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L’Assemblée divisée en trois blocs, Macron devra composer

Face à la Nupes, en deçà de ses espérances,et au RN, qui aurait imaginé se retrouver avec un tel groupe,

les macronistes n’obtiennent qu’une faible majorité relative

 

La Nupes,coalition menée par Jean-Luc Mélenchon,a obtenu(131 sièges).La majorité présidentielle n’en obtient que (245).quant au parti de Marine Le Pen,il rafle 89 sièges.


Emmanuel Macron avait refusé
il y a un an d’instaurer
la proportionnelle que lui
réclamait François Bayrou ; il se
retrouve avec une Assemblée nationale
élue au scrutin majoritaire
mais dont la configuration
n’est guère différente de ce
qu’aurait donné une élection à
la proportionnelle. Comme à
l’élection présidentielle, comme
au premier tour des élections législatives,
trois grands blocs se
partageront peu ou prou l’hémicycle,
sans qu’aucun d’eux n’ait
la majorité. C’est là le grand paradoxe
de cette année électorale :
bien réélu, et surtout premier
président réélu hors cohabitation,
Emmanuel Macron se retrouve
avec une majorité très faible
et très relative à l’Assemblée.
Il est décidément l’homme de
toutes les situations inédites : jamais
sous la Ve République un
président fraîchement élu
n’avait disposé d’une si faible
majorité. Même François Mitterrand,
en 1988, n’avait à déplorer
qu’une dizaine de sièges manquants.
Avec quelque 230 députés
élus sur son nom (dont seulement
160 Marcheurs proprement
dits), Emmanuel Macron
se trouve loin du compte. Non
seulement, il perd une centaine
d’élus par rapport à 2017, mais il
lui en manque une soixantaine
pour atteindre la majorité de sièges
(289). Or, le recours à l’article
49-3 est désormais limité.
C’est sous la menace d’un autre
article, le 49-2, celui qui permet
le dépôt et le vote d’une motion
de censure, que ses gouvernements
vivront en permanence.
S’il dispose d’une majorité relative,
un Premier ministre peut
tomber sous les coups d’une
éventuelle alliance de la Nupes
et du RN, ou se faire refuser la
confiance (article 49-1) qu’il demandera.
Dès lors, peut-il conserver
Élisabeth Borne, par
ailleurs élue de justesse ? Ou
doit-il rechercher une personnalité
plus consensuelle, et surtout
bonne connaisseuse du Parlement ?

(RN grand gagnant, ça ce n'est pas de Bruno Dive mais de moi)
Avec quelque 150 députés (131 semble t-il), la Nupes
se trouve en deçà de ce qui
lui semblait promis à l’issue du
premier tour, et surtout loin de
l’hôtel Matignon, même si l’ex futur
Premier ministre Jean-Luc
Mélenchon faisait hier soir mine
de croire que rien n’était joué et
que sa coalition arriverait peut être
en tête. Une vieille habitude
chez lui… Il n’en demeure pas
moins que la Nouvelle Union populaire
s’impose comme la première
force d’opposition. Avec
près de 90 députés, la France insoumise,
grande gagnante, quintuple ses effectifs ;

le PS conserve miraculeusement son
groupe ; les écologistes en retrouvent
un qu’ils avaient perdu
en 2017 et les communistes sauvent
les meubles. Mais seront-ils
tous sur la même ligne d’opposition
résolue et systématique à
Emmanuel Macron ? Ou certains
– on pense aux socialistes, renforcés
par les divers gauche élus
hors Nupes – accepteront-ils des
compromis sur certains textes ?


Coalition avec LR ?
Le parti de Marine Le Pen, elle-même
triomphalement réélue
dans le Pas-de-Calais, est le grand
gagnant de cette soirée électorale
et surtout le vainqueur surprise.
Personne, pas même ses
dirigeants dans leurs rêves les
plus fous, n’aurait imaginé se retrouver
avec un groupe d’environ
90 députés ! Ils en escomptaient
trois fois moins ; même en
1986, lorsque la proportionnelle
leur avait permis de constituer
un groupe parlementaire, ils
n’étaient que 35… « Nous serons
une opposition ferme et responsable»,

a promis une Marine
Le Pen visiblement émue. Une
force d’opposition à laquelle
pourrait échoir, selon la tradition
instaurée en 2007, la présidence
de la commission des Finances
(si chaque groupe de la
Nupes siégeait séparément)…
Pour trouver une majorité stable,

Emmanuel Macron et son 

futur Premier ministre ne pourront
guère compter que sur LR,
certes diminué, mais qui revient
avec plus d’une soixantaine de
députés (il y en avait 101). Le parti
de droite acceptera-t-il un contrat
de coalition ? Ce serait alors
une forme de victoire pour Nicolas
Sarkozy qui prônait en vain
cette solution, tant auprès du
président que de ses amis politiques.
Hier, certains semblaient
l’accepter, tel Jean-François Copé
(mais « à nos conditions »), précisait-
il, ou Rachida Dati rappelant
: « Nous sommes un parti de
gouvernement. » D’autres se cantonnaient
dans le refus, Éric Ciotti
refusant d’être « la roue de secours
d’Emmanuel Macron » et
Aurélien Pradié de le « sauver ».
Beaucoup de choses se joueront
désormais à l’Assemblée nationale,
au moins autant qu’à l’Élysée,
et c’est bien à cela que se résume
la défaite qu’Emmanuel
Macron a subie hier.

Bruno DIVE (Sud-Ouest)

L’apprentissage de la Ve République

 

20 juin 2022

 

Les commentateurs ont clamé à l’unisson la défaite du président Macron et la catastrophe d’une absence de majorité absolue dans la nouvelle assemblée. Mais le résultat des élections est-il vraiment un coup de tonnerre? Non, et ceci pour deux raisons. La première est que le résultat n’a rien de surprenant au regard des législatives passées. La seconde raison est que, même si nous l’avions oublié, la Ve République est un régime parlementaire.

Nous nous étions certes habitués à ce que, depuis l’instauration du quinquennat et l’inversion du calendrier électoral en 2002, le président élu remporte une telle majorité. Ce fut effectivement le cas en 2002, 2007, 2012 et 2017. Plus largement, le scrutin majoritaire à deux tours avait été instauré pour donner au président une majorité, lui permettant ainsi de gouverner en pouvant compter sur le soutien systématique, ou presque, de l’Assemblée nationale.

L’échec d’Emmanuel Macron à retrouver sa majorité absolue introduit en effet une césure importante dans l’histoire de la Ve République puisque ce cas ne s’était produit qu’une seule fois, en 1988. Mais alors il ne manquait alors que 14 sièges au gouvernement de Michel Rocard, tandis qu’il en manquera 44 au gouvernement qui va être nommé. Tout réel qu’il soit, cet échec est cependant relatif.

Qui a gagné les élections?

Commençons par une évidence : les élections législatives n’ont pas inversé l’élection présidentielle. La coalition Ensemble pour la majorité présidentielle a remporté les élections. Elle n’est pas battue, puisqu’elle possède une large majorité relative de 245 sièges soit 42,4% de l’ensemble (tableau). Un tel résultat réjouirait n’importe quel parti dans les autres pays européens.

Certes, au regard de l’histoire de la Ve on peut considérer que l’absence de majorité absolue est un échec. Mais la nouveauté est d’abord dans la situation : c’est la toute première fois qu’un président réélu, et disposant avant sa réélection d’une majorité absolue au Parlement, affronte de nouvelles élections législatives.

Les législatives qui avaient suivi la réélection de François Mitterrand en 1988 étaient en effet marquées par un tout autre contexte : en 1988, l’Assemblée sortante était à droite. Depuis 1981 aucune majorité sortante n’a été reconduite, même de manière relative.

La seule exception serait en 2007, quand la droite avait conservé sa majorité absolue à l’Assemblée. Mais la présidentielle avait vu l’élection d’un nouveau président, Nicolas Sarkozy, et en outre celui-ci avait fait campagne sur la rupture.

La situation politique inédite, c’est donc celle dans laquelle se sont tenues les élections, avant leur résultat. Et si Emmanuel Macron ne dispose pas d’une majorité absolue à l’Assemblée, la coalition présidentielle formera bien le prochain gouvernement. Le président ne sera donc pas obligé d’appeler au téléphone Jean-Luc Mélenchon !

Tableau. Evolution des groupes ou coalitions de groupes à l’Assemblée nationale entre 2017 et 2022

Un renouveau institutionnel

Le pays est-il devenu soudain ingouvernable ? Là encore, la sidération mêlée de panique qui semble avoir frappé les commentateurs ne manque pas d’étonner. Car on peut à bon droit juger que la question la plus brûlante, depuis plusieurs années, est celle de la représentation. Et que ces élections rouvrent un jeu qui était dangereusement fermé. Nous avons suffisamment appelé, sur Telos, à l’introduction d’une part de proportionnelle pour saluer ce qui se joue aujourd’hui.

L’élection présidentielle avait été marquée par la formation d’une tripolarisation Macron-Le Pen-Mélenchon. Le premier tour des élections législatives avait traduit cette transformation dans les suffrages exprimés, tout en marquant une remontée de LR. Le second tour des législatives a reproduit au niveau des sièges cette évolution vers la tripolarisation, le Rassemblement national dépassant pour la première fois une droite modérée qui cependant a beaucoup mieux résisté que prévu. La décision de LR en matière de stratégie pour ce second quinquennat sera décisive pour le fonctionnement des institutions.

Les résultats de ces élections législatives nous rappellent que la Ve République est un régime parlementaire. Le président doit disposer d’une majorité pour gouverner. Si son parti n’a pas la majorité absolue, il doit la trouver. C’est ce que fit le gouvernement de Michel Rocard en 1988 et c’est ce que devra faire celui d’Elisabeth Borne. Est-ce la catastrophe annoncée par des commentateurs qui se sont habitués à la Ve présidentialiste ? Certes ces élections vont modifier profondément le fonctionnement de  nos institutions. Est-ce un mal pour le pays ? Cela est loin d’être évident.

Nous avons en effet assisté depuis plusieurs années à une crise de plus en plus grave de la représentation. Effondrement de la participation aux élections législatives, malaise social qui s’est traduit pas le mouvement des Gilets jaunes, montée de la critique du fonctionnement des institutions, crise du parlementarisme, difficultés grandissantes d’un exercice vertical du pouvoir, difficultés à réaliser les réformes nécessaires, innovations pas toujours concluantes de démocratie participative. Ne vaudrait-il pas mieux que les oppositions s’expriment au Parlement plutôt que dans la rue et que des compromis puissent y être recherchés ? Ne faut-il pas réhabituer les représentants à travailler ensemble à réformer le pays ? Certes, la tâche sera ardue tant la tripolarisation politique s’articule sur des formations qui sont en complète opposition les unes avec les autres. Mais de toutes manières le temps de la Ve présidentialiste semble être passé. Il nous faut donc travailler autrement. Il sera plus difficile de faire des lois, mais au moins seront-elles moins nombreuses et plus sérieusement discutées, ce qui ne sera pas un mal.

Un apprentissage à poursuivre

Dans la logique de ces évolutions majeures, il faudra reprendre sérieusement le débat sur le changement du mode de scrutin législatif afin d’améliorer encore la représentation des diverses tendances. D’une certaine manière, la répartition des voix et des sièges à ces élections nous y invite. Le mode de scrutin actuel, qui a pour but de produire une bipolarisation, a montré son inadaptation à la configuration actuelle des forces politiques. Une proportionnelle, avec une prime majoritaire éventuellement, serait probablement la meilleure solution. Elle nous rapprocherait de nos partenaires européens qui dans la plupart des pays pratiquent ce mode de scrutin, et dont les gouvernements ne sont pas moins capables de gouverner.

On ajoutera ici une proposition simple à mettre en œuvre, et qui pourrait nous aider, collectivement, à poursuivre notre apprentissage. Pour ré-intéresser les citoyens aux élections législatives, ne faudrait-il pas également opérer la simultanéité du premier tour de l’élection présidentielle et des élections législatives ? Une telle modification aurait deux avantages : favoriser la participation électorale et supprimer l’aberration, évidente aujourd’hui, qui consiste à former le gouvernement à la veille et non pas au lendemain de ces élections, ce qui permettrait d’être en cohérence avec la re-parlementarisation du régime.

La crise du fonctionnement de la Ve République telle que le voulait son fondateur n’est peut-être pas la catastrophe que certains commentateurs perçoivent. Le texte de la Constitution permet une grande souplesse dans sa pratique. Il est temps de la mettre à nouveau à profit.

 

 

 

 

 

 



20/06/2022
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