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La soviétisation du système de santé

  • par Nicolas Baverez, pour Le Figaro - mars 2024 Republié par Jal Rossi récemment
La désintégration du système de santé français ne trouve pas son origine dans l’épidémie de Covid, qui ne fut qu’un révélateur. Elle renvoie à des maux structurels et à plusieurs décennies de politiques absurdes.
 
Lors de l’épidémie de Covid, différents mécanismes d’intervention publique ont été expérimentés. En Europe ont été développés des mécanismes de production et de financement publics des soins, à l’image du NHS au Royaume-Uni ou de la couverture universelle en France via l’assurance-maladie, la CMU et l’AME. Les systèmes de type soviétique reposant sur l’étatisation de l’offre et la gratuité totale des soins ont systématiquement abouti à un effondrement de la santé publique et une forte diminution de l’espérance de vie de la population.
 
Le système de santé français, fondé sur les principes d’universalité, d’égalité, d’accessibilité et de qualité, a longtemps figuré parmi les plus performants. Il est désormais en cours d’effondrement.
 
L’accès aux soins est devenu difficile pour 51 % des Français, en raison des déserts médicaux et de spécialités sinistrées, comme la psychiatrie, la gériatrie ou la gynécologie. La qualité se dégrade avec des défauts ou des retards de prise en charge, dont la saturation et la multiplication des accidents graves aux urgences sont exemplaires. La violence et la maltraitance gangrènent les établissements. Les soignants fuient l’hôpital, ce qui oblige à recruter des professionnels étrangers précarisés, tandis que les médecins de ville, paupérisés et accablés de tâches administratives, se désengagent. Face au manque chronique de personnel, les hôpitaux n’ont d’autre choix que de réduire leur activité en fermant des lits (20 % en Île-de-France).
 
Les pénuries de médicaments sont endémiques, touchant 37 % de la population, notamment pour les antibiotiques, les anticancéreux et anti-infectieux. En 2023 ont été enregistrées 4925 ruptures de stocks, en hausse de 30 % par rapport à 2022 et 128 % par rapport à 2021. L’industrie pharmaceutique française, leader en Europe en 2000, est déclassée et marginalisée. Notre pays produit moins du tiers des médicaments et moins de 10 % des produits innovants qu’il consomme. La recherche, qui ne mobilise que 0,4 % du PIB, connaît une débâcle, illustrée par le fiasco du vaccin contre le Covid alors que l’ARN messager est une invention de l’Institut Pasteur.
 
Enfin, la soutenabilité financière du système de santé n’est plus assurée. Alors qu’il mobilise 12,7 % du PIB, il génère un déficit structurel de l’ordre de 10 milliards d’euros (17,8 milliards en 2022 ; 9,5 en 2023 ; 9,7 en 2024), financé par une dette publique qui atteint 111 % du PIB et est sortie de tout contrôle.

«Le système de santé n’a pas été piloté pour assurer l’accès et la qualité des soins mais pour tendre vers leur gratuité pour tout et pour tous.»

La désintégration du système de santé français ne trouve pas son origine dans l’épidémie de Covid, qui ne fut qu’un révélateur. Elle renvoie à des maux structurels et à plusieurs décennies de politiques absurdes.
Le système de santé n’a pas été piloté pour assurer l’accès et la qualité des soins mais pour tendre vers leur gratuité pour tout et pour tous. Le reste à charge pour les ménages a ainsi été réduit à 8 % contre 20 % en moyenne dans les pays développés. Mais l’augmentation et le vieillissement de la population ainsi que les progrès de la médecine génèrent une hausse des coûts de 4 % par an alors que la croissance potentielle est désormais inférieure à 1 % par an. L’ajustement a dès lors été réalisé par la chute de la qualité des soins et par leur rationnement : physiquement via le numerus clausus et les déserts médicaux ; financièrement via le carcan imposé aux établissements ainsi que la baisse arbitraire du prix des médicaments et des dispositifs médicaux ; administrativement par la mise en place de la tutelle bureaucratique étouffante des 18 agences nationales et des ARS.
 
Au fil des ans, l’offre de soins a ainsi été totalement désorganisée et déconnectée des besoins des Français. La médecine de ville, en première ligne, a disparu, victime d’un régime anachronique de paiement à l’acte, du tarif très bas de la consultation (26,50 euros, contre 70 euros en Allemagne et 200 dollars aux États-Unis) et de la multiplication des tâches administratives. L’hôpital a été asphyxié par les urgences (plus de 25 millions de passages par an), étouffé par la régulation budgétaire, par le manque de soignants et la bureaucratie (34 % du personnel est affecté à des tâches autres que les soins), par le sous-investissement et le surendettement.
 
Le sauvetage du système de santé français ne passe pas par des mesures d’urgence, mais par une profonde transformation, à l’égal de ce qu’ont entrepris l’Allemagne et les pays scandinaves. Elle devrait s’organiser autour de sept axes :
  1. le pilotage par la qualité des soins et non par leur gratuité, ce qui implique que les Français contribuent à la reconstruction d’une médecine performante
  2. un investissement significatif dans la prévention à partir de la mobilisation des données de santé
  3. le recentrage de l’État sur la santé publique, la planification et l’évaluation, associé à la décentralisation de la gestion des établissements aux régions
  4. la reconfiguration de l’offre autour de parcours de soins structurés selon trois niveaux : médecins traitants rémunérés au forfait, hôpitaux de court séjour de haute technicité, structures spécialisées dans le long séjour
  5. un effort en faveur de l’attractivité des métiers du soin, en termes de rémunération comme de formation et de déroulement des carrières, alors qu’hôpitaux et Ehpad devront embaucher 700.000 soignants d’ici à 2030
  6. un investissement massif dans la technologie pour améliorer la qualité et la productivité des soins
  7. enfin, une stratégie de relocalisation industrielle et de soutien de l’innovation, qui suppose de payer le médicament à son vrai prix.
Il est grand temps de rompre avec la logique soviétique qui ruine notre système de santé, fondée sur une fausse gratuité mais une vraie pénurie, une vraie chute de la qualité des soins, une vraie rupture avec l’innovation et le progrès médical.�
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12/04/2024
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