Teyssié

Un point nous différencie: Tu sembles, à l'image de ce que nous avons pratiqué depuis 1958  puis Épinay-sur-Seine,  croire que l'idéologie et la pensée stratégique sont de nature à constituer des partis et des politiques salvatrices .Je crois à présent ,sans être certain d'avoir raison, qu'en réalité les états et les collectivités sont gouvernés par des élus qui ont pu constituer autour d'eux une équipe pour gouverner le pays (ou gérer au plan local).Je pense qu'il suffit d'un leader éclairé et de 50 types qui réfléchissent .Ce n'est pas le PS qui a gagné en 1981, c'est Mitterrand. Ce n'est pas l'UMP mais Chirac puis Sarkozy. Ce n'est pas LREM mais Macron !Gagne celui qui est capable d'aller chercher quel milliers de voix dans l'autre camp.

Je ne crois pas que les réflexions des citoyens sur l'agora, fussent ils tirés au sort, qu'il soient socialistes, gilets jaunes, Verts, rouges, désireux d'avenir ou macronistes suffisent à bâtir un parti et proposer une politique bonne pour la Nation.

Pat

En fait, je suis d'accord avec toi. Partiellement. 

C'est Lee Kuan Yew, premier ministre de Singapour pendant 30 ans, la personne qui a décolonisé et sorti son pays du sous développement...

Il expliquait que pour faire la même chose dans n'importe quel pays,  il suffisait d'une équipe de quelques dizaines de personnes compétentes et  déterminées (il parlait de remplir un avion type Caravelle).

Donc, oui, sur ce point je suis d'accord avec toi pour Mitterrand, Chirac, Sarkozy etc...(et c'est bien pourquoi je pense que Macron n'a pas besoin de LREM pour 2022).Et ce point reste vrai aux niveaux locaux d'ailleurs : pour prendre villes, départements... 

Par contre il faut une histoire...une vision du monde à faire partager. 

Le fils de Lee Kuan Yew a pris la succession de son père en reprenant et développant "l'histoire" de son père.

Chacun de nous a des "histoires". Le monde n'est que la projection de notre esprit... de nos conditionnements...

Il y a des "histoires" à petites durées de vie (5 ou 10 ans) :

Par exemple : Trump "Make America Great Again" ou "La Grandeur de la France" de De Gaulle...

Il y a les histoires à moyenne durée de vie (un siècle ou deux) :

Par exemples : le communisme, le socialisme.

Et puis les histoires à longues durées de vie (plusieurs siècles)  par exemple les religions, le Progrès,...

Je pense que le PS aurait dû faire son Bad Gotesberg pour garder son "histoire" active. Là, son histoire est déconnectée... en clair les gens n'y croient plus.

De façon générale, pour moi, nous n'avons pas de problème avec les histoires à courtes durées de vie (tous les présidentiables en ont).

Par contre nous avons un problème avec les "longues" ( retour du religieux, crise du Progrès) et surtout les  "moyennes" (socialisme, communisme, libéralisme... c'est la fin de tous les "ismes").

Macron  s'est fait élire sur un thème "ni gauche ni droite", qui fait référence à un renouvellement d'une histoire "moyenne" (remplacer les ismes)....

Or pour le moment, cette "histoire" cette "meta histoire" ne cristallise pas... le macronisme est un pragmatisme, pas une "histoire"... ça peut encore éclore, devenir une sorte de saint-simonisme du 21ème siècle par exemple qui pourra ensuite être déclinée (comme Chirac se disait gaulliste, il existera des macronistes dans 20 ans alors).

L'écologie est une "histoire" ... mais pas encore opérationnelle car l'écologie doit réinventer la société et pas juste les rapports sociaux comme le communisme ( le marxisme était opérationnel  : une communautarisation d'un outil de production existant.  C'est pourquoi Marx pensait que la Révolution aurait lieu en Allemagne industrialisée... et que le Komintern ne pensait pas que le communisme puisse advenir dans une Chine agricole). 

Et puis surtout l'écologie ne s'articule pas pour le moment avec l'histoire "longue" du Progrès.

Les réunions Tupperware style LREM, ou les plateformes de démocratie participative, etc... sont là pour des questions de proximité (spatiale et temporelle), pour créer du lien social et de l'implication... mais par pour créer des "histoires", du sens.

Dans le meilleur des cas, ils ne font que décliner l'histoire globale au niveau local du style Carole Delga qui fait du socialisme régional.

Encore une fois, c'est sur les "meta-histoires"  à moyen et long terme que je suis inquiet... 

Pour les nôtres  !!! C'est notre vision du monde qui est en panne, ou pour le moins en manque de complétude.

Le Pen a les siennes qui percolent lentement... Mélanchon aussi... Trump, Poutine et Erdogan n'ont pas de problèmes...

Leurs histoires se diffusent et forment le prisme à travers lequel leurs pékins moyens voient le monde.

Pour parler philosophiquement, je pense que :

"Nous ne voyons pas le monde tel qu'il est, mais tel que nous sommes" .

Pour le voir tel qu'il est, nous cherchons la vérité.

Donc de facto, nous nous émancipons des dogmes, idéologies... des histoires...

Et une fois relevé, nous créons du sens. 

Par la parole nous créons une nouvelle histoire qui fait sens, pour les autres.

Je dis que nous manquons d'une histoire qui fait suture avec notre histoire culturelle personnelle (Humanisme, Lumières, Progrès, mais aussi Jean Macé - Ferdinand Buisson - Jules Ferry - Jean Zay, etc, etc...)  pour donner du sens au monde qui est et qui vient.