Bruits de bottes pour finir l’année

Il ne manquait plus que lui. Nicolás Maduro, le sous-général
Tapioca de Caracas, a décidé de s’inviter dans le sinistre concert
guerrier qui ponctue la fin de l’année 2023 et, hélas, saluera
le début de 2024. Plus de 5 000 soldats ont été déployés à
la frontière avec l’État voisin du Guyana, petit pays de
800 000 habitants (alors que le Venezuela en compte plus de
28 millions), ex-colonie britannique et toujours membre du
Commonwealth.

Le terne successeur d’Hugo Chávez a pris prétexte de la présence
d’un patrouilleur de la Royal Navy pour affirmer que le
Guyana fomentait une attaque contre le Venezuela. Une hypothèse
aussi vraisemblable que si le Luxembourg envahissait
l’Allemagne. Que le chétif Guyana possède un sous-sol imbibé
de pétrole n’est bien sûr pas étranger au coup de menton de
Caracas qui, depuis des décennies, revendique une partie du territoire,
autour du fleuve Essequibo, là où les habitants ont justement
de l’or noir sous les pieds.

Difficile de savoir, dans une nation verrouillée et bâillonnée, ce
que pensent les Vénézuéliens de cette rodomontade militaire qui
obéit à l’antique stratégie du bouc émissaire, décryptée par le philosophe
René Girard. L’inflation se situe à 185 %. Les partisans du verre
à moitié plein répondront qu’elle était montée jusqu’à 686 % en 2021.

Reste que, pour détourner l’attention du chaos économique,
rien de tel qu’accuser son voisin d’intentions bellicistes. Vladimir
Poutine n’a pas fait autre chose en prétendant que « le régime
nazi » de l’Ukraine projetait d’anéantir la glorieuse et immortelle
Russie. Depuis, il noie le pays sous les bombes et les mensonges,
encore plus en cette période de Noël, testant ainsi la pérennité
de la solidarité américaine et européenne envers Kiev.

Pékin organise régulièrement des manoeuvres militaires autour
de Taïwan ; le roi Ubu nord-coréen Kim Jong-un déclare
qu’il faut « accélérer les préparatifs de guerre, y compris le programme
d’armement nucléaire », en raison de présumées menaces
occidentales et la Turquie d’Erdogan montre ses muscles
aux Grecs à propos de petites îles en mer Égée.

Ces dangereuses fanfaronnades nationalistes sont surtout
l’apanage d’autocrates et de dictateurs qui s’encouragent entre
eux, mais les démocraties peuvent y succomber. Si sa réplique
aux terroristes du Hamas est tout à fait légitime, comment ne
pas voir dans l’obstination de Benyamin Netanyahou à pilonner
la population civile de Gaza l’objectif de faire oublier son
aveuglement, qui a conduit aux massacres du 7 octobre ?

La seule différence est que les Israéliens auront tôt ou tard le
droit, s’ils le veulent, de désavouer leur Premier ministre. Les
autres chefs d’État se protègent derrière leurs simulacres électoraux.

                              Benoît Lasserre éditorial Sud-Ouest