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Michaël Delafosse : «L’objectif, à Arras, c’était “mort aux Lumières”»

  • propos recueillis par Étienne Gernelle, pour Le Point - octobre 2023 Republié par Jacques Antoine Louis Rossi
ENTRETIEN. Le maire de Montpellier, professeur d’histoire-géographie, appelle à ne rien céder à l’idéologie islamiste après l’attentat survenu à Arras le 13 octobre 2023.
 
Lundi 16 octobre, Michaël Delafosse, maire socialiste de Montpellier et professeur d'histoire-géographie au collège Fontcarrade, a rendu un vibrant hommage à Dominique Bernard, mort quelques jours auparavant à Arras, ainsi qu'à Samuel Paty, et exhorté ses collègues à ne rien céder. Lors de l'entretien qu'il a accordé au Point, il appelle la gauche «à se ressaisir, et à être fidèle à son histoire».
 
Le Point : Que nous arrive-t-il ?
 
Michaël Delafosse : Il nous arrive que le fanatisme islamiste se déploie sur la planète, y compris dans notre pays. À nouveau, un professeur a été tué en France en son nom. Il faut comprendre en quoi consiste cette idéologie, car elle ne va pas s’arrêter toute seule : elle s’attaque systématiquement à tout ce qui représente la liberté – Charlie Hebdo, ou le Bataclan – et l’esprit critique – les professeurs Samuel Paty et Dominique Bernard. Je suis très ébranlé, comme tout le monde, par le fait que le tueur d’Arras recherchait un professeur d’histoire. L’objectif, à Arras, c’était «mort aux Lumières». Et puis, toujours, ils s’attaquent aux Juifs. La semaine dernière en Israël, le Hamas, qui est une organisation terroriste islamiste, est venu tuer des Juifs. C’était le même objectif en 2012, à l’école Ozar Hatorah de Toulouse, ou encore en 2015 à l’Hyper Cacher. Quand des Juifs sont attaqués dans le monde, il faut les défendre. Il est essentiel de comprendre que le sujet dépasse les frontières, car cette idéologie tue dans bien des pays, y compris à majorité musulmane.
 
Avons-nous été faibles, ou lâches sur le sujet ?
 
Les deux ! Quand on laisse passer le fait que les défenseurs de la laïcité seraient des «islamophobes», quand on laisse s’installer ce terme d’«islamophobie», quelque chose se distille. Cela a créé un clair-obscur dont profitent les fanatiques. Je suis d’accord avec cette formule de Gilles Kepel, le «djihadisme d’atmosphère». C’est aussi dans cette atmosphère qu’il faut mener le combat des valeurs. Je ne comprends pas que l’on ait mis trois ans à interdire l’abaya, alors que l’on savait qu’il s’agissait d’une stratégie pour déstabiliser la République. Il faut répondre avec lucidité et courage au fanatisme. Il faut l’affronter. Il y a une tétanie, parfois une peur, un refus de clairvoyance. Pour commencer, il faut donc être camusien, c’est-à-dire bien nommer les choses. À ce titre, c’est une faute très lourde qu’a commise La France insoumise en refusant de nommer la nature terroriste du Hamas.
 
Qu’est-il arrivé à la gauche de Clemenceau, celle qui défendait la liberté d’expression, la laïcité, et une forme d’autorité ?
 
Georges Clemenceau savait ce que sont précisément les règles qui protègent la liberté. De ce point de vue, il y a eu une sorte d’éclipse à gauche. Parfois au nom de bonnes causes, par exemple la lutte contre le racisme. Mais ce combat a été détourné pour être retourné contre nos valeurs. À présent, j’appelle la gauche à se ressaisir, et à être fidèle à son histoire. Sinon, elle apparaîtra comme inutile, voire complice.
 
Cette alliance objective entre une partie de la gauche radicale et les mouvances islamistes peut-elle marcher ?
 
Elle marchera si on se couche.
 
Vous êtes professeur d’histoire-géographie… Comment fait-on pour que les profs n’aient pas peur d’enseigner normalement ?
 
D’abord, ne rien céder. La hiérarchie doit les soutenir mais l’ensemble de la société aussi. Sinon, ce sera très, très, difficile… Les professeurs sont en première ligne. Et puis ils sont une part de nous. Ils sont aussi des ancres de savoir dans la société. Il faut donc conforter leur autorité. Sur le plan de la rémunération, en garantissant leur niveau de formation – ne pas baisser l’exigence ! –, mais aussi par la reconnaissance.
 
Et pour l’élu que vous êtes, comment réagir ?
 
La réponse passe par les services de sécurité, avec lesquels les élus doivent travailler étroitement, et par le combat des valeurs. Les petits renoncements sur la laïcité ont, à force, de grandes conséquences. J’ai été très critiqué en 2020 quand j’ai fait signer une charte de laïcité aux associations subventionnées. Mais j’ai tenu. Cela commence par là. N’oublions pas qu’il y a des élus – de tous bords – qui ont fricoté avec le communautarisme. Cela participe du clair-obscur dont je parlais tout à l’heure.
 
Est-ce pour nous un moment historique ?
 
Avec, à nouveau, un professeur assassiné en France, clairement. Et cela nous oblige.�
 
  • Illustration : Michaël Delafosse est maire socialiste de Montpellier et président de Montpellier Méditerranée Métropole. Par ailleurs, il enseigne au collège Fontcarrade. © AFP or licensors
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01/11/2023
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