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Élections en Turquie : Erdogan, le Poutine du Bosphore

  • par Luc de Barochez, pour Le Point
Le scrutin du 14 mai place la Turquie devant un choix fatidique : s’enfoncer dans le despotisme, comme en Russie, ou revenir vers la démocratie.
 
Recep Tayyip Erdogan a beaucoup copié Vladimir Poutine depuis vingt ans qu'il est au pouvoir. Comme son homologue russe, le président turc a dénaturé les institutions pour installer un pouvoir personnel, autoritaire et paranoïaque. Comme lui, il a mis au pas les médias et embastillé les opposants. Comme lui, il s'est entouré d'oligarques et a favorisé la corruption et le népotisme. Comme lui, il rêve de restauration impériale et instrumentalise un passé glorifié pour conforter ses ambitions de puissance. Et comme lui, il a envoyé ses troupes occuper un pays voisin, en l'occurrence, depuis 2016, le nord de la Syrie, qui s'ajoute à Chypre dont la partie septentrionale est sous la coupe d'Ankara depuis près d'un demi-siècle.
 
Là où l'islamo-nationaliste Erdogan se distingue de son alter ego russe, c'est lorsqu'il prétend appartenir au camp occidental, à la tête d'un État clé de l'Alliance atlantique, officiellement toujours candidat à l'Union européenne. Il porte la duplicité à son apogée en jouant les médiateurs dans le conflit ukrainien tout en courtisant sans vergogne le potentat du Kremlin. Il lui achète des armes antiaériennes sophistiquées. Il se dérobe à l'application des sanctions occidentales contre la Russie. Il fait barrage à l'adhésion de la Suède à l'Otan. Il menace la Grèce, pourtant un pays allié. N'en jetez plus !
 
De la même manière que le néotsar a misé son destin politique l'an dernier en envahissant l'Ukraine, le néosultan joue son va-tout dans les élections présidentielle et législatives du 14 mai.
Quel que soit le résultat, l'avenir du pays peut basculer. Si Erdogan perd – et s'il accepte sa défaite, ce qui est loin d'être évident –, son régime appartiendra au passé. On peut dès lors imaginer une Turquie qui reviendra cahin-caha dans le concert occidental et qui retrouvera les traits d'une démocratie, même si la question kurde continuera en tout état de cause à peser.
 
Coups tordus
En revanche, si Erdogan sort vainqueur des élections, soit en gagnant le vote populaire, soit en truquant les résultats, il cherchera à s'épargner toute nouvelle épreuve démocratique et s'installera, selon une forte probabilité, dans une présidence dictatoriale à vie. Les futures échéances électorales ne seront plus que des paravents qui serviront, comme en Russie, à relégitimer le despote à intervalles réguliers, sans qu'une véritable opposition soit autorisée à s'exprimer. Et les coups tordus dont il s'est fait une spécialité ces dernières années en Libye, en Syrie, au Haut-Karabakh ou en Méditerranée orientale n'auront alors été que des galops d'essai d'une politique étrangère hostile aux intérêts occidentaux.
 
Les espoirs de changement reposent sur une coalition anti-Erdogan hétéroclite conduite par une sorte de François Hollande turc, Kemal Kiliçdaroglu. Cet apparatchik social-démocrate de 74 ans est dépourvu d'aspérités autres que le fait d'appartenir à la minorité alévie, une secte religieuse issue du chiisme dont les membres sont considérés comme des infidèles par les islamistes sunnites. Ancien haut fonctionnaire à la vie modeste, Kiliçdaroglu s'est forgé une réputation de chevalier anticorruption lorsqu'il dirigeait la Sécurité sociale. Il s'est retrouvé à la tête du parti laïc CHP (Parti républicain du peuple), l'héritier d'Atatürk, lorsque son prédécesseur a chuté sur une affaire d'adultère en 2010. Depuis lors, il a perdu toute une série d'élections mais les sondages – à prendre avec des pincettes – le créditent cette fois-ci d'une avance sur Erdogan. Ce dernier est fragilisé par une inflation galopante (plus de 100 % l'an), par l'effondrement consécutif de la livre turque et par le tremblement de terre du 6 février qui a fait plus de 50.000 morts et qui a exposé la corruption de son régime en montrant que les promoteurs immobiliers proches du président avaient préféré s'enrichir plutôt que de respecter les normes antisismiques.
 
Malgré tout, il ne sera pas facile de battre l'autocrate dans un scrutin qui ne s'annonce ni juste ni libre. Vladimir Poutine, lui, a fait son possible ces derniers mois pour apporter son aide à la réélection de celui qu'il loue comme «un dirigeant fort et un partenaire fiable». Des milliards de dollars ont afflué de Moscou pour financer la construction par l'entreprise étatique russe Rosatom de la mégacentrale nucléaire d'Akkuyu sur la Méditerranée et pour soutenir par la même occasion le cours de la devise turque. Pour Moscou, avoir à son service une cinquième colonne au sein de l'Otan vaut bien quelques milliards.�
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08/05/2023
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