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Reconversion en politique : gare aux symboles !

 Par Nathalie Schuck
 Le POINT
 
Reconversion en politique : gare aux symboles !
 
Reconversion en politique : gare aux symboles !© Blondet Eliot / Blondet Eliot/ABACA
 
 

 

La politique, un petit tour et puis s'en va ? Entre l'ultra transparence à laquelle les élus sont désormais astreints, les violences dont ils sont régulièrement l'objet, des salaires somme toute relatifs au regard des sacrifices consentis, de plus en plus de responsables publics raccrochent les crampons après quelques années seulement au service du bien commun, désaffection pour le moins inquiétante si l'on y songe.

 

Selon les calculs du Monde, un tiers des ministres du premier quinquennat d'Emmanuel Macron ont tout plaqué pour partir dans le privé. L'ancienne porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye est devenue secrétaire générale du géant de l'intérim Adecco, Christophe Castaner est président du conseil d'administration de la société qui pilote les autoroutes et le tunnel du Mont-Blanc et du grand port maritime de Marseille, et Marlène Schiappa a repris des études de commerce à Lyon.


 

Comme eux, nombre de figures des anciens gouvernements ont renoncé à la politique après des années passées à son service, et ne s'en portent pas plus mal. Certains ont rejoint le monde associatif dans le secteur environnemental ou humanitaire, d'autres ont lancé leur entreprise ou leur propre société de conseil. Arnaud Montebourg a monté sa boîte de production de miel et d'amandes, Najat Vallaud-Belkacem préside l'ONG One, Cécile Duflot l'ONG Oxfam France et François Baroin a rejoint la banque Barclays.

Des reconversions parfois empêchées

Il n'est toutefois pas si aisé de se recaser lorsqu'on a été ministre, même brièvement. Pendant les trois années qui suivent la fin de leurs fonctions, les anciens membres des gouvernements ont l'obligation de soumettre leur projet de reconversion à la très scrupuleuse HATVP (Haute autorité pour la transparence de la vie publique), créée en 2013 dans la foulée de l'affaire Cahuzac. Et cette autorité indépendante peut émettre un veto si elle détecte un conflit d'intérêts ou déontologique.

 

Des garde-fous nécessaires pour espérer retrouver le chemin de la confiance, au moment où l'image des élus est si détériorée. Au risque de se retrouver dans des situations un brin absurdes où d'anciens ministres sont empêchés de se recaser dans des secteurs où ils possèdent précisément une compétence, même si les avis d'incompatibilité demeurent rares. L'ancien secrétaire d'État chargé du Numérique, Cédric O, a ainsi vu sa demande d'intégrer le groupe informatique Atos rejetée, malgré ses recours, en raison des subventions publiques perçues par cette société lorsqu'il était à Bercy. Et Roselyne Bachelot n'a pu devenir éditorialiste sur France Musique car elle avait la tutelle sur Radio France lorsqu'elle était ministre de la Culture. Ce qui soulève une abyssale question : qui aura envie demain de s'engager en politique en donnant quelques années de sa vie, si la reconversion professionnelle s'avère compliquée ?

Le cas Véran et le risque de « faire du fric »

L'affaire est différente s'agissant d'Olivier Véran, ministre emblématique de la Santé durant la pandémie de Covid-19, avant de devenir porte-parole du gouvernement. Il est cette fois question d'exemplarité et de symboles. Des vaccins anti-Covid aux piqûres de botox, il n'y a visiblement qu'un pas, que l'ancien ministre a franchi en annonçant qu'il préparait sa reconversion dans la médecine esthétique, après une formation à la très chic clinique des Champs-Élysées à Paris, tout en conservant son siège de député à l'Assemblée nationale. Ce qui vaut à cet ancien neurologue, secteur en pénurie de médecins,une vague de réprobations des syndicats de professionnels de la médecine sur un double discours :

Olivier Véran n'était-il pas chargé, avenue de Ségur (Paris 7e), de lutter notamment contre les déserts médicaux et le manque de praticiens ?

 


Surtout, était-ce le meilleur service à rendre aux responsables politiques au moment où leur image est si abîmée dans l'opinion ? Le danger : accréditer l'idée que la politique n'est plus une mission au service du bien commun, mais une simple ligne sur un CV, un booster de notoriété pour partir ensuite « faire du fric », selon l'expression prêtée à Nicolas Sarkozy. Gare aux symboles donc, surtout quand on prétend lutter contre le Rassemblement national, comme l'ex-ministre ambitionne de le faire en créant un « Guide du routard des villes RN ».

 

Y a-t-il une vie après la politique ?

 

Oui, et elle ne passe pas forcément par des salaires mirobolants et des titres ronflants. Un autre ancien ministre de la Santé, François Braun, urgentiste de formation, est discrètement redevenu médecin régulateur pour le 15 à Metz. L'ancien ministre de l'Éducation nationale Jean-Michel Blanquer va piloter, quant à lui, une école avec le soutien du groupe Veolia pour former aux emplois de demain dans la transition écologique.

 

Ces derniers jours, une autre ancienne ministre, Carole Grandjean, chargée de l'Enseignement et de la Formation professionnels dans l'équipe d'Élisabeth Borne, a annoncé qu'elle allait quitter son mandat de députée à l'automne pour intégrer un grand groupe privé. Et ce, parce qu'elle est fatiguée d'une vie politique « exigeante, parfois injuste, souvent violente ». « L'avenir de la démocratie m'alarme », a-t-elle confié à L'Est républicain. Un message qu'il conviendrait urgemment d'entendre si l'on ne veut pas voir demain de plus en plus d'élus renoncer, parce qu'ils sont écoeurés des attaques ou ont le sentiment de ne plus servir à rien.



25/03/2024
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