Emmanuel Macron a enfin dévoilé les contours de l'« initiative politique d'ampleur » qu'il avait promise pour la rentrée dans les colonnes du « Figaro Magazine ». Pour l'instant, elle se résume à un grand raout politique. Il réunira le mercredi 30 août les chefs de partis représentés à l'Assemblée nationale et au Sénat, un spectre large qui va du Rassemblement national (RN) à La France insoumise (LFI) en passant par Les Républicains (LR), le Parti socialiste (PS), les écologistes d'EELV ou encore le Parti communiste, sans oublier son parti Renaissance et ses alliés Modem et Horizons ainsi que le petit groupe politique Liot qui a donné tant de fil à retordre à l'exécutif avec sa motion de censure en mars dernier .

Initialement, Emmanuel Macron voulait se cantonner à ce qu'il considère comme « l'arc républicain », ce qui exclut le RN et LFI, mais il a revu sa copie. Le RN compte 88 députés et LFI 75, ce qui représente en tout près de 30 % des parlementaires ! Il a aussi appelé personnellement Eric Ciotti, le patron de LR, pour lui faire part de cette initiative.

«La nation traverse un moment inédit»

Dans une interview fleuve accordée au magazine «Le Point» diffusée dans la soirée du 23 août, Emmanuel Macron apporte quelques précisions sur cette initiative, qu'il justifie par le fait que la «nation traverse un moment [qu'il ] juge inédit». Il dresse une liste de sujets - la situation internationale, les conséquences des émeutes de juin dernier - et fixe des objectifs : «renforcer l'indépendance de notre pays et rebâtir notre nation et tout ce qui la tient : la famille, l'école, le servie national universel, la transmission de notre culture, notre langue, la régulation des écrans».

«Je suis sûr que nous pouvons bâtir des accords utiles pour la France sur ces sujets. En tout cas, j'y mettrai toute ma volonté. Sortiront de ces travaux des décisions immédiates, des projets et des propositions de lois mais aussi des projets de référendums», ajoute-t-il. La réunion autour d'Emmanuel Macron et des principaux responsables politiques n'aura pas lieu à l'Elysée mais en région parisienne, précise le chef de l'Etat.

Projets de loi et référendums

Emmanuel Macron espère en effet que cette initiative, qui marque sa rentrée politique, débouchera sur objets politiques concrets. Depuis les élections législatives de juin 2022, l'exécutif ne peut compter que sur une majorité relative à l'Assemblée nationale , ce qui conduit à des situations de blocage et à des débats sous tension au Palais-Bourbon. Compte tenu de la situation politique et de tensions sans cesse croissantes, le président de la République a fait le deuil d'une coalition. «La difficulté, c'est que les forces politiques les plus proches de nous ne sont pas unies!, ajoute-t-il au «Point». [...] Les oppositions compatibles [PS et LR, NDLR] sont trop divisées, et il n'y a aucune coalition parlementaire possible qui nous donnerait la majorité absolue».

Emmanuel Macron n'a qu'une option : trouver des majorités texte par texte. L'année dernière, le budget est passé grâce au 49.3 tout comme, début 2023, la réforme des retraites. Le sort du projet de loi immigration est plus qu'incertain faute de majorité absolue pour le chef de l'Etat. Au «Point», il se déclare prêt à «enrichir le texte du gouvernement» dans ce qui ressemble à une maintenue à la droite, tout en agitant la menace du 49-3 sur ce texte.

La majorité met en avant les nombreux textes passés sans recours au 49.3 grâce aux compromis passés avec la droite - comme les lois de programmation pour la Justice, l'armée ou la police - et parfois avec certaines composantes de la gauche, mais ces projets de loi étaient plus consensuels. Au «Point», il précise qu'il «compte bien avoir recours au référendum».

Conserver la main sur son second mandat

Pour le président de la République, l'enjeu est de reprendre l'initiative et de montrer qu'il conserve la main sur son second mandat, alors qu'il reste plus de trois ans et demi avant la présidentielle de 2027. Reste à convaincre les oppositions, ce qui n'est pas gagné, ainsi que ses troupes.

« Il est très difficile d'imaginer un débouché concret. LR est dans une position de plus en plus hostile au gouvernement et estime n'avoir pas grand-chose à gagner à le soutenir. Et pour les Français, une dissolution ou un référendum est une initiative d'ampleur mais pas une consultation des partis », estime Brice Teinturier, directeur général délégué d'Ipsos France.

« Sa proposition n'est pas inédite, mais il n'avait pas non plus beaucoup de choix », glisse-t-on dans un ministère important. Dans son camp, la rentrée politique est aussi marquée par l'offensive de Gérald Darmanin , qui fera une rentrée politique « personnelle » ce dimanche depuis sa ville de Tourcoing.

Si Emmanuel Macron avait su rebondir après la crise des « gilets jaunes » début 2019, il a beaucoup plus de mal à en faire de même depuis la réforme des retraites. Il a d'abord décrété une période de cent jours pour apaiser, au cours de laquelle il a multiplié les annonces et sorti son carnet de chèques. Les émeutes de la fin du mois de juin l'ont empêché de capitaliser sur cette période. Après le remaniement de juillet, il avait donné rendez-vous à la rentrée. Le voilà au pied du mur.