De quoi l'Europe est-elle le nom?

éditorial Bruno Dive (Sud-Ouest)

Trump a été battu, mais ses émules européens font encore
des dégâts, au coeur même de l’Union. La Pologne
et la Hongrie ont mis cette semaine leur véto au cadre
budgétaire 2021-2027, ainsi qu’au fonds de relance européen
de 750 milliards d’euros, sur lesquels les 27 États, puis la présidence
allemande et le Parlement s’étaient non sans mal
accordés. Ces deux pays, qui ont une fâcheuse tendance à
mettre au pas la justice, la presse et tout ce qui ressemble à
un contre-pouvoir, n’ont pas apprécié que l’Europe conditionne
son aide économique au respect de l’État de droit.
C’était pourtant une exigence des pays « frugaux » (Pays-Bas,
Suède, Autriche…), qui n’ont accepté qu’à cette condition de
desserrer les cordons de la bourse et de renoncer à leur refus
dogmatique d’un endettement commun.
On peut faire confiance à l’Europe pour finir par trouver
l’un de ces compromis alambiqués dont elle a le secret . Le
fait que la Pologne ait autant besoin du plan de relance que
nombre de pays occidentaux
comme la France, l’Espagne ou
l’Italie, devrait y aider. En attendant,
que de temps perdu, tandis
que les économies européennes
s’enfoncent dans la récession !
Ce nouveau blocage a au
moins le mérite de poser clairement
la question : de quoi
l’Union européenne est-elle le
nom ? Pour certains États arrivés
plus récemment, notamment
les anciens « pays de l’Est », l’Europe
ressemble trop souvent à
un tiroir-caisse. Ils ont ainsi refusé de prendre leur part de réfugiés
pendant la crise migratoire de 2015. Pour le reste, ils
comptent sur le parapluie militaire américain et, depuis
que des gouvernements populistes sont arrivés au pouvoir,
ils entendent bien faire ce qu’ils veulent chez eux. Viktor Orban,
le Premier ministre hongrois, résume cet état d’esprit
en expliquant que « l’UE n’a pas été créée pour remplacer
l’Union soviétique ». Ce qui ne l’empêche pas de privilégier
le vaccin russe…
Or, ce n’est pas cela l’Europe. Ce n’est pas simplement une
zone de libre-échange, comme les Anglais auraient d’ailleurs
longtemps voulu qu’elle soit. L’Union européenne est plutôt
un club où l’on partage aussi certaines valeurs fondamentales,
comme le respect de la démocratie. Quand des gens
se comportent mal dans un club, ils sont au mieux éconduits,
au pire exclus; en tout cas, ils perdent le bénéfice de
leur cotisation. Chirac, en son temps, avait traité ces pays
de « mal élevés ». Les choses, depuis, ne se sont pas
arrangées.