1135- Ma revue de presse d'octobre 29 posts

Plantu le monde

Plantu

Depuis la parution mi-septembre du nouvel essai du géographe, le monde de la recherche est déchaîné: les critiques fusent contre l'ouvrage, accusé de donner une représentation faussée et politique du territoire et, surtout, de ceux qui le peuplent... Qu'en est-il, point par point?

Avec La France périphérique, publié à la mi-septembre, Christophe Guilluy reprend la croisade qu'il a entamée il y a plus de dix ans avec la publication de l'Atlas des nouvelles fractures sociales avec Christophe Noyé, et poursuivie en solo en 2010 avec un court essai, Fractures françaises, qui avait largement inspiré les termes du débat de la campagne présidentielle de 2012, comme la fameuse «fracture sociale» avait été au centre de celle de 1995.

Depuis une vingtaine d'années, ce consultant spécialiste de l'analyse territoriale, géographe de formation, sillonne le pays de mission en conférence, en marge du milieu universitaire. Il est devenu en quelques années l'un des experts les plus écoutés des élus et de leurs collaborateurs dans les territoires, mais aussi l'un des auteurs les plus controversés dans les disciplines de la géographie et de la sociologie urbaines, ce qu'on appelle parfois les urban studies.

Thèses connues, thèses nouvelles Dans La France périphérique, il défend plusieurs thèses, certaines déjà énoncées et développées dans son prédécent livre, d'autres nouvelles.

1.La spécialisation des territoires et la relégation de la «France périphérique»

La création de richesse se concentre de plus en plus dans le réseau des métropoles les plus dynamiques. Cette spécialisation du territoire a chassé les classes populaires, ouvriers et employés, catégories encore majoritaires dans la population active, hors de celles-ci.

 

Pour l'auteur, ce vaste ensemble sociologique relégué regroupe un peu plus de 34.000 communes (sur 36.000), soit 60% de la population française, proportion dont les trois quarts appartiennent eux-mêmes aux catégories populaires. C'est cette «France périphérique» qui donne son titre à l'ouvrage.

2.Le séparatisme entre classes populaires en fonction de leur origine

Il subsiste pourtant des couches populaires dans les métropoles, ou plutôt à leur marge: les populations d'immigration récente vivant dans les quartiers de banlieues où sont concentrés les logements sociaux �un habitant des zones urbaines sensibles (ZUS) sur 2 est étranger en France, 64% en Ile-de-France. Ce qui fait écrire à Guilluy que dans les métropoles, «partout le clivage social recoupe un clivage ethnique». La coexistence sur les mêmes territoires de cette population pauvre avec une classe urbaine de cadres aisés allant de pair avec un évitement, qui passe en particulier par le contournement de la carte scolaire, selon le géographe.

La France périphérique a donc quitté les centres les plus attractifs en matière d'emploi, d'abord pour suivre le mouvement de délocalisation de l'industrie à l'écart des villes,  à cause du prix du logement, mais également pour contourner les quartiers populaires rattachés aux grandes métropoles parce qu'elles ont diagnostiqué «l'échec de la cohabitation avec les populations immigrées.» Les territoires de la France périphérique sont ceux où «la contestation de l'Etat-providence est la plus forte et où le sentiment d'abandon "par rapport aux banlieues" le plus aigu».

Avec un parc de logement privé qui attire les «gentrifieurs» des nouvelles classes supérieures intellectuelles urbaines et un logement social où la présence immigrée est importante, les couches populaires d'origine française et d'immigration ancienne, qui n'ont pas les moyens de se payer le premier et ne souhaitent pas la cohabitation dans le second, préfèrent donc s'éloigner au risque de se couper des zones d'emploi dynamiques, et de payer cet éloignement notamment en frais et temps de transport individuel.

3.Les radicalités sociales vont venir de la périphérie

Guilluy décrit l'éloignement physique de la France périphérique, qui a correspondu à une relégation symbolique: ce peuple ne fait plus, selon lui, partie du projet de société des élites. A leur tour, les Français oubliés ont pris leur partie de cette nouvelle donne et ont commencé à s'affranchir du projet politique des classes dirigeantes:

«Un lent processus d'affranchissement des couches populaires est en route [�] Ces "affranchis" sont en train de remettre en cause l'essentiel de la doxa des classes dirigeantes, qui n'ont toujours pas pris la mesure du gouffre idéologique et culturel qui les sépare désormais des classes les plus modestes.»

L'un des symptomes importants de cet affranchissement est la remise en cause des politiques sociales de soutien aux plus démunis, qui devient majoritaire selon une note récente du Credoc. Guilluy en donne l'explication suivante:

«[�] Il faut comprendre cette évolution à la lumière d'une société multiculturelle naissante. [�] L'immense majorité des Français est convaincue de la nécessité de construire du logement social mais comme ce type de logement tend à se spécialiser dans l'accueil des populations immigrées, on fera tout pour limiter son développement.»

4.L'émergence d'une «contre-société»

Cette «France des plans sociaux, de l'abstention et/ou du vote FN» est aussi celle de «nouvelles initiatives politiques», plus constructives, autour par exemple de la relocalisation des activités. Un retour au «village», en fait une réappropriation d'un espace pas nécessairement villageois mais à l'abri du sentiment «d'instabilité démographique et des tensions territoriales liées à l'angoisse de l'autochtone de devenir minoritaire». C'est un «temps des petites ambitions» et du «vivre ensemble séparé», qui n'annonce pas pour autant la violence mais plutôt un pacifisme à distance jugée raisonnable de l'autre.

Conclusion: une «contre-société émerge dans la France périphérique et plus généralement dans tous les milieux populaires quelle que soient leurs origines». Un «réenracinement social et culturel» commun à cette «périphérie» lointaine comme à la banlieue, qui met à mal le projet libéral parce que ce mouvement est à l'opposé de tout ce qu'il valorise, en particulier la promotion de la mobilité et de la diversité. 

Sans être l'apanage du petit blanc, cette «relocalisation», «l'attachement à un capital d'autochtonie, à des valeurs traditionnelles» seraient en fait des traits communs à tous les membres des classes populaires: l'angoisse face à la mondialisation économique, les réserves vis-à-vis du projet de société porté par la gauche, la demande d'autorité sont des traits communs aux ouvriers toutes origines confondues. En cela, les récentes poussées droitières observées en banlieue lors des dernières municipales viendraient rappeler au PS les limites d'une stratégie à la Terra Nova, reposant en partie sur l'électorat des minorités.

par Slate.fr  http://www.slate.fr/story/92641/christophe-guilluy-france-peripherique

Photo de Les Médias vous mentent.

 

 

 

 

 

 

 



05/10/2014
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