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Hamas : et à la fin, c’est le mal qui gagne

  • par Bérengère Viennot, pour Le Point - novembre 2023
TRIBUNE. Pour Bérengère Viennot, traductrice et essayiste, rien n’est en mesure de rendre justice aux victimes du pogrom du 7 octobre, en Israël.
 
Il faut regarder la vérité en face : le mal a gagné. Jamais justice ne sera faite. Jamais la moindre riposte, la moindre vengeance, le moindre accord de paix ne répareront le mal commis le 7 octobre en Israël. N'y aurait-il eu qu'un seul enfant tué dans les bras de sa mère que la défaite eût été tout aussi flagrante. Mais il n'y en a pas eu qu'un, il y a eu un massacre. Il y a eu des tortures et des bourreaux jouissant du martyre qu'ils infligeaient, des sévices filmés pour être diffusés.
 
Le mal a gagné ce jour-là, comme il a gagné en 2012 quand Mohammed Merah a tué des enfants parce qu'ils étaient juifs. Comme il a gagné au Bataclan, à l'Hyper Cacher, dans la rédaction décimée de Charlie, et à Nice. Le mal gagne chaque fois qu'un innocent est tué pour des idées, et ça ne date pas du XXIe siècle et de ses guerres de religion qui ne sont qu'un recyclage de celles qui les ont précédées, et qui n'étaient elles aussi que des prétextes à asseoir une domination et à jouir du pouvoir de faire le mal en invoquant l'excuse d'agir au nom de Dieu.
 
En avril 1945, lorsqu'une poignée de nazis ont été jugés, que certains d'entre eux ont été pendus, rien n'a été réparé. Lorsque les alliés ont libéré les territoires soumis à la botte nazie, que les Russes ont pris Berlin et libéré Auschwitz, ce n'était pas parce que le bien triomphe toujours. C'était simplement parce qu'ils étaient les plus forts. Jamais le bien n'a conduit à la victoire par la seule force de son existence. Car la seule chose qui permette de vaincre, ce n'est pas la certitude d'avoir raison. Ce n'est pas le fait d'avoir un dieu à ses côtés, ou des idéaux de justice ou d'égalité. Le bien ne triomphe pas toujours. Il arrive trop souvent qu'il finisse dans une fosse commune.
 
La force, seul recours
La seule chose capable de mener à la victoire, cela a toujours été, et cela restera toujours, la force. Le Hamas a gagné le 7 octobre parce qu'il était le plus fort. Il a gagné aussi parce qu'il a réussi à déclencher de la part d'Israël exactement la réaction qu'il cherchait : un déchaînement de violence sur Gaza, causant la mort de milliers d'innocents utilisés comme boucliers humains.
 
Le Hamas a gagné en France quand des élus ont refusé de le qualifier de groupe terroriste. Quand la mézouzah d'une vieille dame a été incendiée. Dans le métro, quand des gamins ont beuglé en chœur des chants antisémites. Dans les universités américaines où les étudiants attaquent d'autres étudiants parce qu'ils sont juifs. Le Hamas a gagné quand Dominique Bernard a été assassiné, à Londres où ses partisans défilent, partout où des étoiles de David ont été taguées, partout où les affichettes appelant au retour des otages sont arrachées.
 
Le camp du bien n'existe pas
Pour éliminer ce mal, Israël n'a d'autre choix que de tuer des innocents. Et c'est intolérable. On aurait préféré qu'Israël ne soit pas confronté à ce choix. On aurait préféré que le 7 octobre ne se produise pas. On aurait préféré que le Hamas ne se soit pas donné comme objectif d'anéantir un peuple et ne transforme pas les hôpitaux de Gaza en cibles militaires. Cela va sans dire, et pourtant, apparemment, il faut le rappeler.
 
La guerre propre n'existe pas.
Ceux qui font semblant de croire que la vie est binaire et que le choix est simple à faire se mentent à eux-mêmes et aux autres. Dans le meilleur des cas parce que cela permet l'économie de la réflexion. Dans le plus commun, parce que c'est un moyen commode d'exercer une animosité que leur vernis de civilisation, trop mince, ne leur permet pas d'étouffer ou de transcender. Dans le pire des cas, parce qu'ils savent que c'est un moyen efficace de mobiliser des électeurs crédules.
Ce qui est difficile, c'est d'accepter que le camp du bien n'existe pas et que les étalages de vertu n'ont de valeur que dans les livres de messe. C'est d'admettre qu'on est dans le camp du moins mauvais, et qu'il va falloir s'en contenter. Que ce n'est pas le bien qui triomphe toujours, mais la force, et qu'il faut être les plus forts pour ne pas disparaître. Ce qui est difficile, c'est de devoir regarder en face le fait que le vernis de la vie en société s'est craquelé au premier appel à manifester d'un crétin en keffieh. Que le malheur des musulmans n'importe à certaines personnes que quand on peut accuser des juifs d'en être les auteurs. Ce qui explique qu'ils n'investissent pas la place de la République pour les Yéménites, les Syriens, les Afghans ou les Ouïghours.
 
Un monde de Bisounours
Il n'y a pas d'autres solutions à opposer à la bestialité délirante que la force. La loi, celle qui interdit de voler, de tuer, de violer, n'est rien d'autre que la menace d'exercer une force légitime. Et oui, le recours à cette force brute est une défaite de la raison. On aimerait croire qu'il est possible de vivre dans un monde où on peut raisonner les fanatiques, calmer les excités avec des mots et amener tout le monde à comprendre que la haine ne doit pas s'exprimer, mais se transcender. Ce monde de Bisounours n'existe que dans l'imaginaire simpliste de politiciens démagogues.
 
On ne négocie pas avec des terroristes dont l'objectif déclaré est de tuer un peuple entier et qui s'en donnent les moyens. À l'épreuve de la réalité du carnage et de la nécessité de survivre, la philosophie se montre bien insuffisante. Nous vivons un moment plus camusien que jamais. Il existe bien une alternative : cesser le feu, comme le réclament nombre de pacifistes de canapé, renoncer à sauver les otages et attendre le prochain pogrom. Bref, les Israéliens pourraient se sacrifier pour donner bonne conscience aux bien-pensants occidentaux qui savent ce qui est bien et permettre au Hamas et à tous les islamistes forts de cette victoire enfin acquise, une fois les juifs exterminés, de passer aux suivants.�
  • Illustration : Bérengère Viennot, traductrice et essayiste. @ Pierre Hybre, MYOP
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05/12/2023
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