Voiture à vie avec chauffeur, fin d’un privilège

C’est l’une des premières décisions qu’a prises, à peine nommé
àMatignon, Sébastien Lecornu. Le 17 septembre, le premier
ministre publiait un décret supprimant plusieurs avantages
« à vie » dont bénéficient ses prédécesseurs. Principalement
le fait de disposer d’une voiture avec chauffeur. La protection policière,
jusqu’ici octroyée sans limitation de durée, sera quant à elle circonscrite
à trois ans. Le décret entrera en vigueur le 1er janvier 2026.
La portée budgétaire de cette mesure est anecdotique. Le coût annuel
de ces avantages, dont 17 anciens premiers ministres profitent, est
estimé à 4 millions d’euros. Une somme microscopique au regard des
40 milliards d’économies jugés nécessaires pour commencer de réduire,
l’an prochain, nos déficits.

On peut aussi reprocher à ces mesures de flirter avec un procès assez
détestable, l’accusation faite aux représentants politiques de coûter
cher à la collectivité. En réalité, ministres, députés, élus locaux
travaillent souvent sans compter,pour des revenus inférieurs,
voire très inférieurs, à ce que perçoivent d’autres membres
des catégories dirigeantes, comme les patrons de grandes
entreprises.

Ceci étant, le fait d’avoir été Premier ministre quelques mois justifie-t-il
de bénéficier ensuite d’un chauffeur à vie, payé par les contribuables ?
Évidemment non.

En instaurant d’emblée cette mesure, Sébastien Lecornu mise sur
l’exemplarité, qui n’est pas qu’une exigence éthique, mais aussi un
moyen pour agir, comme l’a montré une équipe de doctorants en
science politique conduite par Théodore Tallent, dans des travaux
éclairants. En 2023, ces chercheurs ont demandé à 2 600 personnes
leur avis sur des mesures clivantes, la limitation de la vitesse à 110 kilomètres-
heure sur l’autoroute et l’interdiction des vols intérieurs. Dans
les deux cas, le soutien à ces dispositions bondit quand il est précisé
qu’elles s’appliqueront aussi aux ministres ou aux propriétaires de jets.
Elles paraissent soudain plus acceptables : plus qu’un symbole, l’exemplarité
est un levier pour essayer de créer du consensus.

À ce titre, Sébastien Lecornu envoie un signal bienvenu. L’enjeu n’est
pas la morale (honnêtement, qui refuserait une voiture avec chauffeur
si cela lui était proposé ?), mais l’efficacité politique. Face au gouffre
budgétaire, la solution ne pourra être que collective, l’équité dans le
partage de l’effort sera décisive. Chacun d’entre nous devra prendre sa
part. Pas seulement, d’ailleurs, les anciens premiers ministres…

                                             Julien Rousset éditorial SUD OUEST