2193- Alertes à Bruxelles sur le lobbying des frères musulmans 1 post

Comment la France tente de réveiller les institutions européennes face au lobbying des Frères musulmans

NAÏVETÉ COUPABLE
  • par Hadrien Brachet et Jean-Loup Adenor, pour Marianne - décembre 2022 Republié par JALR
Ces vingt dernières années, des associations liées aux Frères musulmans ont tissé leur toile de la Commission au Parlement européen, recueillant des financements et orientant certaines campagnes de communication.
 
Des députés français et le gouvernement essayent d’alerter sur le danger que représente cette bienveillance envers un islam très conservateur et éminemment politique.
 
«C’est énorme.» Installée au café du Parlement européen, surnommé le «M’as-tu-vu», Ilana Cicurel, eurodéputée macroniste (groupe Renew Europe), est toute à sa joie. Quelques jours plus tôt, une proposition d’amendement défendue par son groupe a été adoptée à la surprise générale. Le Parlement s’y dit «vivement préoccupé» par le fait que la Commission puisse financer «des organisations religieuses et politiques radicales, comme les Frères musulmans». Il lui enjoint de «faire en sorte que les fonds de l’Union ne financent que des associations qui respectent scrupuleusement l’ensemble des valeurs européennes, dont la liberté de pensée, la liberté de parole et l’égalité entre les hommes et les femmes».
 
Car, à Bruxelles, plusieurs organisations controversées semblent avoir leurs entrées. À l’automne 2021, la campagne du Conseil de l’Europe promouvant «La liberté dans le hidjab» et marquée du logo de l’Union européenne s’est attiré l’ire du gouvernement français. Parmi ses concepteurs : le Forum of European Muslim Youth and Student Organisations (Femyso), une fédération d’associations de jeunesse pointée par plusieurs chercheurs pour ses liens avec les Frères musulmans. Toujours à la fin de 2021, alors même que la France demande des comptes à Bruxelles, Helena Dalli, commissaire européenne à l’Égalité, reçoit… les dirigeants du Femyso. Comme un pied de nez à la réaction française, assimilée, par ces derniers, à de l’«islamophobie». Autre exemple : le European Forum of Muslim Women (EFOMW) est intervenu ces dernières années à plusieurs reprises au sein du Parlement européen, notamment pour sensibiliser à – encore et toujours – l’«islamophobie».
 
Si l’amendement du groupe Renew mentionne particulièrement la question des financements, c’est notamment parce qu’en 2015 le Femyso a reçu de la Commission européenne 30.000 € de subventions en tant que coordinateur du projet «Combattre les violations humaines associées à l’islamophobie». Dans le cadre du projet Meet, qui vise à «prévenir l’islamophobie contre les femmes et les filles en Europe» la Commission prévoyait également une contribution pouvant s’élever jusqu’à 14.397 €. Cette stratégie d’approche des institutions européennes trouve son point d’orgue dans le courant de 2015. La France est alors frappée par deux vagues d’attentats. Interrogé par Marianne un ancien membre du conseil d’administration du Femyso raconte cette année déterminante : «La Commission a été alertée d’une augmentation des actes racistes, antisémites et islamophobes. Elle décide alors de travailler avec des associations spécifiques sur le sujet. Le Femyso en a fait partie.»
 
L’association européenne y voit une aubaine : «C’est aussi comme ça que travaillent les Frères musulmans, poursuit ce fin connaisseur de la confrérie. Ils savent saisir les occasions.» Sans s’intéresser davantage aux origines et aux objectifs de cette association, «la Commission leur a donc grandement facilité le travail» : «Les Frères ont compris que cest à Bruxelles que se trouve le pouvoir : il est plus judicieux d’aller influencer directement les institutions européennes, qui pourront voter des textes que les États membres seront tenus de respecter.» Interrogée par Marianne la Commission européenne assure que le Femyso ne reçoit plus «aucun financement» de sa part. Signe que le vent tourne ? «Il y a quelques mois, nous n’étions que quelques-uns à nous préoccuper de ce sujet. Il y avait un verrou à faire sauter, l’idée reçue selon laquelle si on se penche sur cette question c’est que l’on est d’extrême droite», analyse Ilana Cicurel. Aujourd’hui, se réjouit-elle, «la Commission ne peut plus ignorer la position du Parlement».
 
Derrière les grandes baies vitrées de son bureau du 9e étage, le député européen Les Républicains (groupe PPE) François-Xavier Bellamy affiche la même satisfaction. Lui aussi s’est emparé de l’affaire Femyso. Et lui aussi vient de remporter une première victoire : un deuxième amendement, déposé par le PPE, a également été adopté, quoique partiellement. «Sans la situation en Iran, je pense que les amendements ne seraient jamais passés» nous confie-t-il en renouant sa cravate. Comprendre : les parlementaires européens, peu volontaires sur les questions politico-religieuses, et particulièrement sur l’islam politique, ont été sensibles au combat des femmes iraniennes contre le voilement obligatoire. Car jusque-là, à Bruxelles, les préoccupations françaises envers les lobbys de l’islam politique n’avaient pas vraiment été entendues. L’eurodéputé Emmanuel Maurel, l’un des rares à porter ce combat à gauche, en témoigne : «Ici, beaucoup me demandent pourquoi je m’arc-boute autant sur ce sujet. On est dans un univers culturel et politique où le principe de laïcité ne va pas de soi.» Dans les couloirs de la Commission, on reconnaît en effet, du bout des lèvres, que «la France a une approche très spécifique de cette question».
 
UNE «DÉMARCHE INHABITUELLE»
 
Cet été, les ministres de l’Intérieur, Gérald Darmanin, de l’Europe et des Affaires étrangères, Catherine Colonna, et la secrétaire d’État chargée de l’Europe, Laurence Boone, ont envoyé un courrier à la Commission européenne. La France s’«oppose vivement à ce que le Femyso soit associé à l’image de l’Union» et demande que «des mesures soient prises». Là encore, les officiels européens, très prudents sur le sujet, semblent mal à l’aise. L’un d’eux évoque auprès de Marianne la «démarche inhabituelle» du gouvernement français. Interrogé par Marianne, le Femyso s’inquiète de ce qu’il considère comme «une tentative de diaboliser des citoyens européens afin de séduire les minorités d’extrême droite». En guise de réponse officielle, la Commission européenne nous fait savoir, laconique, qu’elle répondra «en temps voulu»…
 
À ce jour, le cabinet de Laurence Boone nous indique qu’«aucune réponse n’a été reçue» mais semble se réjouir d’avoir pu «en parler avec Mme Dalli et la sensibiliser» sur le sujet. «Objectif atteint», nous assure-t-on… Histoire de sauver la face ? «Il y a beaucoup de naïveté dans la façon dont la Commission gère l’islam politiquenous explique le député européen tchèque Tomás Zdechovský (PPE). Je pense qu’il n’y a que très peu de personnes ici à Bruxelles qui comprennent vraiment la problématique.»
 
D’autant qu’à cette bienveillance envers un islam ultra-conservateur, au nom de la lutte pour l’inclusion et l’égalité, s’ajoute un problème de taille : la pesanteur du mastodonte administratif européen. À la fin de septembre, l’Union s’est à nouveau illustrée en présentant pour promouvoir le programme Erasmus + une fillette d’une dizaine d’années voilée d’un tissu coloré. Après avoir rapidement fait retirer le visuel, la Commission a plaidé auprès de Marianne une «erreur administrative». «Désormais, les cabinets des commissaires européens s’échinent à vérifier tous les visuels produits par l’Union», nous glisse, amusé, un eurodéputé.�
  • Illustration : Des militants de Femyso (au premier plan) lors de la Rencontre des jeunes européens en 2021, au Parlement européen, à Strasbourg. European Union 2021
Peut être une image de 1 personne, position debout et intérieur
 


19/12/2022
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