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Libérez-nous de la Palestine !

  • par David Emton, pour Le Point - novembre 2023 Re publié par JALR
En plus d’être préjudiciable à nos intérêts, la défense aveugle de la cause palestinienne nous entraîne dans une régression morale ahurissante.
 
Comme les pogroms du 7 octobre perpétrés par le Hamas semblent déjà loin… La plupart de nos médias ont repris leurs habitudes partisanes et publient chaque jour les chiffres des islamistes, énumérant le nombre d'enfants, d'humanitaires et de journalistes tués à Gaza. Progressivement, insidieusement, un équilibre s'est rétabli entre les malheurs des uns et des autres. Le conditionnement idéologique était trop fort, trop ancien, trop profond : les Palestiniens sont toujours les victimes. Leur combat est juste et, quelles que soient les atrocités de leurs représentants, leur cause ne se discute pas. Vouloir y réfléchir, en contester les dogmes relèverait au mieux de l'insensibilité. Que la guerre à Gaza soit devenue non seulement inévitable, mais nécessaire pour briser un pouvoir raciste et totalitaire, comme jadis à Dresde, est impensable. Le problème, c'est que ce palestinisme, nous le payons terriblement cher.
 
D'abord, parce qu'en faisant nôtre l'imaginaire du monde musulman, nous nous sommes ces dernières décennies accoutumés à la falsification de l'Histoire. Croit-on que la loi Taubira de 2001, dont le but assumé a été de dissimuler aux élèves de France l'ampleur de l'esclavage des Noirs par les musulmans, serait passée si nos esprits n'avaient déjà été domptés par le palestinisme et ses légendes ? Croit-on que les dernières générations d'étudiants français auraient gobé que les croisades étaient une agression contre la civilisation musulmane quand elles ne furent que des réponses aux invasions musulmanes des siècles plus tôt, des siècles durant ?
 
Or tout se tient, par l'émotion et la culpabilité : nous continuons ainsi à qualifier les musulmans de Terre Sainte d'habitants «originels», comme s'ils étaient un Peuple Premier, des Indiens d'Amérique, alors qu'ils sont les descendants de colonisateurs musulmans, arrivés par la conquête militaire, demeurés par l'impérialisme et la purification ethnique du Jourdain à la Méditerranée. Au nom du palestinisme, le passé doit être nié, réécrit, jusqu'aux origines mêmes du mot Palestine, nom donné au royaume d'Israël par les Romains pour punir les Hébreux de leur résistance, et que les islamo-gauchistes ont fini par s'approprier deux mille ans plus tard, quand jamais aucun musulman n'avait songé à s'en réclamer. Aux mensonges s'ajoute l'oubli le plus cruel : que sont devenus les chrétiens locaux, dont le nombre s'est effondré ? Par qui ont-ils été rayés de la carte ?
 
Acceptation de l'ignoble
 
Et c'est là le deuxième tort que nous cause le palestinisme : nous devenons aveugles aux malheurs du monde et nous négligeons nos propres intérêts géopolitiques. Il ne se passe pas un jour, pas un seul, sans que tel quotidien dit «de référence» ne reproduise l'une des dépêches de telle agence de presse française signalant un incident dont serait victime un «Palestinien», et qu'en cascade tout le service public, financé par nos impôts, ne le reprenne sur ses radios et télévisions. En revanche, pas un seul mot, pas une seule ligne consacrée au martyre des chrétiens au Pakistan, assassinés parfois pour un simple regard, ou aux discriminations que subissent les Coptes sur leur propre terre d'Égypte.
 
La question palestinienne a tout dévoré, elle résume tout, éclipse tout. Les rapports Occident-islam, c'est la Palestine. Le racisme, le colonialisme, les damnés de la terre : la Palestine, vous dit-on ! Le sort intolérable des chrétiens sous domination musulmane, les Kurdes et le Tibet, le Timor et le Darfour, les Noirs jetés au désert en Tunisie ou derechef vendus en esclaves en Libye, l'épuration des chrétiens au Kosovo ? Des problèmes annexes. Notre masochisme géopolitique est sans fin : nous avons abandonné nos alliés, nos amis, nos semblables presque partout. Quand mènerons-nous la diplomatie de nos intérêts et de nos affinités, quand dirons-nous enfin que la question dite palestinienne nous est parfaitement secondaire ?
 
Mais la nuisance du palestinisme ne s'arrête pas là : cette idéologie nous a également entraînés dans une régression morale ahurissante, en nous mithridatisant au crime et à ses pseudo-justifications. L'assassinat de civils rue des Rosiers et rue Copernic, l'exécution d'une fillette juive à bout portant à Toulouse en 2012 (une première depuis la fin de l'occupation nazie) : des horreurs, certainement… Mais que voulez-vous : le drame de la Palestine ! Un dossier compliqué. Et les mêmes qui, après les meurtres racistes de Merah, refusèrent de mettre en pause la présidentielle en 2012, Mélenchon en tête, se retrouvent aujourd'hui à mégoter sur la nature réelle de ceux du Hamas.
 
Cette acceptation de l'ignoble vient de loin : Edwy Plenel, idole des écoles de journalisme, avait applaudi en 1972 l'assassinat de juifs aux Jeux de Munich (en 2018, le journaliste s'était expliqué sur ces faits : «Ce texte, écrit il y a plus de 45 ans, dans un contexte tout autre et alors que j'avais 20 ans, exprime une position que je récuse fermement aujourd'hui», NDLR) ; au lendemain du massacre de Charlie Hebdo en 2015, il conviait intellectuels, écrivains et journalistes à considérer «l'enfance misérable» des terroristes et leur indignation du sort fait à leurs frères «palestiniens». Combien de ces personnages seraient encore tolérés dans notre espace public si la frontière entre le Bien et le Mal n'avait pas été à ce point effacée ? Camus écrivait dans ses Réflexions sur le terrorisme : «Quelle que soit la cause que l'on défend, elle sera toujours déshonorée par le massacre aveugle d'une foule innocente où le tueur sait d'avance qu'il atteindra la femme et l'enfant.» Le palestinisme a gravé dans nos esprits une exception.
 
Le 8 octobre, dans un stade de Téhéran que le pouvoir avait orné de drapeaux de «Palestine», la foule en colère a exhorté les autorités à les retirer et à en faire un usage déconseillé par les proctologues. Aurons-nous un jour leur bon sens ? Plus sobrement, nous nous contenterons d'une supplique à l'endroit de nos journalistes, de nos politiques, de nos intellectuels, de nos artistes et de nos enseignants : une fois pour toutes, libérez-nous de la Palestine.�
  • Illustration : David Emton est écrivain et essayiste. @ DR
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02/12/2023
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