« Emmanuel Macron reste maître du jeu »

Le politologue et président de la société d’études Polling Vox, Jérôme
Sainte-Marie, considère qu’Emmanuel Macron dispose d’un avantage
structurel pour les législatives à venir. Entretien (Sud-Ouest)

On pensait que ce nouveau duel entre Macron et Le Pen augmenterait
l’abstention. Ce n’est pas si flagrant.

Il faudra voir dans le détail qui s’est mobilisé ou pas. Ce
qui est vrai, c’est que l’injonction à faire barrage à Marine
Le Pen a fonctionné. Beaucoup d’autorités morales,
syndicales, scientifiques, économiques ou artistiques se
sont exprimées, ce message compte, notamment quand
vous voyez les patrons de la CGT et de la CFDT appeler à
voter Macron malgré la promesse d’une retraite à 65 ans.
Ce sont les oppositions qui ont fait sa campagne de
deuxième tour, en appelant à voter pour lui, comme Fabien
Roussel ou Yannick Jadot.
Même Jean-Luc Mélenchon, s’il n’a pas clairement appelé
à voter pour le président sortant, a martelé qu’il ne fallait
pas une voix pour Marine Le Pen. Pour un Français normal,
moyennement politisé, tous ces messages réactivent
un choix relatif entre les deux candidats. Ce qui a fait
monter la participation.

Pourquoi Jean-Luc Mélenchon dit-il que Macron est le président le plus
mal élu ?

Je n’ai pas compris sa déclaration À moins qu’il fonde son
calcul sur le taux de participation. Mais ça n’a aucune valeur.
Ce qu’on retient, ce sont les 58 % de Macron qui est bien réélu,
 alors que ce n’est pas si facile, et qui a une incontestable
légitimité. Mélenchon est embarrassé par sa position entre les deux
tours alors qu’il voulait incarner l’opposition la plus rude
à Emmanuel Macron et qu’il a fini par concéder qu’on pouvait
voter pour lui.
La seule véritable opposante est Marine Le Pen qui s’est de
nouveau hissée en finale et n’a fait aucune concession à
son adversaire.
41,2 %, cela peut paraître décevant pour une finaliste mais
ce n’est pas un échec humiliant.
La déception est relative puisqu’aucun sondage
ne l’a jamais donné gagnante.
Marine Le Pen a une image normalisée, ce qui ne veut
pas dire bonifiée.

Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon peuvent-ils imposer une cohabitation
au vainqueur ?

Ce sera très difficile car il y aura surtout des duels aux législatives.
Macron a amélioré son score du premier tour et
il a élargi sa base électorale.
La crise du PS et de LR va continuer. Macron aura certainement
un maximum de candidats qualifiés pour le
deuxième tour des législatives face à un maximum de
candidats RN ou Insoumis.
Soit des partis entre lesquels le report des voix paraît inimaginable.
Tous deux représentent le vote populaire
mais ce vote est fracturé, voire irréconciliable, ce qui
fait l’affaire de Macron.

Lui-même aura une majorité plus diverse.

C’est la rançon de la gloire et beaucoup aimeraient être à
sa place. Il pourra justement jouer entre les différents
groupes de sa majorité, rester maître du jeu et de la partition.
D’ici aux législatives, il garde un avantage structurel.
Insoumis et lepénistes auront des groupes plus importants
mais ils ne pourront pas s’entendre et voudront tirer
la couverture à eux. C’est parfait pour le président.

Recueilli par Benoît Lasserre  (Sud-Ouest)