3339-Retraites des fonctionnaires financées par la dette 3 posts

Retraites des fonctionnaires financées par la dette : le Sénat brise le tabou

  • par Géraldine Woessner, pour Le Point - novembre 2024
Un tiers du déficit, et la moitié de la dette : c’est ce que représente le déficit chronique des retraites des fonctionnaires, calcule le Sénat, qui (a procédé) à l’examen du Projet de loi de financement de la sécurité sociale. Explosif.
 
C’est une bombe à retardement que seulement une poignée d'initiés connaissent, et qu'ils ont tenue soigneusement enterrée pendant des années. Alors que le déficit devrait dépasser cette année 166 milliards d'euros, plombant davantage encore une dette pharaonique de 3.300 milliards d'euros, le gouvernement cherche désespérément des sources d'économies… Quand la plus évidente s'étale sous ses yeux, sans que personne n'en parle. «C'est incompréhensible, scandaleux», fulmine le sénateur (UDI) Vincent Delahaye, déterminé, cette fois, à mettre les pieds dans le plat.
 
«Il faut dire la vérité aux Français»
 
Rapporteur pour avis du budget de la sécurité sociale au Sénat, il a voulu comprendre pourquoi le déficit s'est inexorablement creusé ces vingt dernières années, en dépit de tous les efforts, et alors que le système de retraite a longtemps été présenté au public comme «globalement équilibré». En réalité, c'est un gouffre qui engloutit chaque année plus de 50 milliards d'euros de déficit ! «Si l'État cotisait comme tout employeur au taux maximum de 28 %, il ne pourrait pas payer les retraites de ses fonctionnaires», explique le sénateur. «Pour le faire, il surcotise à 98 %, en dissimulant la dépense dans sa masse salariale !» Pour la première fois, le Sénat a donc entrepris de calculer ce que coûte réellement à l'État, et donc à la collectivité, les «surcotisations» versées par l'État employeur, pudiquement appelées «contributions d'équilibre», pour compenser le déséquilibre chronique entre actifs et retraités dans la fonction publique.
 
Les chiffres, une fois retraités, donnent le vertige. Depuis 2002, des centaines de milliards d'euros de déficits ont été masquées. Pour la seule année 2023, alors que le Conseil d'orientation des retraites (COR), instance paritaire censée «éclairer» le débat public, affichait fièrement un excédent de 3,8 milliards d'euros, le déficit réel des retraites du secteur public atteignait 56,5 milliards. Un gouffre qui représente un tiers du déficit public total.
 
Dissimulation
 
Comment un tel dérapage a-t-il pu rester masqué durant si longtemps ? Créé en 2000, le Conseil d'orientation des retraites, institution «d'expertise et de concertation» composée de 42 membres (dont de nombreux syndicalistes), s'est attaché à obscurcir le débat, se noyant dans des hypothèses complexes de productivité ou de taux de chômage, et dans des «conventions comptables» contestables, consistant à considérer toutes les sommes versées par l'État pour équilibrer le régime de retraite des fonctionnaires, des régimes spéciaux, des collectivités locales, etc., comme si elles étaient des cotisations ou des impôts affectés. En clair : le fait incontestable que les retraites des fonctionnaires sont financées par la dette a été masqué.
 
Une opacité aux conséquences politiques majeures : les Français n'ont pas compris, en 2023, l'urgence d'une réforme adoptée dans la douleur, et qui n'a en réalité «réglé que 10 % du problème», selon Vincent Delahaye.
Dans le détail, documente le Sénat, cette surcotisation, ajoutée à diverses subventions que verse l'État (bonifications pour enfants, pensions de réversion…), entraîne un coût total de 72,5 milliards par an, dont 56,5 milliards pour les retraites publiques (4 millions de pensionnés) et 16 milliards pour les retraites privées (13 millions de pensionnés). «En 2023, un retraité du secteur public aura donc coûté en moyenne 14.125 euros aux finances publiques, contre 1.230 euros pour un retraité du privé. Un rapport de 1 à 12 ! C'est profondément injuste, car nous payons tous les mêmes impôts !» s'indigne Vincent Delahaye.
 
Son rapport pour avis sera la première confirmation officielle validant les alertes lancées depuis des mois par une poignée d'acteurs, comme l'Institut Molinari (un think tank libéral), l'ancien directeur des impôts Jean-Pascal Beaufret, ou François Bayrou. Au sein même du COR, les syndicats résistent farouchement contre toute remise en cause de leur méthodologie. «Sans modifier la loi, il serait possible d'assurer au moins la transparence sur le coût des régimes de retraite», estime le sénateur. «Il suffirait de scinder la contribution d'équilibre de l'État entre cotisations au taux légal [28 %] et surcotisations [écart entre 28 % et 98 %, taux réel supporté par l'État].»
 
Car cette dissimulation compromet aujourd'hui tout redressement sérieux des finances publiques, gronde le sénateur. Présentée comme l'ultime réforme, la suppression de cinq régimes spéciaux seulement (RATP, Banque de France, Industries électriques et gazières… mais il en reste 16, auxquels personne n'a touché) n'a en rien résolu le problème. «La France peut-elle continuer à avoir le système de retraites le plus généreux du monde – départ le plus précoce, minimum vieillesse le plus élevé, niveau de vie des retraités supérieur aux actifs – en étant seulement le 25e pays mondial pour la richesse par habitant ? Nous y sommes parvenus jusqu'à présent au prix d'un endettement colossal… Veut-on, et peut-on continuer comme cela ?» Le débat, à tout le moins, mérite d'être posé.�
  • Illustration : «En 2023, un retraité du secteur public aura donc coûté en moyenne 14.125 euros aux finances publiques, contre 1.230 euros pour un retraité du privé. Un rapport de 1 à 12 !», s’indigne le sénateur (UDI) Vincent Delahaye. © HOUPLINE-RENARD / SIPA
Peut être une image de texte
 


30/11/2024
3 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 374 autres membres

blog search directory
Recommander ce blog | Contact | Signaler un contenu | Confidentialité | RSS | Créez votre blog | Espace de gestion