrations extra-européennes en réaffirmant le caractère temporaire du logement social, comme une étape vers l'accession à la propriété. Pour ce faire, il faut aller à l'encontre de la volonté politique actuelle qui est de toujours construire davantage de logements sociaux et décréter un moratoire. C'est-à-dire suspendre toute nouvelle initiative de logement social. Le contexte s'y prête, vu l'état de nos finances publiques. L'État économiserait, au bas mot, une dizaine de milliards d'euros par an. Cela permettrait de dresser un bilan des lois SRU et Dalo, afin d'identifier les ajustements nécessaires : introduire un bail à durée limitée, ne pas renouveler le bail des fauteurs de troubles ou des propriétaires de résidences secondaires, considérer la nationalité d'origine du demandeur comme un élément de recevabilité du dossier pour mieux équilibrer les peuplements.�

38,2 MILLIARDS D'EUROS

C'est le budget consacré à la politique du logement par l'État, soit 1,5 % de son PIB.

2 millions

C'est le nombre de demandes de logements enregistrées en moyene chaque année pour seulement 450.000 attributions.

35 %

C'est le pourcentage des populations immigrées vivant en logement social, contre 11 % des Français non immigrés
(Source : Fondapol)
Illustration :
  • Michel Aubouin. @ DR
  • Vidéo. - EXCLUSIF. «Les plus modestes n’ont pas accès aux HLM» - Durée 01:42 - Avec un coût annuel de 34 milliards d'euros, le logement social se révèle inefficace. Pour le préfet Michel Aubouin, il est également loin de favoriser la mixité sociale et devient même un frein à l’intégration.
 
 
 
 
 
 
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17/04/2024
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