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La ministre passe à l’acte

 

éditorial Sud-Ouest

 

Les casseroles sont reparties bredouilles des Molières, ce
lundi soir. Il est vrai que si les interprètes font preuve de
conviction, le script manque d’inventivité et la mise en
scène de renouvellement. Quant aux effets sonores, ils tournent
en rond.


On peut en revanche attribuer un prix spécial à la ministre de
la Culture, Rima Abdul-Malak, qui, contrairement à un slogan féministe,
s’est levée mais ne s’est pas cassée. Chaque titulaire du
poste sait à l’avance qu’il sera sermonné dans ces cérémonies
culturelles, et devra, se sachant filmé, faire bonne figure avec un
sourire contraint. Roselyne Bachelot, qui a précédé Rima Abdul-
Malak rue de Valois, avait férocement épinglé quelques artistes
réclamant encore plus de beurre sur une tartine déjà bien fournie.
Comme la plupart des Français,les artistes ne sont pas tous millionnaires
et ont le droit de se plaindre. À condition de ne pas oublier
qu’ils vivent dans un pays qui dispose d’un ministère de la Culture,
où ils bénéficient de subventions publiques et de fonds de
soutien ainsi que d’un statut unique au monde, celui d’intermittent
du spectacle, souvent menacé, toujours en vigueur.


C’est ce que la ministre, au lieu de se recroqueviller dans son fauteuil,
a rappelé aux deux comédiennes qui l’apostrophaient sur
la réforme des retraites. Avec précision et sans agressivité. Elle s’est
fait applaudir par une salle, peu suspecte de sympathies macronistes,
qui venait d’approuver le duo syndiqué.


L’image est plus glorieuse que celle de son collègue Pap
Ndiaye, exfiltré de la gare de Lyon par la police, tête courbée,
parce qu’une poignée de manifestants l’empêchait de sortir. Ne
parlons pas des autres ministres ou des députés de la majorité
présidentielle, harcelés en déplacement ou à leur permanence
par des porteurs de casseroles dont certains incarnent les valeurs
républicaines grâce à leur écharpe tricolore.


Il est abusif, comme le font certains, de crier au fascisme. Il est
en revanche navrant que le pays de Montaigne, Montesquieu ou
Voltaire devienne celui de Tefal ou Le Creuset. En France, on ne
débat plus, on censure le contradicteur et on casse la vaisselle.
Pour devenir célèbre, il n’est plus requis d’avoir publié un livre,
tourné un film, composé une chanson ou accompli un exploit.


Il suffit, comme ce lycéen prénommé Manès ou cette étudiante,
Nina, médiatisée pour ses propos au vitriol contre Élisabeth
Borne, d’affirmer avec aplomb qu’on brandit la parole et la
colère de tous les jeunes de l’Hexagone, puis de se laisser porter
par les réseaux sociaux. On en revient à la (trop) fameuse phrase
d’Andy Warhol : « À l’avenir, chacun aura son quart d’heure de
célébrité. » Il y en a qui débordent vraiment des quinze minutes.

                               Benoit Lasserre



26/04/2023
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