L’enjeu politiqueJean-Claude Souléry

    • Jean-Claude Souléry DDM
    Publié le 
    Jean-Claude Souléry La DDM

    Les retraites : un enjeu éminemment politique. Inutile de plaider une quelconque logique mathématique sur le « trou » des caisses de retraite, sur le casse-tête de l’inquiétante diminution des actifs par rapport au nombre des retraités, inutile d’affirmer qu’un jour prochain nous devrions nous résoudre à ce que les salariés et les employeurs cotisent davantage, à ce que la pension des retraités soit diminuée, inutile encore d’encourager les plus jeunes à préparer leur avenir grâce à des fonds de pensions. La retraite est un mot tabou absolu sur lequel s’expriment encore et toujours les divisions politiques entre la droite et la gauche.
    Et, précisément, la gauche ne veut rien céder à la remise en cause, même partielle, d’un système de solidarité entre génération qu’elle a porté en 1945 sur les fonts baptismaux de la République. C’est ainsi qu’elle veille comme à la prunelle de ses yeux à l’âge légal de départ à la retraite qu’elle avait même abaissé à 60 ans.
    Voilà pourquoi le Premier ministre François Bayrou sera d’abord jugé sur sa capacité à modifier de façon « remarquable » la réforme telle qu’elle a été imposée aux Français il y a bientôt deux ans. Qu’il refuse son abrogation ou sa suspension, comme il l’a exprimé lors de son discours de politique générale, et voilà toute la gauche vent debout. Qu’il envisage comme prévu un « conclave social » avec les organisations syndicales et patronales pour renégocier le contenu de la réforme, voilà qui pourrait convaincre la gauche réformiste, mais à condition que ce conclave aboutisse à une refonte « visible » de la loi – ce que refusent en revanche le camp macroniste et surtout la droite républicaine.
    La manœuvre vise d’abord à désagréger le Nouveau front populaire – c’est-à-dire à dissocier la gauche sociale-démocrate de la gauche insoumise. Le premier, Jean-Luc Mélenchon a fulminé contre l’approche des socialistes qui se refuseraient à la politique du pire en accordant à François Bayrou le temps du dialogue social. Encore faut-il qu’un réel dialogue soit instauré et qu’on écoute les partis et syndicats qui s’opposent au totem des 64 ans. Faute d’écoute, faute de « geste » concret, le gouvernement renverrait toute la gauche, réformiste ou radicale, dans une opposition frontale. D’autant plus que la gauche a besoin de son unité pour affronter d’éventuelles élections législatives – ce que conviennent toutes ses composantes.
    L’occasion était pourtant évidente de faire renaître une « gauche de gouvernement » capable de négocier et d’obtenir des avancées sociales – y compris sur les retraites. En essayant de remettre à plus tard le sort de la réforme, François Bayrou donne l’impression d’embrouiller tout son monde, il prend surtout le risque de réexpédier les socialistes les plus raisonnables du côté des faiseurs de chaos. C’est aussi l’enjeu du nouveau débat sur les retraites qui s’ouvre ce vendredi.

     

     

    Image