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Il existe d’autres menaces que le terrorisme islamiste

Pour Laurent Nuñez, le coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme, les motifs d’inquiétude sont nombreux : radicalisation islamiste, mais aussi montée de l’ultra-gauche et de l’ultra-droite

Jefferson Desport Sud-Ouest Dimanche 14 février 2021

« Désormais, les 14 services en charge dela lutte antiterroriste se réunissent tous les jours Certains groupes d’ultra-droite sont en
train de basculer vers des organisations clandestines
BIO
Énarque, Laurent Nuñez a été sous-préfet de Bayonne (2010- 2012). Ancien directeur de la DGSI,la Direction générale de la sécurité
intérieure, il a été secrétaire d’État auprès du ministre de l'intérieur

 

 

 

Les derniers attentats, en particulier
celui contre Samuel Paty, laissent
apparaître une radicalisation
soudaine. C’est une tendance de
fond ?
Les sept dernières attaques sur le
territoire national ont été le fait
d’individus qui se sont radicalisés
très vite et qui n’étaient pas
connus des services spécialisés.
Ce sont les cas les plus difficiles à
prévenir. En outre, ces terroristes
n’ont eu que peu de contacts

avec l’extérieur. L’assassin de Samuel
Paty a eu des échanges avec
la Syrie. Selon les informations
portées à ma connaissance, ces
contacts étaient non opérationnels.
Il n’a pas été téléguidé.
Comment détecter de si faibles
signaux ?
La détection est de plus en plus
difficile, mais il faut regarder le
travail qui a été fait. 33 attentats
ont été déjoués depuis 20 17.
Nous avons resserré les mailles
du filet. Et avec les opérations au
Sahel contre les terroristes, les
actions projetées, comme les attentats
de 2015, semblent moins
probables. Devant ces radicalisations
soudaines, nous devons
mettre l’accent sur le signalement
pour les détecter le plus en
amont possible.
La future loi contre les séparatismes,
qui vise l’islam radical , peut-elle
aider ?
Ça vient renforcer un contexte
général. Depuis 2012 et singulièrement
depuis 2015, les pouvoirs
publics ont cherché à appréhender
la radicalisation violente.
C’est à dire la radicalisation
de l’islam sunnite pouvant
conduire à des attentats. Plusieurs
mesures ont été prises
comme la loi SILT de 2017 qui permet
des visites domiciliaires et
de fermer des lieux de culte pour
terrorisme.
Désormais, les 14 services en
charge de la lutte antiterroriste
se réunissent tous les jours.
Mais, depuis 2017, le chef de l’Etat
a aussi ciblé la radicalisation
tout court.
Celle orchestrée par l’islam politique ?
Nous sommes face à un islam radical
qui veut imposer la religion
aux lois de la République. On le
voit quand certaines communes
aménagent des horaires
différents pour les piscines ;
quand l’enseignement scolaire
est contesté ; quand, dans des
quartiers, des femmes sont
poussées à se voiler… C’est ça le
séparatisme. Et l’attentat contre
Samuel Paty a cette particularité
: c’est l’islam politique qui l’a
désigné comme une cible à travers
les attaques lancées contre
lui sur internet.
La minute de silence en hommage à
Samuel Paty a connu des
contestations. Un autre signe d’une
radicalisation assumée ?
L’Education nationale a reçu
près de 800 signalements d’élèves
ayant contesté d’une façon
ou d’une autre cet hommage.
Parfois, c’est de la « bravade »,
néanmoins, nous y sommes attentifs.
Ce n’est pas anodin puisqu’il
y a eu 286 signalements aux
forces de l’ordre et 136 auprès des
parquets
Combien de détenus condamnés
pour terrorisme seront relâchés en
2021 ?
Ils seront 58. Ils sont relâchés
parce qu’ils ont purgé leur peine.
Je resterai discret sur leur profil.
Nous pouvons a voir des individus
qui ont fait du financement,
qui sont allés en Syrie très peu de
temps ou qui ont été condamnés
pour complicité. À leur sortie,
ils auront des obligations.
Mais ils restent bien sûr des objectifs
prioritaires des services de
renseignement.
Combien de personnes suivez-vous ?
Un peu plus de 8 000 personnes
actives sont suivies pour radicalisation.
Elles sont susceptibles
de basculer dans une radicalisation
violente.
Peut-on vraiment surveiller autant de
personnes ?
Oui. C’est le travail des services
de renseignement. La loi leur
offre de nombreuses techniques
: écoutes, captations de
données informatiques, surveillance
physique. Chaque individu
fait l’objet d’un suivi adapté
qui peut combiner une ou plusieurs
techniques sur une période
plus ou moins prolongée.
Je n’en dirai pas plus.
L’ultra-gauche s’est aussi réveillée. En
décembre, 9 personnes ont été
interpellées notamment en
Dordogne. Des explosifs ont été
retrouvés. Redoutez-vous un passage
à l’action directe ?
C’est la première fois, depuis
treize ans, que la qualification de
terrorisme est retenue pour un
groupuscule d’ultragauche.
En2017 et en 2020, nous avons eu
deux appels à l’action directe. En
2017, dans l’Isère, le feu a été mis à
une gendarmerie. Et en mars
2020, on a constaté beaucoup de
dégradations contre des pylônes
de téléphonie, contre des enseignes
censées incarner le grand capital…

Oui, il y a une hausse des actions

de l’ultragauche.
Un membre de ce groupe a combattu
en Syrie au côté des Kurdes contre
Daesh.L’ultra-gauche cherche-t-elle à

s’aguerrir ?
Ce groupe vivait de manière
clandestine. Il s’était armé, il
avait des explosifs et il réfléchissait
à des cibles. Cette affaire
confirme la montée en gamme
de l’ultragauche.
En 2017, un groupe de l’ultra-droite
avait fait de Jean-Luc Mélenchon et
de Christophe Castaner des cibles. Là
aussi, la menace est active ?
Ces groupes sont le plus souvent
antisémites, racistes, homophobes,
islamophobes et complotistes.
Mais surtout, certains
groupes d’ultradroite sont en
train de basculer vers des organisations
clandestines, dans le but
de passer à des actions violentes.
Ils cherchent à recruter des profils
un peu différents : des quinquagénaires,
d’anciens militaires,
d’anciens gendarmes,
d’anciens policiers, des profils
donc plus expérimentés, plus
aguerris. Depuis 2017, on a démantelé
cinq groupes pour lesquels
la qualification de terrorisme
a été retenue. Ils étaient armés
et organisés. Le terrorisme
islamiste ne nous a jamais détournés
de ces groupuscules de
l’ultradroite et de l’ultragauche.
Fin décembre, dans le Puy-de-Dôme,
un survivaliste a tué trois gendarmes .
C’est un acte isolé ?
C’est un acte isolé. Tel qu’il a été
décrit par son entourage et le
procureur, c’était un complotiste
qui avait adopté un mode
de vie survivaliste qu’on retrouve
dans l’ultradroite.
Si, à ce stade de l’enquête, il n’avait pas
de lien connu avec elle, c’est précisément
le profil que recherchent
ces groupuscules. Ce
qui nous inquiète aujourd’hui,
c’est ce type d’individu qui ne
veut plus attendre, et décide de passer

à l'action.

 



14/02/2021
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