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17.08.23 – Bras de fer

On entend beaucoup, ces temps, des voix qui relaient de fait le discours du Kremlin : il ne sert à rien de vous défendre, de toute manière, la Russie est prête à faire ce qu’il faut pour vous écraser, fut-ce au prix de son propre confort, en sacrifiant la vie de centaines de milliers de ses soldats. Plus de 255 000 aujourd’hui selon les chiffres ukrainiens. C’est existentiel pour ce régime fasciste, qui n’a de raison d’être que dans la guerre d’expansion territoriale.
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C’est pourquoi l’Ukraine ne doit pas céder, même au prix de son adhésion à l’OTAN : même si elle acceptait de perdre la Crimée, le Donbass et son accès à la Mer d’Azov, ce ne serait que partie remise. Poutine et ses sbires veulent reconquérir les territoires perdus dans la débâcle de l’URSS. En dehors de la Solution finale (qui ne démarre d’ailleurs vraiment qu’en 42, après 30 mois de guerre) la seule vraie différence entre le nazisme et le régime poutinien, c’est qu’Hitler avait mieux préparé son coup. Durant six ans, il avait méthodiquement réarmé et préparé le Reich à la guerre. Ne laissons pas à Poutine le temps de ranger la Russie en ordre de bataille, ce qu’il a commencé à faire.
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Le discours sur le danger d’une Russie morcelée n’est qu’une stupidité géopolitique. La Russie s’agrandit depuis huit siècles en arrachant des lambeaux de chair à ses voisins et le seul répit qu’elle leur laisse, c’est quand elle est trop faible pour les attaquer. Même après la chute du Mur, dès 1992, elle s’est arrangée pour poser des mines sous les pieds du monde libre et de l’Europe : à Kaliningrad, en Transnistrie, en Tchétchénie… Rappelons que le principal responsable de l’abcès purulent qu’est devenu le moyen orient, c’est l’invasion russe de l’Afghanistan. C’est Moscou qui a tout déclenché, en 1979.
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Le danger pour la paix du monde, ce n’est certainement pas une Russie démembrée, laissant ses colonies accéder à l’indépendance, ramenant la Moscovie à ses vraies dimensions d’un pays d’une centaine de millions d’habitants, entre Smolensk et l’Oural, s’arrêtant juste au sud de Volgograd…
Le danger, c’est l’habituelle Russie impérialiste, qui s’essuie les pieds dans le lit de ses voisins. Tant pis si la Chine en profite pour faire main basse sur la Sibérie, ça l’occupera, le temps que l’Empire des Ming devienne enfin une vraie démocratie. A tout prendre, la sagesse confucéenne est bien plus créatrice et soucieuse de développement humain, malgré tous ses défauts, que l’exaltation romantique de la démesure russe.
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La liberté ou la mort, les Ukrainiens n’ont pas vraiment d’autre choix et les limitations de notre soutien sont d’un goût amer face à l’enjeu. Souhaitons que nous n’ayons pas à nous en repentir, le jour où la frontière se rapprochera dangereusement de l’Autriche… Les Russes ont le dos au mur. Ils ne s’embarrassent d’aucune considération humaniste et tant qu’ils pourront bombarder les infrastructures et sacrifier des hordes de pauvres types dans des assauts suicidaires, ils le feront.
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La seule issue, c’est de percer leur front et c’est dans le sud que les Ukrainiens s’y emploient, grignotant des kilomètres essentiels chaque jour. Récupérer l’accès à la Mer d’Azov et toute la région de Kherson, sur la rive est du Dniepr, pour isoler la Crimée, c’est l’enjeu vital de la contre-offensive et ce depuis le début. L’explosion du barrage a laissé aux Russes quelques semaines de répit. Un point engrangé, au prix d’une catastrophe humanitaire et environnementale, mais cela, Moscou s’en moque. Attendons de voir par quels mensonges le Kremlin réagira à l'effondrement du front qui se profile, des rives du Dniepr à Robotyne.
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L’une des préoccupations actuelles du gouvernement ukrainien, c’est de mettre en place un système capable d’absorber 70 000 prisonniers russes dans des conditions civilisées. C’est le nombre attendu dans les jours qui suivront l’effondrement des lignes russes. Il y a bien sûr une part de propagande dans ce volontarisme, mais le fait même d’y consacrer du temps et de l’énergie laisse à penser qu’il ne s’agit pas de simples vantardises, contrairement aux rodomontades de Choïgou ou de Medvedev.
Le plan russe voulait obliger les Ukrainiens à envoyer des renforts au nord-est, pour les empêcher de mener à bien leur offensive du sud. Il a échoué. Malgré tout le poids des forces lancées sur le nord-est et dans la région de Bakhmout, les défenseurs ukrainiens ont tenu le choc. Reste maintenant à déminer le sud, où les Russes ont placé jusqu’à 5 mines par mètre carré ! Une folie absolue. Heureusement, avec le soleil qui tape, les mines, même enterrées, restent plus chaudes que la terre environnante après le coucher du soleil et deviennent détectables par des caméras thermiques. Il ne rester plus aux démineurs qu’à les faire exploser…
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Sur le front, les officiers ukrainiens tentent d’enrayer l’alcoolisme qui sévit trop souvent dans la troupe, là où leurs homologues russes l’encouragent. C’est un vrai symbole des perceptions différentes de la guerre, mais aussi de la vie des gens, dans deux types de sociétés que l’impérialisme russe a échoué à fondre. Vu du Kremlin, le citoyen moyen reste avant tout taillable et corvéable à merci. Qu’il soit atteint de soulographie permanente n’est pas vraiment un problème, ça l’aide à accepter sa condition de moujik, comme au moyen âge…
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Il est navrant qu’au Niger ou au Mali, des jeunes en nombre se laissent abuser au point d’ignorer que tout ce qu’ils ont à gagner dans une alliance avec Moscou, c’est le retour d’une forme d’esclavage et de colonialisme. Sans oublier l’incapacité de Wagner à réduire le problème djihadiste. Depuis l’arrivée des Russes au Mali, le nombre de morts civils et d’actions terroristes a été multiplié par 5 et depuis le coup d’Etat de Nyamey, les djihadistes se sentent pousser des ailes et ont décuplé leurs attaques, dans toute la zone. Au point qu'au Mali, Tombouctou est à nouveau en état de siège, alors que les forces françaises avaient chassé les djihadistes de la ville il y a 10 ans.
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Idem en Argentine, où les Russes ont toujours été très influents, même au pire moment des généraux, qu’ils soutenaient en coulisses. Ces derniers temps, les autorités de Buenos Aires semblaient décider à prendre leurs distances… Mais c’était sans compter sans l’efficacité des Services russes, dans un pays plongé dans une crise économique catastrophique. Elève assidu des séminaires de Steve Bannon (comme Marion Maréchal le Pen…), le vainqueur des primaires de dimanche, brandit son ultra-libéralisme en étendard, dans un pays essoufflé par 80 ans d’assistance sociale hypertrophiée et gangréné par le narcotrafic. Les pays perturbés en proie à la violence, Moscou adore ça. Au point d’aider parfois la gabegie à s’installer.
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Le péronisme sauce Kirschner a le plus perdu dans le scrutin de dimanche, qui ne servait qu’à éliminer les petits candidats. Patricia Bullrich, la candidate de la coalition d’opposition devrait tirer son épingle du jeu. Ralliant le centre gauche à la droite "républicaine", elle conserve toutes ses chances pour le scrutin décisif : même si elle arrive en 2ème position pour le tour final, le report des voix péronistes et des petits candidats devrait jouer en sa faveur. Un économiste libertarien à la tête de l’Argentine réjouirait sans doute Moscou, mais beaucoup moins la masse des électeurs pauvres, qui survivent grâce au système social que le candidat veut détruire.
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L’économie est la reine des batailles et sur ce point, le Kremlin est battu d’avance, confondant libéralisme et racket. Quand la Chine baisse ses taux directeurs pour relancer son économie intérieure, la Russie est contrainte d’augmenter les siens drastiquement (de 8,5 à 12%) pour tenter d’enrayer la chute de la rouble. Ce qui a réussi pendant à peu près deux heures… Malgré des interventions évidentes d'achats massifs de roubles russes pour tenter de soutenir le cours depuis jeudi, celui s'est maintenu au-dessus de 100 roubles pour un euro, alors qu'il était à 43,80 il y a 10 ans, juste avant qu'il ne commence à chuter méchamment, avec des variations brutales dues aux  vagues de sanctions.
Philippe-Souaille-1.jpg
 
 
Président, à Adavi productions
A travaillé à Télévision Suisse Romande
A travaillé à La Tribune de Geneve
A étudié à École pratique des hautes études VIe section
A étudié à Lycée Carnot Cannes
A étudié à Lycée Xavier Marmier PONTARLIER
Habite à Genève


17/08/2023
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