1937- Macron a beaucoup à perdre ... mais tout un continent à gagner 10 posts

Macron has a lot to lose... but a whole continent to gain

Emmanuel Macron at a military ceremony at the Invalides in Paris, in November 2018

Emmanuel Macron at a military ceremony at the Invalides in Paris, in November 2018 - Credit: AFP via Getty Images

 Version française:

Macron a beaucoup à perdre ... mais tout un continent à gagner

Le président français n’est pas un homme politique comme les autres : ni de gauche, ni de droite ; audacieux et décidé, il est l'antithèse d'un populiste. Et s'il peut être réélu l'an prochain, il façonnera non seulement l'avenir de la France, mais aussi celui de l'Europe.
La première fois que j'ai rencontré Emmanuel Macron, il était peu connu en dehors de la France, et si son intention de se présenter à la présidence était claire, il était le quatrième, peut-être le cinquième favori pour y réussir. Pourtant, alors qu'il déclarait qu'il allait gagner, ses yeux étaient embrasés d'une confiance en soi qui allait bien au-delà de l'optimisme stéréotypé que tous les candidats feignent. Ce n'était en tout cas pas une interview, mais une conversation privée avec un peu de place au moins pour l'expression du doute. Il n'y en eut pas. Impressionnant, même passionné.
J'ai rencontré une foule de gens puissants, de gens ambitieux, de gens intelligents, de gens confiants. Mais je ne pense pas avoir jamais rencontré qui que ce soit ayant la confiance en soi de Macron, et qui soit à la hauteur de son ambition et de son intelligence. En l'observant depuis, j'ai toujours eu ce sentiment, que lorsqu'il se lançait un défi difficile, il y avait de fortes chances qu'il le relève.
 
Parmi ses défis actuels, faire passer la France au travers de la pandémie avant de se concentrer sur la réforme intérieure, puis chercher à être réélu, certains - mais pas lui - doutant qu'il soit l'un des deux derniers candidats au second tour au printemps prochain, et d'autres - mais pas lui - pensant que s'il affrontait Marine Le Pen, il pourrait perdre.
 
Sa remarquable confiance en soi n'a jamais été plus visible que lors de cette marche solitaire vers les foules enthousiastes, lors de son rallye de la victoire à l'ombre du Louvre en mai 2017. Près de quatre minutes, les bras le long du corps, vêtu de son costume et manteau sombres, chemise blanche, fine cravate sombre, à peine un sourire, jusqu'à ce qu'il atteigne la scène, le message de l'image indéniable - solo, sérieux, un leader, un président par qui les choses sont réalisables.
Le choix de la musique qui accompagnait sa longue marche vers le pouvoir fut instructive, et très Macron. Tout autant ses enthousiastes partisans agitant leurs tricolores, Macron insista sur l’hymne européen, l’Ode à la Joie de Beethoven, un message clair – il avait été élu président de la France, mais il avait la pleine intention d’être celui de l’Europe.
Alors qu'Angela Merkel se prépare à quitter ses fonctions après 16 ans en tant que chancelière allemande, et pour la plupart incontestablement comme la figure la plus puissante d'Europe, Macron voit désormais les possibilités pour son deuxième mandat d'être non seulement un leader en Europe, mais aussi celui d’Europe.
 
Bien mieux exprimé que Boris Johnson, bien que moins vantard à ce sujet, Macron connait bien le poème de Friedrich Schiller duquel l'Ode à la joie de Beethoven s’était largement inspiré et peut-être en particulier ce couplet :
"Heureusement, alors que ses soleils volent
à travers le grand plan du paradis
Allez, frères, à votre façon,
Joyeux, comme un héros à la victoire."
 
Il s’est sans aucun doute hissé vers une victoire hors du commun, en seulement 13 mois, à partir de zéro, créant son parti En Marche, s'extirpant du gouvernement du président François Hollande, devenant lui-même président - à 39 ans le plus jeune de France - puis obtenant une majorité pour En Marche à l'Assemblée nationale. Il est difficile d’exagérer, en termes purement politiques, l’ampleur d’un tel succès.
 
Pour certains, la confiance en soi peut apparaître tel de l'arrogance. Alors le relais des coups bas du pouvoir ont pris le pas de la musicalité de cette campagne époustouflante, l'arrogance fut l'une des nombreuses étiquettes négatives. Pire encore, celle de « pour les riches » lui est restée collée face au mouvement de protestation des gilets jaunes qui a veillé à ce qu'il ait un avant-goût précoce du syndrome de Gorbatchev: Vu dans le monde entier comme une bouffée d'air frais et modernité- alors que dans son propre pays, son brillant commençait à s'estomper.
 
Des auto-comparaisons antérieures avec Jupiter et Jeanne d'Arc, qui résonnaient positivement quand il était au plus haut, étaient maintenant utilisées contre lui. Son passage en tant que banquier chez Rothschild, autrefois considéré comme le signe de sa compréhension de l'économie mondiale, grossissait les attaques à son appartenance de et pour l'élite. Cette fameuse marche nocturne des élections était à présent considérée comme hubristique, y compris par certains de ceux qui avaient été dans la foule de ses sympathisants. Détesté à gauche, détesté à droite, sa cote subit une chute spectaculaire.
 
C'est cette même confiance en soi qui lui souffla l'idée de la solution. Il écrivit une lettre de 2300 mots à la nation pour lancer un débat national de trois mois, puis alla à la rencontre de ses critiques, partout dans le pays, prenant la température, écoutant la colère, ressentant la douleur, parlant pendant des heures, essayant de convaincre, avec un certain succès.
La France est un pays notoirement difficile à gouverner. Tous les présidents depuis le général de Gaulle sont comparés à des héros de guerre, invariablement défavorablement. Tous les présidents sont élus sur une promesse de changement, mais se heurtent à des difficultés politiques immédiates dès qu'ils présentent le changement pour lequel ils ont été élus.
Macron a supprimé l'impôt sur la fortune, comme promis, mais cela a alimenté l’accusation envers « ceux qui possèdent les richesses ». Il a introduit des réformes du travail, comme promis, qui ont provoqué la colère de nombreux syndicats. Il a introduit des réformes de retraites, comme promis, mais elles se sont heurtées à des difficultés, puis à leur mise en suspens, car la pandémie est arrivée et a consommé beaucoup de temps et d'attention.
 
Lorsque son Premier ministre Édouard Philippe a annoncé un délai de six mois pour une impopulaire taxe sur l'essence héritée du mandat de Hollande, Macron est allé plus loin et l'a entièrement supprimée. Au plus fort des manifestations des gilets jaunes, sa cote est tombée en-dessous de la barre des 20. Alors qu'il faisait face à la fournaise de l’opinion, elle s’est stabilisée, puis a repris son ascension - actuellement autour 40 - il sait que le champ de bataille électoral sera beaucoup plus ardu en 2022 qu'en 2017.
 
Il n'y a pas si longtemps, nous avions discuté du cadre de l'élection du second mandat du New Labour en 2001 – «beaucoup de choses faites, beaucoup à faire, beaucoup à perdre », et en partie à cause de la véhémence des attaques dirigées contre lui en tant que « président des riches ' », il est cependant bien placé pour montrer la liste de ses accomplissements moins connus et appuyer un contre-récit sur son premier mandat, plus important encore, pour établir des plans de réforme sociale où il reste tant à faire visant à améliorer la vie et les chances de la majeure partie du pays.
Si l'impôt sur la fortune est celui qui a retenu l'attention, il a aussi réduit les impôts sur la production, l'impôt sur le revenu est plus bas pour des millions d’administrés, la taxe d'habitation a été abolie pour 80% des Français ... et le « quoiqu'il en coûte ' », l'approche de gestion du Covid, a jusqu'à présent protégé de nombreux emplois. Sur le plan social, la réduction de la taille des classes pour certaines tranches d'âge, le doublement du congé de paternité, de nouvelles mesures sur la pension alimentaire… et sur l'agenda vert, s'il a perdu un ministre au rythme des réformes, sa Convention citoyenne sur le climat lui donne l'opportunité de mettre l'écologie au cœur de son agenda de second mandat, mais comme un atout économique plutôt qu'un péril.
 
Cela peut aider, bien que Macron reçoive une pluie de commentaires négatifs dans la presse, que la plupart des médias français, à l'approche des élections, aient tendance cependant à éviter le mode extrême de la plupart des nôtres (médias anglais). Bien sûr, cela aide aussi ses adversaires, mais cela aide le débat dans son ensemble. En général, les Français prennent leur politique assez au sérieux.
 
Le Pen reste la principale menace. Les sondages actuels suggèrent qu'elle est autour de 40% en cas de deuxième tour, bien au-dessus des 33% qu'elle a obtenus en 2017. Sa stratégie semble être de rester assez discrète, de s'organiser sur le terrain, de continuer à masquer le plus en apparence les arguments extrémistes de son agenda politique passé, et devenir une candidate populiste dominante de la droite, visant à absorber le sentiment anti-Macron partout où elle peut le trouver, à gauche comme à droite.
 
Le Brexit étant largement considéré en France comme un désastre pour le Royaume-Uni - notamment par son président -, elle a discrètement laissé tomber le Frexit de son arsenal. La nouvelle que le négociateur du Brexit de l'UE, Michel Barnier, et Macron dans une égale mesure pourraient entrer dans la mêlée l'aurait probablement mise en alerte.
Macron a sans aucun doute perdu le soutien de la gauche avec ce que beaucoup considéraient comme un pas délibéré à droite, par exemple dans la loi limitant la publication de vidéos de policiers en service, ou dans le projet de loi récemment adopté visant à lutter contre le "séparatisme islamiste ''. Attaqué par certains comme islamophobe, jeu de pure politique à jouer à d'éventuels partisans de Le Pen. Mais alors que la roue du cycle électoral tourne, il revient sur le terrain stratégique qui le servait si bien avant, ni à gauche ni à droite, des positions grandes et audacieuses, pragmatiques mais antipopulistes. D'où sa détermination, par exemple, à mettre la France en tête des appels aux pays les plus riches pour aider les pays les plus pauvres à se faire vacciner contre le Covid.
 
Au point que le Royaume-Uni devance la plupart des pays en matière de vaccination, Macron et Merkel étaient considérés comme ayant bien mieux géré la crise que Boris Johnson, dans le cas de Macron peut-être une conséquence d'une éthique de travail que l'un de ses conseillers qualifie de "maniaque".
 
La fierté nationale, dans le pays où Louis Pasteur est né et où Marie Curie a été naturalisée, a pris un certain coup, la France étant le seul des cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU à ne pas avoir produit de vaccin. Ce choc a été exacerbé plutôt que soulagé en voyant combien de scientifiques français ont été impliqués dans des rôles de leadership dans des entreprises britanniques et américaines. "C'est extrêmement pénible", m'a dit l'un de ses partisans, "de ressentir ce sentiment que notre avenir avait fui".
 
Macron entrevoit un chemin vers la fierté restaurée en montrant que la France se soucie non seulement des Français, mais du monde. Même si la réputation malmenée de Johnson face au Covid a bénéficié de l'attachement d'un drapeau de l'Union à la course aux vaccins et de la course devant l'UE pour la livraison des premières doses (mais pas des secondes), Macron a refusé de s'engager dans le nationalisme des vaccins. C'est lui, tout autant que Merkel, qui a poussé les dirigeants européens Ursula von der Leyen et Charles Michel à concevoir une stratégie européenne, même au prix de turbulences politiques internes au milieu des premières erreurs à Bruxelles. Le point de vue de Macron: à moins que le monde ne soit vacciné, le virus continue de gagner.
 
«Le nationalisme», dit-il, «est l'exact opposé du patriotisme, une trahison de celui-ci, comme si nous ne nous soucions pas des autres». De plus, il craint que si l'Occident ne parvient pas à prendre la tête d'un effort mondial, la Chine et la Russie interviendront, au coût stratégique de l'Occident.
 
De même, il n'y a pas de compromis sur sa vision selon laquelle la France, et en fait le monde, a besoin de plus d'Europe, pas moins. Il est déterminé à s'appuyer sur les progrès réalisés avec Merkel sur ses plans ambitieux pour que les nations européennes fassent plus ensemble en matière de défense, de technologie et d'énergie, intègrent les marchés des capitaux, rationalisent la prise de décision de l'UE, harmonisent davantage de règles. Tant d’affaires inachevées sur ces terrains.
Quiconque succédera à Merkel à la chancelière, dans la relation franco-allemande, Macron reprendra la position qu'elle avait à son arrivée à l'Elysée - celle de l'expérience, celle des objectifs clairs depuis longtemps compris. De plus, le potentiel d'un frein britannique sur certaines de ses idées aura disparu du moteur européen.
 
Macron ne voit rien de bon pour le Royaume-Uni dans le Brexit qui, loin d'être « fait », oblige désormais le Royaume-Uni à faire des choix qui ont été évités lors de ce qu'il considérait comme une campagne populiste gagnée sur des mensonges, et une négociation menée avec une partie - l'UE - qui négocie en fait, et l'autre refusant de se débarrasser de son fantasme «prenez du gâteau et mangez-le».
 
Un accord, reconnaît-il, valait bien mieux que pas d'accord. Mais l'accord conclu était bien meilleur pour l'UE que pour le Royaume-Uni qui, s'ils décident de faire tout leur possible pour le modèle américain, ou le modèle de Singapour, paieront le prix qu'ils cherchaient à éviter, en termes de perte d'accès au marché unique.
 
Est-il appréciable de payer le prix d'être l'épouvantail aux yeux des Britanniques – de découvrir le régime presque quotidien d'histoires anti-Macron souvent hilarantes sur le site Web du Daily Express pour son rôle sur ce front – et des possibilités stratégiques qu'il voit pour la France dans le Déclin du Royaume-Uni, qu’il pense que nous avons choisi pour nous-mêmes.
Notre sortie supprime l'un des plus grands obstacles à sa conduite vers un agenda plus politique pour l'Europe, bien qu'il soit confronté à une opposition considérable de la part des populistes et des nationalistes menant certains pays de l'UE à l'est, (l'une des nombreuses raisons, tel que s’exprimait le conseiller du Premier ministre Albanais, Edi Rama, « j'ai été déçu lorsque Macron a bloqué notre entrée, ainsi celle de la Macédoine du Nord, vers l'adhésion à l'UE.)
 
C’est peut-être son plus grand défi en tant que leader de l’Europe, rapprocher l’Europe de l’Est de l’Europe de l’Ouest afin que l’UE puisse véritablement rivaliser avec l’Amérique et la Chine dans les enjeux de puissance mondiale, mais voilà le niveau de l’ampleur du défi qu’il a en tête.
 
Il était intéressant de voir comment, lors de la récente conférence de Munich sur la sécurité, le discours de Boris Johnson figurait à peine dans les médias internationaux, et une grande partie de la couverture dans l'UE et aux États-Unis, malgré le bonheur évident à Paris et à Berlin que Trump était parti et que Joe Biden était président, centré sur Macron et Merkel repoussant les éléments clés de la stratégie américaine.
 
Le discours de Biden s'est concentré sur le retour de l'Amérique en tant que force du bien dans le monde. Macron s'est concentré sur « l’autonomie stratégique», la nécessité pour l'Europe d'être moins dépendante des États-Unis.
Pourtant, le Brexit rendant le Royaume-Uni moins puissant, son rôle de pont entre les États-Unis et l'Europe a diminué, l'Allemagne pour des raisons économiques continuant d'être plus sympathique à la Chine que les États-Unis ne le souhaiteraient, et les Américains sont quelque peu alarmés par la détermination de Merkel à voir à travers le Le projet de gazoduc Nord Stream 2 du Kremlin, Macron voit également des opportunités pour une influence française accrue dans le débat sur la défense et la sécurité européennes, et son opinion selon laquelle l'Europe doit renforcer ses capacités de défense.
En France, comme au Royaume-Uni, ces grandes questions de politique étrangère stratégique ont tendance à jouer un rôle moins important dans les élections qu’auparavant qu’elles ne le devraient. Mais le leadership joue un grand rôle, d'autant plus que les Français élisent un chef d'État, pas seulement un chef de gouvernement.
 
Son propre leadership a parfois subi des coups durs, mais cela signifie que la résilience a maintenant été ajoutée à l'arsenal personnel, politique et psychologique dont dépend Macron. Il sait que pour gagner à nouveau avec l'autorité qu'il recherche, il doit redécouvrir ce sentiment d'espoir et d'énergie, et de nouvelles idées, qui l'ont propulsé au pouvoir il y a près de quatre ans.
 
La confiance en soi et l'éthique de travail perfectionniste et fulgurante ont été la formule gagnante en 2017. Pour 2022, il ajoute de l'expérience et de la résilience au mélange et, quels que soient les doutes que ses plus proches supporters puissent avoir de temps en temps, il ne semble pas les partager.
                                      *******
 
sondage Harris 19 mars 2021  Mesures Castex
 
sondage Harris  19 mars 2021.jpg


12/03/2021
11 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 355 autres membres

blog search directory
Recommander ce blog | Contact | Signaler un contenu | Confidentialité | RSS | Créez votre blog | Espace de gestion