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«Le crime organisé et les trafiquants ont rapidement instrumentalisé les émeutes»

  • par Jérôme Fourquet, pour Le Point - juillet 2023 Republié par JALR
S’ils ne les ont pas déclenchées, les caïds des quartiers ont attisé, dirigé et profité des violences urbaines après la mort du jeune Nahel, explique le politologue.
 
Dans notre analyse des ingrédients composant le cocktail détonnant, dont la vidéo de la mort de Nahel, 17 ans, le 27 juin à Nanterre (Hauts-de-Seine), a constitué le chiffon enflammé, nous devons également aborder un autre paramètre, qui a significativement contribué à durcir et à élever le niveau de conflictualité et de violence observé durant ces émeutes.
Il s'agit de l'incrustation de la délinquance et du trafic de stupéfiants dans de nombreux quartiers partout en France. Ce phénomène existait déjà dans les années qui avaient précédé les émeutes de 2005 mais le nombre de personnes impliquées dans des actions de confrontations avec les forces de l'ordre et dans l'économie criminelle n'avait pas atteint l'ampleur que l'on constate aujourd'hui.
 
Sur le plan des violences urbaines, pas une semaine ne se passe sans que de tels faits se déroulent dans une cité de région parisienne ou en province. Ces violences constituent un bruit de fond permanent auquel la société a fini par s'habituer, sans prendre conscience de la gravité du problème et des franchissements de seuils qui se sont produits au cours des dernières années.
 
Ainsi, les mortiers d'artifices, qui étaient encore peu présents en 2005, sont aujourd'hui massivement employés par les émeutiers et leur permettent de rééquilibrer partiellement le rapport de force vis-à-vis des policiers et des gendarmes, qui ne sont plus les seuls à posséder des projectiles précis et d'assez longue portée – LBD et gaz lacrymogènes. Au lendemain des nuits les plus chaudes des émeutes, de nombreux policiers ont indiqué «qu'ils avaient ramassé» – c'est-à-dire qu'ils avaient subi une lourde pression – du fait de l'intensité des tirs qu'ils avaient essuyés.
 
Organisation et logistique
 
Ces projectiles à l'effet spectaculaire, mais également dangereux, sont désormais systématiquement utilisés, soit dans les guets-apens contre les forces de l'ordre ou les pompiers, soit dans les attaques de commissariats, fait assez rare il y a vingt ans, et aujourd'hui assez fréquent toute l'année, a fortiori lors des émeutes de cette année – pas moins de 273 attaques de bâtiments dépendant des forces de l'ordre.
 
Signe de l'omniprésence de ces engins dans les cités, ils figurent en bonne place dans la culture rap. Le chanteur Rohff a, par exemple, intitulé en 2021 un de ses morceaux «Mortier», qui débute ainsi : «Mortier, mortier / Comme une attaque au mortier / La puissance vient des quartiers / On bouleverse le monde entier / Mortier, mortier.»
Durant ces émeutes, un nombre considérable de mortiers a été tiré partout en France. Si certains jeunes avaient commandé eux-mêmes ces engins sur Internet – leur vente en magasin étant encadrée depuis quelques années –, le fait que les mortiers aient été tirés en si grand nombre dès le début des émeutes tend à prouver que des stocks existaient, ce qui suppose une organisation et une logistique. À l'appui de cette thèse, des véhicules venant approvisionner les groupes de jeunes en pleine action face aux forces de l'ordre ont pu être observés dans plusieurs quartiers.
 
Réseaux criminels
 
De la même façon, des services d'investigation ont intercepté des camionnettes transportant plusieurs centaines de kilos de ces matériels pyrotechniques. Les moyens financiers nécessaires pour se fournir de tels volumes de mortiers, et pour organiser ensuite leur stockage et leur distribution, ne sont pas à la portée des premiers venus. Dans de nombreux quartiers, ce sont des réseaux criminels, souvent en lien avec le trafic de drogue, qui ont approvisionné et supervisé les jeunes émeutiers.
Si certains de ces jeunes disposaient d'un habitus de caillasseurs, car ayant déjà participé à des épisodes de violences urbaines, ils étaient généralement encadrés par des individus plus aguerris, qui menaient le bal. Une scène racontée par un journaliste de France Bleu couvrant les émeutes dans le quartier des Champs-Plaisants à Sens (Yonne) en témoigne : «Les jeunes sont au moins une cinquantaine, peut-être plus, la plupart à visage découvert. Ils laissent les policiers avancer à pied, en ligne avec casques et boucliers, avant de multiplier les tirs de mortier à l'horizontale dans leur direction. “Restez groupés, renvoyez la lacrymo, allumez-les” : on entend clairement certains, à la voix grave, donner des directives aux casseurs.»
 
3.505 personnes interpellées
 
Le déclenchement de ces émeutes s'est produit sur un mode éruptif, à la suite de la diffusion de la vidéo montrant le drame. Comme on l'a dit, une partie de la jeunesse de ces quartiers difficiles est spontanément entrée dans la danse. Le noyau dur des émeutiers a été constitué par des jeunes qui étaient déjà rompus aux violences urbaines et/ou – ce sont souvent les mêmes – avaient déjà eu maille à partir avec la justice pour des faits de délinquance ou d'implication dans le trafic de stupéfiants.
D'après le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, 40 % des 3.505 personnes interpellées avaient déjà un casier judiciaire ou étaient déjà «défavorablement connues des services de police» et étaient inscrites à plusieurs titres – recel, rébellion, refus d'obtempérer, consommation et vente de stupéfiants, etc. – au fichier dit «TAJ» (traitement des antécédents judiciaires), comme l'était Nahel.
Ces 40 % représentent donc une proportion importante des interpellés et démontrent que dans la plupart de ces quartiers existent des noyaux plus ou moins fournis de jeunes hommes impliqués dans la délinquance, le trafic et la petite criminalité.
 
La recherche de l'adrénaline
 
À ces groupes sont venus s'adjoindre d'autres jeunes, qui ont participé aux émeutes par effet d'entraînement et mimétisme, par «solidarité avec Nahel», ou par la recherche de l'adrénaline ou du «frisson de l'émeute» pour reprendre l'expression du criminologue Sébastian Roché.
Il ne faut en effet pas sous-estimer la dimension festive et ludique qu'ont pu revêtir ces émeutes, comme en témoignent de nombreuses vidéos postées sur les réseaux sociaux par de jeunes gens hilares et grisés, commentant des scènes d'affrontements, de dégradations ou de pillages. La chaleur estivale et les vacances scolaires ont encore facilité la participation à ces émeutes de nombreux jeunes peu ou pas impliqués préalablement dans la petite délinquance.
Ces masses émeutières composites se sont certes constituées spontanément et n'ont pas agi dans la plupart des cas sur ordre de caïds ou de réseaux criminels. D'après les premières observations policières disponibles, ces derniers auraient laissé faire et parfois accompagné et soutenu le mouvement, notamment en l'alimentant en mortiers d'artifice.
 
«Siffler la fin de la récréation»
 
Mais dans certaines villes et dans certains quartiers, le crime organisé et les trafiquants ont rapidement instrumentalisé ces violences pour faire avancer leur propre agenda. L'attaque des postes de police et des commissariats, mais aussi de mairies ou de logements de certains maires, visait ainsi à faire reculer l'ordre républicain et à tenter d'y substituer le leur.
De la même façon, les raids qui ont visé des concessions automobiles ou de motos, au cours desquels les véhicules exposés ont été subtilisés, n'ont pas été le fait de jeunes émeutiers mais de groupes délinquants chevronnés.
Si les réseaux criminels n'ont donc pas joué un rôle déterminant dans le déclenchement des émeutes, ils ont, de l'avis de plusieurs sources policières de terrain, sans doute contribué à «siffler la fin de la récréation» au bout de quelques jours d'affrontement. Les violences et la présence massive des forces de l'ordre dans les quartiers perturbent en effet la bonne marche du «business» et toute journée supplémentaire d'émeute représentait un manque à gagner substantiel pour l'économie du deal.
L'épuisement du stock de mortiers, la multiplication des interpellations, la pression des familles, mais aussi, donc, l'intervention discrète mais très persuasive des caïds, ont concouru à éteindre les émeutes au bout de quelques jours. En ce sens, la relative brièveté de la séquence émeutière, comparativement au précédent de 2005, n'est sans doute pas une bonne nouvelle, puisqu'elle constituerait, notamment, une illustration de la montée en puissance d'un ordre criminel parallèle exerçant une influence croissante dans ces quartiers.
 
Récupération politique
 
D'aucuns ont vu, dans ces émeutes, les prémices d'une guerre civile sur notre sol. Or, comme le rappelle Pierre Brochand, ex-directeur général de la DGSE : «La guerre désigne une lutte “armée” et “sanglante” entre “groupes organisés” : nous n'en sommes là sous aucun de ces trois rapports, même s'il serait indécent d'oublier que la police compte de nombreux blessés.»
Nous n'avons vu en effet aucune organisation structurée encadrer ces émeutiers, planifier une stratégie, coordonner les actions partout sur le territoire et donner une dimension politique à cette révolte. Les forces politiques extérieures à ce mouvement qui ont tenté de l'approcher en ont été pour leurs frais. Le député LFI Carlos Martens Bilongo, qui s'était rendu dans la soirée du 27 juin à Nanterre à la rencontre des émeutiers, fut violemment pris à partie et la convergence des luttes souhaitée par l'ultragauche n'a guère fait recette sur le terrain.
 
Les émeutiers ont préféré s'en prendre à des supermarchés ou des bureaux de tabac pour les piller plutôt qu'à des agences immobilières, «symboles du capitalisme et de la spéculation». Les groupes qui, quant à eux, revendiquent une proximité intrinsèque avec les jeunes émeutiers, comme le parti des Indigènes de la République ou le comité Adama-Traoré, ne sont en rien comparables à ce qu'a pu, par exemple, représenter le parti des Black Panthers aux États-Unis à la fin des années 1960.
 
Sentiment profond de non-affiliation
 
Pour certains Cassandre de la guerre civile (ethnique) à venir, la référence implicite n'est pas américaine mais renvoie à une période tragique de notre histoire : la guerre d'Algérie. Durant celle-ci, le FLN s'était doté, en France métropolitaine, d'un appareil politico-militaire très efficace qui fut appelé «la 7e Wilaya». Forte de plusieurs dizaines de milliers de militants, elle évinça, dans des affrontements très violents qui firent plusieurs milliers de morts, le Mouvement national algérien (MNA), organisation rivale.
Une fois que son emprise fut assurée sur la population algérienne vivant en métropole, elle fit régner sa loi d'une main de fer – notamment pour assurer le paiement de l'impôt révolutionnaire – et se lança dans des campagnes de sabotages et d'attaques massives des infrastructures sécuritaires et économiques du pays, notamment à la fin de l'été 1958 – plus de 250 attaques et attentats partout en France.
Nulle trace, aujourd'hui, d'une organisation de ce type, ni même de son embryon. Cela ne veut pour autant pas dire que la situation n'est pas grave, loin de là. Sur fond de sentiment profond de non-affiliation à la France et d'anomie existant dans de nombreux quartiers sensibles, les violences urbaines se déclenchent régulièrement tels des feux follets, ces inflammations de méthane émanant des zones humides et marécageuses.
 
Motivation consumériste
 
Leur ampleur varie mais ce phénomène est, hélas, devenu récurrent en dépit des multiples «plans banlieues» et autres rénovations urbaines. Jusqu'à présent, dans une logique de confrontation directe avec «le système», les autorités ou «la France», les forces de l'ordre et les symboles de l'État, constituaient les principales cibles de la rage émeutière.
La dimension nihiliste et festive n'était pas absente et s'exprimait par les incendies de voitures ou de poubelles, version banlieusarde des feux de la Saint-Jean d'antan. Une nouvelle dimension s'est puissamment manifestée : le pillage de masse de commerces et de magasins, qui a atteint une tout autre échelle qu'en 2005 et qui a touché cette année certains centres-villes, qui ont fait l'objet de raids et de descentes.
Le type d'établissements visés – fast-foods, boutiques de chaussures de sport, grandes surfaces… – et les innombrables vidéos de jeunes goguenards détaillant fièrement leurs butins et les marques des produits volés en disent long à la fois sur le processus de décivilisation en cours mais aussi sur la motivation consumériste de toute une partie de ceux qui se sont joints au mouvement, quand, après les deux premiers soirs d'émeute, il a basculé dans le pillage.�
  • Illustration : À Pantin (Seine-Saint-Denis), le 3 juillet 2023, l'épave d'un bus incendié lors des émeutes qui ont suivi la mort de Nahel, tué par un policier le 27 juin à Nanterre (Hauts-de-Seine). © Myriam Tirler / Hans Lucas via AFP
Peut être une image de tramway, moto, voiturette de golf, scooter, bus et rue
 
 
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BENJAMIN ROTT JOUE DU HANDPAN POUR NOTRE BONHEUR

Près de Benjamin, sa compagne Galadriel lit un ouvrage sur le mythe grec d’Hadès et Perséphone. « Nous nous sommes rencontrés grâce au handpan… »

Près de Benjamin, sa compagne Galadriel lit un ouvrage sur le mythe grec d’Hadès et Perséphone. « Nous nous sommes rencontrés grâce au handpan… » Crédits : DE

 

Benjamin Rott joue du handpan, un instrument mystérieux qui attire par les sons vibratoires qu’il émet. Et qui apaisent. Rencontre. Près du kiosque du jardin public de Rodez, ce jeune musicien de vingt-deux ans s’adonne régulièrement à sa pratique. En règle générale, les passants ne craignent pas de venir à sa rencontre pour entendre cet instrument à percussion mélodieux, réputé pour son pouvoir d’équilibration. Benjamin Rott espère ainsi distiller un peu de bonheur et provoquer un sourire. « Certaines personnes sont réceptives et font volontiers une pause. » D’aucuns se souviendront l'avoir vu jouer de son instrument au restaurant La Terrasse d’Hugo. Ou encore au tiers-lieu La StAtion, dans le cadre de la fête de la musique. Voire lors de petits concerts dans des anniversaires privés, etc. Pourtant, Benjamin n’est pas un novice. Cela fait quatre ans en effet qu’il joue du handpan. « Au début, je faisais de la batterie, commente-t-il. Mais, dès que j’ai découvert cet instrument, je me suis senti profondément concerné par ses qualités vibratoires. Le handpan apaise et peut même soigner. Il parle à notre âme et nous recentre sur nous-mêmes. Je pense que les problèmes de santé dont beaucoup souffrent aujourd’hui sont d’ordre émotionnel. »
Lui-même fils de musicien, Benjamin a toujours baigné dans un environnement propice à l’éclosion de ses talents. Fort d’un bac+2 en gestion d’entreprise, il nourrit l’intention de vivre de son art. Outre son goût pour une musique relaxante et spirituelle qui s’inscrit dans l’air du temps, le dessin et le tatouage l’animent, comme tout ce qui est manuel et créatif. « Je veux lier ces passions », commente l’apprenti tatoueur de la rue de l’Embergue, qui prodigue par ailleurs des soins énergétiques à grand renfort de feeling et d’intuition.
Aselio (son nom d’artiste) poste des vidéos sur Instagram : @aselio_pan. À voir absolument !    
 
 
 


31/07/2023
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