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Immigration : la note qui va secouer la gauche

  • par Samuel Dufay, pour Le Point - janvier 2024
Un document de la Fondation Jean-Jaurès, que «Le Point» s’est procuré, appelle à réguler les flux migratoires. Le début de l’aggiornamento ?
 
Rarement le rappel d'évidences aura semblé aussi audacieux. Dans une note à paraître cette semaine, et qui pourrait faire date, la Fondation Jean-Jaurès rompt avec l'angélisme dominant à gauche sur la question de l'immigration. D'abord parce que les auteurs exhument une vérité occultée par des décennies de silence : la régulation de l'immigration figure, dès les origines, au cœur de la pensée socialiste et communiste.
 
Karl Marx n'identifie-t-il pas la tendance du capitalisme à se créer une «armée industrielle de réserve» ? Jean Jaurès ne défend-il pas, dans un discours à la Chambre en 1895, la lutte contre l'importation d'une main-d'œuvre agricole à bas salaires sur le sol français ? La gauche vise alors l'équilibre entre maîtrise des flux et accès, pour les arrivants, aux mêmes droits et au même salaire que les travailleurs nationaux, au nom de la solidarité ouvrière.
 
Revendications égalitaires
 
C'est dans les années 1980 que s'opère le tournant idéologique dont les effets durent jusqu'à nos jours. Confronté aux revendications égalitaires de la «marche des beurs» mais aussi à la concurrence d'un Parti communiste hostile, pour des raisons économiques, à l'importation d'une main-d'œuvre étrangère, le PS au pouvoir renonce à l'ambition de réguler les flux.
 
L'idéologie «sans-frontiériste» à la française, celle du droit à la différence, l'emporte. La suite n'est que trop connue : refus de relier la question migratoire à la question sociale, acceptation de l'immigration comme un état de fait, voire comme un droit, assimilation de toute velléité de contrôle à un discours d'extrême droite… Aboutissement de ce processus : Jean-Luc Mélenchon actant, en 2022, la «créolisation» de la société française, qui lui inspire le slogan «Semblables dans la différence».
 
Et, quand la gauche persiste à promouvoir l'autre volet de son programme historique, l'intégration, elle échoue. Entravée par la peur d'apparaître trop exigeante envers les immigrés, la France rechigne à concentrer ses efforts sur les politiques publiques les plus efficaces dans la durée. Elle ne consacre ainsi que 250 millions à l'alphabétisation et à l'apprentissage de la langue, contre 1 milliard pour l'Allemagne.
 
«Domestiquer la mondialisation»
 
Pour briser ce cercle vicieux, la note préconise une politique volontariste d'intégration, inspirée du modèle danois. Investissement massif dans l'accès à la langue et l'acquisition par les nouveaux venus des principes républicains, développement prioritaire de la formation continue, lutte contre la ségrégation ethnique… Mais aussi – enfin ? – régulation des flux.
 
Les auteurs veulent croire en l'existence d'un «espace politique majeur» entre le «sans-frontiérisme» insoumis et la hantise du grand remplacement en conciliant une politique d'asile généreuse et un contrôle démocratique par la représentation nationale. Ils approuvent, à ce titre, certains volets de la loi immigration, comme le vote par le Parlement d'orientations pluriannuelles
.
«Quand on veut domestiquer la mondialisation, puisque c'est l'ambition de la gauche, il faut la réguler dans l'ensemble de ses aspects : les flux de capitaux, les flux de marchandises, mais aussi les flux humains», explique Bassem Asseh, maire adjoint (PS) de Nantes et l'un des auteurs de la note.
 
Ce document s'inscrit dans un réexamen critique par la gauche européenne de son rapport à l'immigration, du Danemark à l'Allemagne en passant par la Slovaquie. Avec l'instauration d'un nouveau clivage entre régulationnistes et immigrationnistes, à commencer par LFI, farouchement opposé à la loi adoptée au Parlement.
 
«Trouver un équilibre»
 
Courageux, cet exercice d'introspection n'en demeure pas moins incomplet… La note fait en effet l'impasse sur des leviers décisifs. Quid du droit européen, frein aux expulsions ? La gauche, promotrice de l'Union européenne, ne doit-elle pas, sur ce sujet aussi, pratiquer l'introspection ? Quid aussi de l'accord franco-algérien de 1968, que l'ancien ambassadeur Xavier Driencourt appelle à dénoncer ?
 
«La période du Covid nous a montré qu'on pouvait toucher à un apparent dogme européen, la limitation de la dépense publique. On doit pouvoir trouver aussi des solutions pour l'immigration, répond Bassem Asseh, lui-même né au Liban. Quant à l'accord de 1968, je suis surtout pour qu'on applique les OQTF [obligation de quitter le territoire français, NDLR], quitte à mettre la pression sur les pays d'origine.»
 
Enfin, quitte à briser les tabous, ne faut-il pas faire un sort au facteur culturel, susceptible de compliquer l'intégration au pays d'accueil ? «Je ne nie pas l'existence de ce problème, que Laurent Bouvet évoquait dans son livre L'Insécurité culturelle. Mais le problème est aussi d'ordre social, détaille l'élu nantais. La régulation des flux a une incidence directe sur la capacité d'intégration. Nous essayons de trouver un équilibre.» Cela suffira-t-il ?�
 
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01/02/2024
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