Baroud d’honneur sur les retraites

La quatorzième journée d’action ce mardi contre la réforme des retraites – record de 2010 égalé – ne sera peut être pas la dernière, mais elle sent le baroud d’honneur. Car si une majorité de Français, à l’instar des syndicats, restent sans doute hostiles au relèvement de l’âge de départ, ils répondaient volontiers aux sondeurs que la réforme « passerait quand même », ce qui a été le cas, avec les difficultés que l’on sait.

Bien sûr, la partie traîne en longueur puisque les cortèges du 6 juin, qui pourraient être assez fournis, annoncent la journée du 8 au Palais Bourbon avec l’examen du texte du groupe Liot proposant d’abroger la réforme . Mais il a été vidé de sa substance en commission des lois. Et la tentative de le rétablir par voie d’amendements devrait être écartée par la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, pour irrecevabilité financière.

La probable utilisation de l’article 40, après celle si décriée du 49.3, va faire crier sur les bancs de l’opposition. Mais celle-ci a-t-elle encore l’appui de l’opinion pour cette tentative de « rejouer le match » ? Ferme opposant à la mesure d’âge, Laurent Berger, qui va quitter la direction de la CFDT, semble, lui, avoir compris qu’il était temps d’offrir au mouvement social d’autres perspectives que « des manifestations à répétition ».

Secoué par cette pénible séquence qui a fragilisé Élisabeth Borne au point de déchaîner les spéculations sur son maintien à l’Hôtel Matignon, le gouvernement démarre le mois de juin avec un regain d’espoir. La décision de l’agence Standard & Poor’s de maintenir sa note AA sur la dette française a été pour lui une heureuse surprise. Certes, un satisfecit des marchés financiers n’est pas aux yeux de tous un brevet de vertu. Mais il est d’autant meilleur à prendre que la cote de popularité du couple exécutif frémit à la hausse après les abîmes du printemps.

La lente reprise du dialogue social va-t-elle se confirmer d’ici la fin des « cent jours » fixés à Élisabeth Borne pour relancer le train gouvernemental embourbé ? La possibilité de passer des compromis à l’Assemblée ne semble en tout cas pas tarie : on pourrait le vérifier dans la semaine avec la probable adoption de la LPM (loi de programmation militaire) présentée par l’habile ministre des Armées Sébastien Lecornu.

Cette discussion sur l’outil militaire de la France permet de rappeler qu’en pleine guerre d’Ukraine, la redéfinition des objectifs et des moyens de la défense du pays est un objectif au moins aussi essentiel que la fixation de l’âge du départ à la retraite qui vient d’occuper les Français pendant presque un an.

ÉDITORIAL Sud-Ouest Christophe Lucet