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Intelligences

  • Philippe RiouxPhilippe Rioux
    Philippe Rioux
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Depuis l’Antiquité, l’Humanité s’est toujours interrogée sur son destin, s’attachant à connaître ses origines et si elle est seule dans l’univers. Les philosophes grecs supposaient déjà l’existence d’autres civilisations peuplant des exoplanètes dans cet univers dont ils n’avaient pas encore mesuré – scientifiquement parlant – l’immensité. Ce questionnement a irrigué, de siècles en siècles, tous les courants de la pensée humaine, nourrissant la littérature puis le cinéma et plus récemment une foule de séries ; et produisant des œuvres tantôt loufoques – avec les petits hommes verts – apocalyptiques, dystopiques et, parfois, poétiques.

Certaines – 2001, l’Odyssée de l’espace, E.T., Rencontre du 3e type, La 4e dimension – nous ont laissé souvenirs et questionnements, et sont entrées dans le panthéon de la culture populaire. L’engouement de l’opinion autour du phénomène des OVNI, ces objets volants non identifiés, depuis au moins les années 50, a par ailleurs donné lieu à tous les fantasmes, à toutes les théories complotistes, à tous les espoirs aussi d’un contact imminent avec une intelligence extraterrestre. Pour l’heure ce contact-là n’a pas – encore – eu lieu. Mais cela ne veut pas dire qu’il n’aura jamais lieu.

 

Car pour les scientifiques, la probabilité qu’il y ait dans l’univers une autre civilisation, une autre forme d’intelligence que la nôtre est évidemment grande. C’est pour en capter de potentiels signaux que, depuis les années 60, les chercheurs observent l’espace de façon de plus en plus précise – le télescope James Webb nous offre ces derniers mois de spectaculaires images – et « écoutent » l’univers de façon de plus en plus fine, captant et analysant les signaux radio en provenance du fin fond de la Voie lactée avec une course aux radiotélescopes de plus en plus grands et de plus en plus puissants.

 

Écouter et enregistrer des quantités phénoménales de signaux dans l’espoir d’y déceler LE signal qui apporterait la preuve d’une intelligence extraterrestre. Tel était le rêve et la conviction de Frank Drake, soutenu par l’astronome Carl Sagan, qui lança aux États-Unis les projets SETI (Search for Extra-Terrestrial Intelligence, ou recherche d’intelligence extraterrestre). Plus de soixante ans après, c’est de ce même institut que des signaux « intéressants » ont été isolés par une équipe de scientifiques le mois dernier. Huit signaux ont ainsi pu être extraits d’une masse considérable d’enregistrements réalisés depuis plusieurs années. Cela n’a été possible que grâce à l’utilisation d’un algorithme qui, tel celui qui cherche une aiguille dans une botte de foin, a permis d’écarter tous les signaux parasites.

 

Dit autrement, l’intelligence artificielle a été utilisée pour espérer trouver une intelligence extraterrestre. L’IA apparaît dès lors en mesure de révolutionner ces recherches en astronomie comme elle révolutionne déjà la médecine, la finance, l’énergie, les transports, la culture. « Quelque part, quelque chose d’incroyable attend d’être connu » disait Carl Sagan. Et si c’était l’exploration de l’intelligence humaine ?

Philippe Rioux édito la DDM
 
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«Intelligence artificielle et falsification du monde»

  • par Mathieu Bock-Côté, pour Le Figaro - janvier 2023
En se présentant comme la seule forme de connaissance sociale à grande échelle autorisée, l’intelligence artificielle favorisera la diffusion d’une idéologie qui réécrit le réel.
 
Il y a deux semaines à peine, une voix qui semblait venue d’outre-tombe a remué les médias sociaux, suscitant chez les uns de l’enthousiasme, chez les autres de l’effroi. Cette voix, familière, était celle du général de Gaulle lors de l’appel du 18 juin 1940. À ce détail près, nous le savons, qu’il n’existe aucun enregistrement audio ou vidéo de l’appel en question, et que la voix entendue était en fait le fruit de l’intelligence artificielle. Comment, dès lors, qualifier cette reconstitution qui n’en est pas une? Relève-t-elle du vrai ou du faux, de la vérité ou du mensonge? Ne révèle-t-elle pas surtout la confusion croissante entre le vrai et le faux, de leur caractère de plus en plus indiscernable, comme si nos repères épistémologiques et ontologiques éclataient devant nous en temps réel?
 
Car si l’intelligence artificielle peut créer artificiellement un discours qui a au moins le mérite d’avoir été déjà prononcé, ne fabriquera-t-elle pas demain des discours intégralement faux, d’hommes morts ou d’hommes encore vivants? Ne nous conduit-elle pas, ainsi, au cœur d’un monde soumis à la manipulation symbolique intégrale? Le faux, ici, semblera devenir plus vrai que le vrai. Les pouvoirs, et pas seulement le pouvoir politique, ne sont-ils pas à la veille, ainsi, de disposer d’un pouvoir de contrôle de l’imaginaire absolument inédit à l’échelle de l’histoire?
 
En fait, depuis un mois, environ, l’intelligence artificielle a quitté son statut d’objet technologique énigmatique. On savait qu’un jour elle émergerait au cœur de notre vie, au risque de s’en emparer, mais ce scénario semblait lointain, alors que nous y étions déjà. Mais, comme c’est souvent le cas, il fallait qu’un événement symbolique fort vienne nous le révéler. C’est cette fonction qu’a jouée l’apparition du robot ChatGPT, qui semble capable de répondre à n’importe quelle question à la manière d’un étudiant surdoué et cultivé, et qui vient tout juste, on l’apprend, de réussir un test de droit dans une université américaine. Sans surprise, Sciences Po a décidé d’interdire son utilisation par ses étudiants. Mais ce barrage ne sera-t-il pas dérisoire devant une force qui semble appelée à tout emporter sur son passage?
 
«Biais idéologiques inconscients»
L’intelligence humaine semble humiliée, comme si elle appartenait à un autre temps. Elle ne trouve de réconfort qu’en se rappelant qu’elle est à l’origine de cette forme de vie nouvelle, qui la désoriente. On constate la profonde empreinte humaine sur l’IA, à travers ce qu’on pourrait bien appeler ses «biais idéologiques inconscients». Le Figaro nous le rappelait cette semaine, ChatGPT semble convaincu des vertus de la théorie du genre et du constructivisme social, et explique ainsi, lorsqu’on lui demande de définir une femme, qu’il s’agit d’«une personne qui se définit comme telle ou qui est socialement et culturellement reconnue comme telle». L’IA se refuse d’ailleurs de générer des «blagues» sur les «minorités», mais n’hésite pas à les multiplier sur la «majorité». Le surgissement de l’IA en nos années révolutionnaires laisse croire qu’elle pourra servir de dispositif techno-politique favorable à la diffusion de l’idéologie woke, et pourrait même lui permettre de verrouiller les institutions à son avantage, en se présentant comme la seule forme de connaissance sociale à grande échelle autorisée.

«C’est le dédoublement du monde qui caractérise le totalitarisme. À la réalité se substitue un double contrefait, fonctionnant selon les codes de l’idéologie.»

Tout cela ne va pas sans fracturer les derniers restes de l’anthropologie occidentale. C’est la volonté d’en finir avec la finitude qui caractérise la modernité, l’homme quittant l’univers symbolique de la Création pour basculer dans celui de l’autoengendrement. La virtualisation d’une existence de plus en plus désincarnée, projetée sur les réseaux sociaux ou dans les jeux vidéo, se présente à lui comme une promesse d’émancipation. Dans le monde alternatif engendré par la technologie, il peut devenir tout autre, s’arracher à son ancienne peau et devenir son avatar. Il devient de lui-même son propre créateur. Il peut choisir son nom, son sexe, sa forme physique, et demain, pourquoi pas, son époque. C’est pourtant la part la plus intime, en même temps que spirituelle, de la vie qui demeurera étrangère à ce continent mental nouveau.
 
C’est le dédoublement du monde qui caractérise le totalitarisme. À la réalité se substitue un double contrefait, fonctionnant selon les codes de l’idéologie, et dont on ne sort qu’en en payant le prix. Demain, celui qui ne voudra pas accompagner ce dispositif techno-politique nouveau ne risque-t-il pas d’être condamné à un exil intérieur permanent, où son expérience du monde sera jugée périmée? On nous dira que depuis la nuit des temps les conservateurs ont surjoué la peur devant le progrès. Mais ils n’ont généralement pas eu tort lorsqu’ils disaient que l’homme se perd et se mutile lorsqu’il en vient à se prendre pour Dieu. N’est-ce pas de cela que nous sommes témoins aujourd’hui?�

 

 


05/02/2023
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