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Europe: le virus du chacun pour soi

Après celle des migrants, l’UE affronte une nouvelle crise, sanitaire, sans grande solidarité entre Etats membres. Au risque de nourir le ressentiment et le nationalisme, en Italie notamment

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© KAK
 

Emmanuel Macron fera une déclaration télévisée ce jeudi à 20h sur la crise du coronavirus, a annoncé mercredi l’Elysée, sans donner plus de précisions sur le message qui sera délivré par le chef de l’Etat français. Avec 2281 cas confirmés et 48 morts comptabilisés mercredi soir, la France est, après l’Italie, le deuxième foyer en Europe de l’épidémie. Apparu en décembre, le coronavirus est à l’origine de près de 4300 décès dans le monde, dont plus de 3100 en Chine.

L’Union européenne sera-t-elle la prochaine victime du coronavirus ? Comme toutes les crises, celle du Covid-19 est un moment de vérité pour l’UE et rien ne dit qu’elle en sortira indemne. Au lendemain d’un Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement, qui s’est tenu mardi en visioconférence, Manfred Weber s’interroge, au nom du Parti populaire européen (PPE, droite), le premier groupe au Parlement de Strasbourg, qu’il préside : « La Chine envoie du matériel pour soutenir l’Italie. Que fait l’Europe ? Nous avons besoin de solidarité européenne maintenant ! »

L’affaire chinoise est en effet saisissante. Pékin a annoncé mardi être disposée à vendre un millier de respirateurs de soins intensifs prêts à l’emploi et à fournir, en sus, 100 000 masques et 20 000 tenues de protection. Alors que l’épidémie recule en Chine, c’est un geste géopolitique fort. Surtout quand la France et l’Allemagne en ont interdit l’exportation, afin de pouvoir conserver des stocks pour leur propre population.

On imagine bien la polémique et l’exploitation politique qu’aurait pu susciter dans l’Hexagone une décision contraire alors que, notamment, les professionnels de santé libéraux se plaignent que ce matériel n’est pas suffisamment disponible pour eux. Il n’empêche, la mesure a été mal perçue en Italie. Rome « ne doit pas être laissé seule pour gérer cette crise », réclame Maurizio Massari, représentant permanent du pays auprès de l’UE, à Politico. « On se rappellera des pays qui ont été à nos côtés en ce moment », tranche le ministre italien des Affaires étrangères, Luigi Di Maio, du Mouvement 5 étoiles (M5S).

Intimité. S’il est encore trop tôt pour les mesurer, le coronavirus ne sera pas sans conséquences sur l’opinion publique italienne, déjà passablement eurosceptique. La crise des migrants avait eu un effet ravageur. Géographiquement en première ligne (avec la Grèce), les Italiens pointaient le manque de solidarité des autres Européens, alors que la dénonciation de « l’austérité » imposée par Bruxelles et l’Allemagne est un lieu commun de la vie politique locale. C’est sur ces thèmes que le populisme avait fortement progressé.

Même si elle a perdu le pouvoir en septembre après un renversement d’alliance, l’extrême droite de Matteo Salvini reste en tête des sondages. La crise actuelle pourrait renforcer le courant nationaliste, alors que plusieurs pays de l’UE voisins de l’Italie, comme la Slovénie et dans une moindre mesure l’Autriche, ferment leurs frontières, ou que l’Espagne suspend ses vols. « Il faut éviter à tout prix que les Italiens perçoivent l’UE comme contraignante mais pas solidaire, surtout dans une crise sanitaire qui touche à l’intime », prévient le député européen LR Arnaud Danjean.

« Si toute l’Europe est aussi touchée que nous, l’effet politique sera moindre sur l’opinion publique italienne », avance un interlocuteur romain, qui ajoute : « Une chose énerve déjà les Italiens, c’est l’impression que la France, par exemple, ne fait pas assez de dépistages. Cela semble minimiser l’importance de l’épidémie et, du coup, autoriser un narratif selon lequel le problème, c’est l’Italie. En revanche, si les autres pays de l’UE contiennent l’épidémie, le discours populiste en sortira renforcé sur deux thèmes : “l’Europe ne nous a pas aidés” et “le gouvernement est incompétent”». Ambiance...

L’essentiel du pouvoir de décision reste entre les mains des Etats membres et donc du Conseil européen. La nouvelle commission Von der Leyen apparaît assez faible dans ce contexte

Mardi, le Conseil européen a décidé d’un fonds de 25 milliards (dont 7,5 milliards « rapidement ») pour aider les Etats membres à surmonter les conséquences économiques de la crise sanitaire. Il ne s’agit pas de dépenses supplémentaires, mais d’une réallocation de crédits existants. Par ailleurs les règles budgétaires devraient être assouplies, sur fond de graves secousses autour des Bourses et du pétrole. Cette décision va dans le sens de la « flexibilité indispensable » souhaitée par le président Macron, mais il reste à voir jusqu’où l’Allemagne et les autres gardiens du temple budgétaire sont prêts à aller réellement.

Sur le plan de la crise sanitaire, « ce qui me frappe, ce que personne en Europe ne prend les mêmes mesures. Il n’y a pas de protocoles communs ou d’harmonisation. Chaque Etat intervient en ordre dispersé, constate Arnaud Danjean. L’Europe progresse lorsqu’elle s’aligne sur les meilleures pratiques de chaque Etat, comme nous l’avons fait ces dernières années en matière d’antiterrorisme. La Commission a recommandé un alignement sur les meilleures législations. C’est une harmonisation par le haut et on aurait pu penser que, pour une crise sanitaire, cela aurait été anticipé depuis longtemps ». Ce n’est visiblement pas le cas. Les responsables n’ont sans doute pas assez lu La Société du risque (1986) du grand sociologue allemand Ulrich Beck, partisan convaincu du fédéralisme européen.

Mesures non-coopératives. Il existe bien une commissaire européenne à la santé, Stella Kyriakides (Chypre) et un autre à la « réaction aux crises », Janez Lenarcic (Slovénie). Un Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC, en anglais) a été créé en 2005 à Stockholm, en Suède, mais l’on mesure mal son rôle dans la gestion de la crise actuelle. D’autant que l’essentiel du pouvoir de décision reste entre les mains des Etats membres et donc du Conseil européen. La nouvelle commission Von der Leyen apparaît assez faible dans ce contexte.

Pourtant, « la nécessité de construire une Europe de la santé devient une évidence », avance Françoise Grossetête, ancienne députée européenne, dans un texte pour la Fondation Robert-Schuman. « Lorsqu’il s’agit de protéger le citoyen, l’Europe doit être moins dépendante de pays tiers : 80% de nos médicaments, antibiotiques, vaccins sont produits en Chine. » C’est là une ambition de long terme.

Pour l’heure, la question européenne est celle de ses frontières intérieures. La Pologne vient ainsi d’introduire des contrôles sanitaires à ses passages frontaliers. « Fermer les frontières est une mauvaise décision », tranche Emmanuel Macron, qui s’était rendu à Naples pour un sommet franco-italien le 26 février. « Les mesures non-coopératives sont contre-productives », ajoute le président français, alors que Marine Le Pen se réjouit, elle, de l’échec de « la religion du sans-frontiérisme ».

 

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Coronavirus-COVID19 Débat au Sénat ce mercredi soir Merci Claude Malluret

 

Combien de temps l’épidémie va-t-elle durer ? Combien fera-t-elle de victimes ? La réponse technique et précise à ces questions est la suivante : Dieu seul le sait. Ce n’est pas une bonne nouvelle pour nos dirigeants en ces temps où la défiance est devenue une religion nationale, aggravée par les réseaux antisociaux, amplifiée par le complotisme. La science avance  trop lentement pour nourrir les télévisions de l’immédiat qui lui imposent une épreuve redoutable. Il faut informer sur la propagation au jour le jour, expliquer les mesures mises en place alors que la situation change sans cesse, annoncer les aggravations progressives sans déclencher de panique. C’est la lutte de la raison contre l’émotion. Et dans le monde d’aujourd’hui, la seconde part malheureusement favorite. Pour renverser la donne nous pouvons compter sur un système de santé préparé, coordonné et supervisé avec fermeté et souplesse, et sur des professionnels de santé qui sont les rares à bénéficier encore de la confiance de nos concitoyens. Nous pouvons compter aussi à ce jour sur l’attitude responsable des principaux partis politiques, choisissant la solidarité et la confiance dans les équipes soignantes plutôt que de chercher ce que le gouvernement aurait pu faire de travers. Bien sûr l’exception qu’on attendait s’est produite : je parle de ceux qui ont sauté sur l’occasion pour ressortir des cartons leur obsession de la fermeture des frontières. Trente ans après le ridicule de ceux qui avaient annoncé que le nuage de Tchernobyl s’était arrêté sur le Rhin on aurait pu espérer échapper à ce genre de suggestions. Rappelons-donc aux partisans de la ligne Maginot virologique que les microorganismes circulent sans visa. Au XIVème siècle, à un moment où la lenteur des transports freinait mille fois plus les déplacements que la plus stricte fermeture des frontières possible aujourd’hui, la peste venue d’Asie a tué le tiers de la population européenne. De mars à septembre 1832 cent mille français sont morts du choléra, venu d’Asie lui aussi après avoir franchi toutes les barrières.

Les chiffres d’aujourd’hui, ni de demain, n’ont rien à voir bien entendu avec ceux-là. Des mesures précises, adaptées, conformes à l’avis des spécialistes, doivent être prises, même lorsque certaines sont pénibles. La responsabilité du gouvernement est que la précaution l’emporte sur la psychose, le contrôle maîtrisé sur le blocage du pays et la réponse sanitaire sur les emportements idéologiques.

 

Ma deuxième réflexion : la crise économique mondiale qui se profile risque d’être aussi grave que la crise sanitaire. Depuis la chute des bourses et la baisse en catastrophe du taux directeur de la FED, tout le monde l’a compris et je n’insiste pas. Mais je veux rappeler une vérité inquiétante : pour des produits d’importance vitale, tels que les médicaments, nous sommes devenus dépendants d’un seul pays, la Chine. Quand ses usines ferment parce que la population est consignée, la production s’arrête. L’an dernier notre groupe, à l’initiative de Jean-Pierre Decool, a lancé un cri d’alarme en créant la mission d’information sur la pénurie de médicaments. Elle a établi qu’il était suicidaire de ne dépendre que d’un seul fournisseur. Même si Ricardo doit se retourner dans sa tombe, l’époque où l’on achetait tout là où les coûts sont les moins chers, est révolue en ce qui concerne les productions stratégiques. C’est peut-être l’aspect positif de cette crise que de révéler clairement qu’il est temps d’agir. Les changements seront difficiles, il faut les préparer.

 

Ma troisième réflexion est qu’à l’heure où certains sont séduits par les régimes autoritaires, le jeune médecin de Wuhan devenu un héros, nous a rappelé avant sa mort qu’après le virus, le principal responsable de la pandémie est la dictature chinoise. Le mois et demi perdu par la peur du régime d’apparaître pris au dépourvu et par la terreur des autorités locales d’être châtiées pour un évènement auquel elles ne pouvaient rien a fait perdre la première bataille, celle qui aurait pu tout stopper. C’est une tragique ironie de voir ce pays où chaque habitant est épié en permanence par des caméras, passer pendant cinq semaines à côté d’une épidémie évidente. Les dirigeants chinois en ont-ils tiré la leçon pour aller vers plus de démocratie ? Evidemment non. C’est le contraire : encore plus de censure et plus de répression. Je ne serais pas surpris d’apprendre que la prochaine mesure, et je ne suis même pas sûr de plaisanter, soit d’adjoindre aux caméras optiques de chaque rue des caméras thermiques pour punir les criminels qui oseront désormais sortir de chez eux sans avoir pris leur température.

 

Je terminerai en disant que si je parle au nom de mon groupe ce soir, c’est parce que je suis médecin épidémiologiste. J’ai commencé ma carrière en Inde dans la campagne d’éradication mondiale de la variole, cent fois plus mortelle que le coronavirus. Aujourd’hui, les moins de vingt-cinq ans n’ont plus sur le bras la cicatrice gaufrée qu’ont tous ceux de nos générations, parce qu’on ne vaccine plus contre la variole, le virus a disparu de la surface de la terre.

C’est un nouveau combat que le monde mène aujourd’hui. Le Sénat est à vos côtés, Monsieur le Ministre, aux côtés de tous nos professionnels de santé et aux côtés de tous nos concitoyens dans l’épreuve que nous traversons et que, bien entendu, nous surmonterons.

 

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Rodolphe Urbs

Dessin du jour Sud Ouest

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



05/03/2020
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