Une meilleure alimentation, des entraînements plus efficaces, des routines plus judicieuses: on dirait que ça ne fait jamais du mal de travailler sur soi-même –avec un grand sourire aux lèvres, bien sûr, car on est heureux de se rapprocher chaque jour un peu plus de son soi parfait. Ce paradigme social fait qu'il est parfois difficile d'avoir le sentiment d'être assez et de faire suffisamment.

Le problème, c'est que nos limites ne résident pas seulement en nous-mêmes, mais aussi dans les circonstances socio-économiques, sanitaires et raciales dans lesquelles nous vivons. Surtout pour les personnes marginalisées en raison de leur revenu, de leur apparence ou de leurs capacités, pour qui il n'est pas toujours facile de se sentir à la hauteur.

Mais même si l'on va bien et que l'on jouit de nombreux privilèges, il existe des mécanismes psychologiques inéluctables qui nous poussent à en vouloir plus. A priori, souhaiter améliorer sa vie n'a rien de répréhensible; mais il peut être bénéfique de connaître des moyens pour contrer cette pression ubiquitaire qui nous fait croire que nous devons faire ou acheter davantage pour «atteindre notre plein potentiel», explique Vox.

Comparaison et adaptation hédonique: nous n'en avons jamais assez

L'être humain est câblé pour vouloir tout améliorer, déclare le psychologue expérimental Adam Mastroianni au média américain: «Si nous sommes passés de la chasse et de la cueillette à la vie dans des gratte-ciel, c'est parce que quelqu'un a dû imaginer toutes les améliorations possibles.» En même temps, nous avons tendance à comparer sans cesse notre propre bonheur et notre réussite avec ceux des autres, mais aussi avec le bonheur que nous avons eu auparavant.

De plus, nous avons la capacité de l'adaptation hédonique, c'est-à-dire que nous nous adaptons à tout événement, qu'il soit objectivement bon ou mauvais, en nous stabilisant toujours au même niveau de satisfaction de base. Ce mécanisme fait en sorte qu'un nouveau vélo performant ne nous rend heureux que quelques semaines avant de commencer à nous

paraître ordinaire.

Des études montrent que selon ce même mécanisme, les gagnants de loterie ne se sentent pas plus heureux avant et après avoir gagné qu'un groupe de contrôle; à l'inverse, les victimes d'accidents se retrouvant en fauteuil roulant se considèrent à peine plus insatisfaites qu'un groupe de contrôle.

C'est cette tendance à la comparaison et l'adaptation hédonique qui fait que nous ne nous sentons jamais durablement épanouis, peu importe la chance que nous avons, le succès de notre carrière ou la perfection de l'aménagement de notre appartement.

On peut se sentir à la hauteur de soi-même et avoir des ambitions en même temps

Disposer d'assez d'argent pour vivre nous rend heureux, affirme la science. Mais dans une société qui en a déjà assez, la marchandisation constante d'encore plus de biens et d'opportunités peut conduire au malheur. Pourtant, Tal Ben-Shahar, fondateur de la Happiness Studies Academy («académie des études du bonheur» en français) et professeur à la Centenary University, a de bonnes nouvelles: il n'y a pas d'incompatibilité entre le fait de se sentir à la hauteur et celui d'avoir des objectifs.

Au lieu de nous fixer des objectifs basés sur l'accumulation de biens, nous devrions aspirer à satisfaire notre propre idée de la réussite, suggère Ben-Shahar. Nous devons nous concentrer sur nos propres désirs et besoins, et non sur les attentes des autres ou de la société.

En outre, les experts assurent qu'il est bénéfique de se souvenir de ce que l'on a déjà et d'exprimer sa gratitude pour cela. Ainsi, nous pouvons éviter qu'à cause de l'adaptation hédonique, les belles choses, réussites et privilèges de notre vie finissent par nous paraître ordinaires. Un journal de gratitude dans lequel nous nous rappelons chaque jour les différentes manières dont nous avons assez et sommes assez peut s'avérer utile à cet égard.