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Le blanchiment du tyran de Damas

 

éditorial Sud-ouest Christophe Lucet

 

 

Une décennie après en avoir été expulsé, Bachar al-Assad est de retour au sein de la Ligue arabe. Le sommet de l’organisation panarabe ce 19 mai à Djeddah en Arabie saoudite va en effet officialiser la réintégration du régime syrien parmi ses pairs. Une décision poussée par la puissante monarchie saoudienne au nom de la « realpolitik ».

   Car la dictature syrienne, bousculée en 2011 par les printemps arabes, n’a rien renié de l’impitoyable combat mené contre son propre peuple. Pour sauvegarder les intérêts d’un clan cleptocratique et éteindre les aspirations démocratiques d’une majorité de Syriens, elle a causé la mort de centaines de milliers d’entre eux, poussé des millions de personnes vers l’exil et transformé le pays en champ de ruines.

   La Syrie n’est que l’ombre d’elle-même. Elle n’a plus d’économie digne de ce nom, ses forces vives sont en exil ou disparues, ses prisons étouffent les cris des suppliciés et son territoire morcelé est le théâtre des rivalités entre puissances de la région (Arabie saoudite, Turquie, Iran, Israël) et d’ailleurs. L’autoritarisme mis à part, la Syrie de Bachar n’a plus rien à voir avec celle de son père Hafez qui monnayait fièrement son influence sur l’échiquier du Moyen-Orient.

   Le boucher de Damas ne revient pourtant pas la corde au cou comme un bourgeois de Calais. Si on le réintègre, c’est pour tenter de résoudre l’écheveau des crises régionales : faciliter par exemple le rapprochement entre Téhéran, parrain de la Syrie, et les Saoudiens, ce qui permettrait d’éteindre enfin la guerre au Yémen ; mais aussi organiser le retour des millions d’exilés syriens qui pèsent sur les pays d’accueil (Turquie, Liban, Jordanie).

   Bachar sait qu’on a besoin de lui. Un des motifs de la mansuétude de la Ligue arabe s’appelle captagon, cette drogue de synthèse qui inonde la région et sur le trafic duquel le régime syrien a mis la main. Même à la tête d’un pays fantôme, il garde ainsi des moyens de pression pour être blanchi sans pour autant lâcher du lest.

   Certes, les pays arabes vont demander à Assad d’organiser la réconciliation en Syrie. Mais on peut lui faire confiance pour n’en rien faire. Et il serait surprenant que des régimes aussi peu démocratiques que ceux de Riyad, Le Caire ou Ankara veuillent vraiment lui tordre le bras sur ce sujet. Quant aux pays occidentaux, leurs réactions face à ce retour honteux se font attendre. La « realpolitik » doit-elle les conduire à accepter ce marchandage sans protester ?

   En attendant, le triomphe d’Assad enterre les derniers espoirs des printemps arabes, et il laisse le peuple syrien, livré au bon vouloir de son dictateur, dans une grande solitude.



20/05/2023
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