2357- L'éthique de conviction Raphael Enthoven 7 posts

L'ÉDITO Franc-Tireur
 

L'éthique de conviction : l'édito de Raphaël Enthoven

 
Qu’espèrent-ils exactement, les membres de la CGT énergie de l’Aquitaine, en coupant l’électricité à la 49e minute d’une rencontre de rugby entre Agen et Nevers ? Pensent-ils que, parce qu’ils ont peur du noir, les gouvernants vont se mettre à table sinon se coucher devant eux ? Quel est leur but ? Croient-ils s’être approchés d’un monde meilleur en privant des innocents du match qu’ils se réjouissaient de voir ? A-t-on fait un seul pas dans la bonne direction en plongeant dans l’obscurité un stade entier ? En aucune façon. Les seuls sentiments qui ont progressé à cette occasion, ce sont la détestation de la CGT et la légitime fureur de ceux qu’elle a temporairement privés d’un plaisir collectif. De telles conséquences étaient aisément prévisibles, mais la CGT s’en moque. La Centrale est myope et ne voit pas si loin. L’essentiel n’est pas, à ses yeux, de faire avancer une cause. L’essentiel est de défendre une cause. Ce qui est tout à fait différent.
 
Quand on veut faire avancer une cause (surtout si elle est majoritaire dans l’opinion), on veille, à coups d’initiatives pacifiques, à lui maintenir un capital de sympathie. Mais quand on veut défendre une cause, on met le chaos, on répand la nuit, on distribue des cartons rouges et des sifflets, et on en est content. Quand on veut faire avancer une cause, on discute, on concède, on accepte des compromis. Quand on veut défendre une cause, on ne bouge pas d’un pouce, on n’obtient rien mais on se sent pur ; l’inefficacité pratique est avantageusement compensée par l’autosatisfaction.
 
En vérité, la CGT offre trop souvent le spectacle désolant d’une éthique de conviction livrée à elle-même, ou d’une intransigeance qui culmine dans la bonne conscience d’avoir tout perdu sans céder quoi que ce soit. À la CGT, chaque combat est une défaite, mais on a toujours dit non, alors c’est fièrement qu’on est battu, les apparences sont sauves. L’enjeu n’est pas de réduire l’injustice mais de renouveler les raisons de s’insurger. C’est pour cela que la CGT a systématiquement refusé de condamner l’inféconde violence de ses membres : qu’elle s’en prenne aux élus ou aux stadiers, que la CGT déchire des chemises de DRH ou qu’elle prive les gens de journaux, de lumière ou de mouvement, aucun (aucune) secrétaire général n’a jamais formellement condamné ces actes inouïs. Qu’elles soient contre-­productives n’y change rien : ces méthodes de mafieux sont le quotidien d’un syndicat de musclés pour rien, qui, à mesure qu’il perd des adhérents, se vit comme un empire dans un empire. La CGT traite l’État non en interlocuteur mais en monolithe hostile qu’il faut priver de lumière pour qu’il accepte ce qu’elle entend lui imposer. Seulement voilà. N’est pas Jimmy Hoffa qui veut.
 
« Vous perdrez votre temps, prédit Max Weber, à exposer à un syndicaliste convaincu de la vérité de l’éthique de conviction que son action n’aura d’autre effet que celui d’accroître les chances de la réaction, de retarder l’ascension de sa classe et de l’asservir davantage, il ne vous croira pas. » De fait. Il ne sert à rien de présenter à la CGT les conséquences de ses actions et de lui dire qu’être inflexible est inutile. Car la CGT n’est pas là pour être utile, mais uniquement pour nuire au système qu’elle n’arrive pas à détruire, et aux usagers qu’elle n’arrive pas à convaincre.
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03/05/2023
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