Tous les jeunes écoliers du Lot y sont allés au moins une fois durant leur scolarité. Mais c’est terminé. Le site d’Auzole, situé à Saint-Pierre-Lafeuille aux portes de Cahors, n’accueillera plus les activités de la Ligue de l’Enseignement du Lot (la FOL 46), qui y était pourtant installée depuis 55 ans.
C’est en 1968 que la Ligue de L’Enseignement 46 a acheté cette ancienne ferme lotoise sur 70 ha de prairies et de forêts. Depuis les activités s’y étaient multipliées : colonies de vacances, activités éducatives diverses comme les rendez-vous de l’USEP, activités motocross, séjours de loisirs, Fab Lab L’épicentre… Mais tout cela sera terminé à compter du 15 mars prochain, au mieux au 15 mai 2023. Car c’est à contrecœur que la Ligue de l’Enseignement va devoir céder les lieux.
Le centre d’Auzole près de Cahors vendu en 2021
L’histoire remonte à mars 2020, lors du premier confinement. Le centre d’Auzole doit fermer dès les mois de mars, alors qu’il n’est plus possible d’accueillir les enfants pour des classes découvertes et autres. La direction de la Ligue de l’Enseignement souhaite tout de même maintenir en poste ses salariés, malgré les difficultés économiques engendrées.
En parallèle, l’association Lot pour Toits demande à bénéficier du site pour héberger les jeunes confinés dans des lieux très exigus rendant le confinement difficile à supporter. Association Lot pour Toits et Ligue de l’Enseignement se mettent alors d’accord pour louer le domaine d’Auzole de mars à fin juin 2020, car il est possible en juillet d’accueillir de nouveau les colonies de vacances en suivant un protocole strict.
Les personnes de Lot pour Toits sont séduites par le domaine et l’association signifie qu’elle peut racheter Auzole si la Ligue est intéressée.
« Au regard des résultats économiques et financiers de 2020 avec la perte de 50 % de notre activité et le maintien du personnel, il y avait un gros déficit financier à compléter. Les relations étant alors très bonnes, nous avons été d'accord pour cette vente, avec la condition que l'on puisse y continuer nos activités »
L’association Lot pour Toits, qui gère la résidence Jean Jaurès (résidence Habitat Jeunes, anciennement foyer de jeunes travailleurs) à Cahors et l’hébergement de jeunes migrants, rachète alors le site et le loue à la Ligue de l’Enseignement avec un bail de 9 ans. « Tout allait bien avec eux, on a donc accepté une convention qui disait qu’en cas de dénonciation d’une clause ou de toutes les clauses de la convention, cela dénoncerait la totalité du bail » regrette le directeur. « On s’est dit que ce pourrait être bien et nous avions alors besoin de cette manne financière » poursuit-il.
La vente est actée fin juin 2021 et le centre d’Auzole devient propriété de Lot pour Toits.
« Arrive l’été 2021, et nous accueillons comme d’habitude les enfants en séjours de vacances » poursuit le président de la Ligue de l’Enseignement Claude Pouget. Arrivent aussi les premiers ennuis.
Les premiers problèmes
Une clause du contrat prévoit que Lot pour Toits doit assurer une prestation de restauration sur le centre. « Et cette prestation fournie par Lot pour Toits s’est avérée inacceptable, il n’était pas possible de servir ça à nos enfants » explique Pierre Tresarrieu. L’été 2021 se passe malgré tout, et de nombreuses réunions se mettent en place pour anticiper ce problème de restauration en amont de la saison estivale 2022. « Mais ils n’ont rien voulu entendre à Lot pour Toits » poursuit le directeur. « A priori cette prestation de restauration était faite par une autre société, mais ça les regardait eux, même si dans la convention il n’était pas prévu qu’ils sous-traitent » ajoute Claude Pouget.
Qui plus est, la restauration est un enjeu majeur pour un centre de vacances, qui se doit de satisfaire ses clients. « Dès le premier accueil au printemps 2022, il n’y a pas eu d’amélioration ». Les clients mécontents font remonter ces mauvais ressentis, laissant des avis négatifs, certains interrompant prématurément leur séjour en demandant à être remboursé. « Devant une prestation de restauration aussi médiocre, on le signale encore à Lot pour Toits qui ne fait rien. Nous nous sommes alors inquiétés pour l’été où on accueille en moyenne une centaine d’enfants par semaine. Si les enfants ou les parents réagissent, qu’il y a de mauvais retours, nous nous serions retrouvés avec de graves impacts pour Auzole, mais aussi pour tous les autres centres gérés par Ligue » précise Pierre Tresarrieu.
La Ligue décide alors de dénoncer la convention avec Lot pour Toits uniquement sur le volet restauration entre le 1er et le 15 juillet 2022 ; « mais en aucun cas nous ne voulions quitter le site ! ».
La rupture
Pour l’été 2022, la Ligue de l’Enseignement du Lot fait appel à une autre association cadurcienne, RERTR, pour fournir les repas à midi et le soir, les petits-déjeuners étant alors gérés en interne. Ensemble, ils s’organisent pour livrer des repas dans les normes agroalimentaires. « Il y a eu des hauts et des bas, mais on a toujours travaillé dans le dialogue et avec une prestation de meilleure qualité que celle de Lot pour Toits » poursuit le directeur.
La convention dénoncée, le préavis est alors de 6 mois pour quitter les lieux. « Nous attendions – espérions – que Lot pour Toits nous contacte. Ils ne l’ont jamais fait » déplore le directeur. La Ligue poursuit ses activités jusqu’en décembre 2022.
Puis lors des vœux du maire de Cahors le 9 janvier 2023, « le président de Lot pour Toits apostrophe le président de la Ligue de l’Enseignement pour lui signifier que la fin du bail prenait effet sous 48 heures, explique Pierre Tresarrieu. Et qu’il fallait rendre les clés… Évidemment nous n’acceptons pas et demandons à rediscuter. On nous propose alors un nouveau bail jusqu’en 2024 avec un loyer significativement rehaussé ».
Finalement, le Bureau de la Ligue de l’Enseignement convient qu’il n’est plus possible de travailler avec Lot pour Toits, les relations étant devenues trop conflictuelles. Le Bureau décide de quitter le domaine d’Auzole, en demandant à Lot pour Toits de leur laisser deux mois de plus pour qu’ils puissent organiser un déménagement et ne pas mettre l’équipe en difficulté. « À ce jour, nous n’avons pas eu de réponse. En conclusion, nous partons soit le 15 mars, soit le 15 mai ».
Lot pour Toits réagit
« L'association Lot pour Toits a racheté le centre d'Auzole à la Ligue de l'Enseignement qui en est désormais locataire. Ils ont bail 3-6-9 ans, explique le président de Lot pour Toits Jérôme Prévost, avec deux conventions pour l'hébergement et la restauration ». Il explique que ce bail a été dénoncé en juillet dernier, et que la FOL 46 avait donc 6 mois pour quitter les lieux. « Le départ vient d'eux. Nous leur avons proposé de prolonger jusqu'en avril 2024 et ça ne les intéresse pas. Pour l'instant, ils restent locataire jusqu'à fin mai ou juin » poursuit Jérôme Prévost.
Ce dernier précise que l'association Lot pour Toits nourrit des idées pour le site. « Après, nous risquons de monter le siège social là-haut et nous avons des projets pour Auzole, mais nous ne comptions pas que la FOL (Fédération des œuvres Laïques, autre nom de la Ligue de l'Enseignement NDLR) parte aussi rapidement. Nous sommes dans une période un peu trouble, mais en aucune manière on ne les met dehors, ils nous ont dit qu'ils voulaient partir pour faire autre chose ».
Egalement interrogé, le directeur de Lot pour Toits Nordine Brahmi précise que l'association Lot pour Toits et la Ligue de l'Enseignement règlent le problème par leur avocat-conseil interposé, et que Lot pour Toits communiquera plus avant sur ce dossier ultérieurement.
Fin des activités à Auzole pour la FOL 46
La Ligue de l’Enseignement s’est donc vue contrainte de cesser toutes ses activités sur le site d’Auzole, excepté l’école de moto du mercredi après-midi qui va perdurer jusqu’au 15 mars.
« Aujourd’hui, on réfléchit où implanter nos activités moto, le Fab Lab, la vie associative. Et voir comment préserver les 5 salariés permanents du site. Il nous faut trouver un endroit pour tout, y compris les activités moto, avec une piste homologuée. Et à ce jour, nous n’avons aucune piste » déplore le directeur. Ils ont averti tous leurs partenaires : Préfecture, Conseil Départemental, Cahors et Grand Cahors, Éducation nationale de la situation, en leur demandant un soutien.
« Ce sont 5 postes de travail menacés, 7 000 journées activités qui disparaissent. Et c’est surtout une grosse défaite pour le travail entre associations, nous avons été surpris par leur fermeté. Est-ce qu’ils sont contents qu’on s’en aille ? Ont-ils des projets ? » s’interrogent d’une même voix président et directeur, qui assurent n’avoir aucun esprit de revanche mais être secoués par ce qui arrive à leur structure. « Nous partirons au 15 mars ou au 15 mai, sauf gros revirement de situation, mais c’est peu probable » avouent-ils déçus.
