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LA CHRONIQUE DE SYLVIE BRUNEL
Agriculture, on marche sur la tête

 

 

 

Ils sont rentrés dans leurs fermes mais ne lâchent rien. Le Salon de l’agriculture est la date butoir qui verra les agriculteurs se révolter à nouveau si le gouvernement n’accède pas concrètement à leurs demandes.


Quatre ministres ont certes déclaré que la souveraineté alimentaire serait inscrite dans la loi, qu’il ne pouvait y avoir d’agriculture sans eau, que l’acte de produire serait remis au premier plan, qu’on veillerait à l’application de la loi EGalim en mettant fin aux distorsions intra-européennes. Faire une pause, aussi, dans l’application du plan Ecophyto, ce qui a irrité les associations écologiques. Pas question, pourtant, de revenir en arrière : personne ne traite pour le plaisir ! Mais quand l’infestation est là, il faut agir, sauf à perdre sa récolte ou ses bêtes. Pour notre santé et celle de nos animaux de
compagnie, nous-mêmes n’hésitons jamais. Il s’agit d’abord de nous nourrir et de nous protéger.


Les attentes sont légion. Paiement effectif des sommes promises pour la conversion au bio, qui se révèle trop souvent un piège, faute de débouchés : malgré une loi visant à y instaurer 20 % de local, de qualité ou bio, la restauration
publique plafonne à 7 %.


Assouplissement des normes, la France s’illustrant par son zèle. Paperasserie infernale. Savez-vous que les satellites surveillent en permanence les exploitations ? Vous coupez un vieux verger pour ne pas le laisser se transformer en repaire de parasites qui pénaliserait vos voisins, et implantez à la place une jachère fleurie. Mais du datura infeste la
jachère. Vous la retournez pour nous prémunir de ce poison violent. Et vous voilà sanctionné pour atteinte à la biodiversité ! Les agriculteurs ont trop souvent l’impression d’être traités comme des criminels. Des fichés A.


C’est un métier, pourtant, où il faut être bon partout, guetter le gel, la canicule, les marchés et le mildiou. Arracher des milliers d’hectares de vignoble est un crève-coeur, un terrible gaspillage. Mais le paysan doit vivre décemment de son travail. S’il ne peut vendre ce qu’il s’échine à produire, il quitte le métier ou se tourne vers une autre spécialisation.
Avec 20 000 départs annuels et 13 000 installations seulement, le risque de la friche et de la dépendance alimentaire
nous guette, alors que l’ogre russe, maître du blé, et l’Amérique cherchent à affaiblir l’Europe.


Le libre-échange doit être régulé. Le moins-disant social et environnemental n’est pas acceptable, mais le repli sur soi non plus, quand les affamés poussent à nos portes. L’agriculture doit rester puissante. Première importatrice de maïs (1)au monde, en rivalité avec la Chine, l’Europe importe les variétés OGM qu’elle refuse à ses producteurs (sauf en Espagne et au Portugal). La France a l’avantage d’être encore la première exportatrice de semences au monde. Mais les maïsiculteurs français souffrent de voir discriminée cette céréale miracle,qui a pourtant sauvé hier la Nouvelle-Aquitaine 

de la pauvreté, et capte plus de gaz à effet de serre qu’une forêt non cultivée, parce qu’elle pousse vigoureusement
l’été, en fournissant une biomasse record.


Le maïs consommerait trop d’eau ? Le quart seulement des champs est irrigué  les semences, le pop-corn, le maïs doux,comme toutes les productions sous signe de qualité, ont besoin de sécuriser les apports d’eau. Non seulement, rapporté aux récoltes, le maïs en utilise moins que le blé ou la pomme de terre, mais, peu traité, peu consommateur d’engrais, n’épuisant pas les sols, il est le meilleur allié des plans climat, de la chimie verte, et de la biodiversité, car il substitue une énergie verte et renouvelable aux carburants fossiles,fournit une alimentation sûre et de qualité aux élevages, quand l’herbe grille en été. Poussant en cinq mois seulement, il permet d’autres cultures sur le même champ, favorisant la biodiversité.

 

L’irrigation, cette eau qui nous nourrit, bénéficie à tous, y compris aux oiseaux. Comment refuser de stocker en hiver ce qui nous submerge, pour en manquer l’été, de plus en plus chaud et sec, nous précipitant vers les lacs et les étangs. Combien de forages privés non déclarés, alors que l’agriculteur, lui, joue la transparence, avec ses compteurs, ses tours d’eau, ses factures d’électricité ?


Dans toute l’Europe, les agriculteurs se révoltent. Un monde en souffrance nous interpelle : nous vous nourrissons, nous vous protégeons, nous façonnons les paysages et les patrimoines que vous aimez. Alors respectez-nous, faites-nous confiance et laissez-nous travailler.


(1) Notre chroniqueuse Sylvie Brunel publie «Sa Majesté le maïs » (éd. du Rocher, 285 p., 18,90 €). Elle vient d’être promue officier dans l’Ordre national du mérite agricole.

LA CHRONIQUE DE SYLVIE BRUNEL Sud-Ouest Dimanche



19/02/2024
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