4124-Reconnaissance d’un État palestinien: les mairies peuvent-elles mettre des drapeaux palestiniens à leur fronton le 22 septembre ? 2 posts
Reconnaissance d’un État palestinien: les mairies peuvent-elles mettre des drapeaux palestiniens à leur fronton le 22 septembre ?
Bruno Retailleau et Olivier Faure se sont vivement affrontés sur X, alors que la jurisprudence administrative reste ambiguë sur le sujet.
Les mairies françaises pourront-elles hisser le drapeau palestinien le 22 septembre prochain, date de la reconnaissance par la France d’un État palestinien par la France? L’idée a été lancée par Olivier Faure ce dimanche sur X. «Faisons flotter le drapeau palestinien sur nos mairies», a écrit le premier secrétaire du parti socialiste (PS). Mais Bruno Retailleau est immédiatement monté au créneau. Le ministre démissionnaire de l’Intérieur a souligné sur même réseau social que de nombreuses mairies avaient été rappelées à l’ordre dernièrement par la justice administrative, au motif que ces drapeaux «portaient gravement atteinte au principe de neutralité des services publics».
De fait, rien qu’en juin dernier, les maires de Mitry-Mory, de Besançon ou de Gennevilliers ont été enjointes par les tribunaux administratifs de retirer les drapeaux palestiniens qu’elles avaient accrochés à leur fronton. Les drapeaux palestiniens ne sont pas les seuls concernés : le maire de Nice Christian Estrosi a lui aussi été récemment obligé de retirer le drapeau israélien de sa mairie.
Dans tous les cas, c’est le principe de neutralité qui est effectivement invoqué. Comme le signale le site d’actualité juridique Le club des juristes, les tribunaux administratifs s’appuient sur un arrêt de 2005 du Conseil d’État. Il s’était prononcé au sujet du drapeau indépendantiste de la Martinique, qui avait été accroché au fronton de la mairie de la commune de Sainte-Anne (Martinique). «Le principe de neutralité des services publics s’oppose à ce que soient apposés sur les édifices publics des signes symbolisant la revendication d’opinions politiques, religieuses ou philosophiques», avait estimé la juridiction administrative suprême.
Principe de neutralité
Les mairies concernées avaient tenté, sans succès, de faire valoir que ces drapeaux étaient une façon de dénoncer les massacres de la population à Gaza (drapeaux palestiniens) ou la détention des otages par le Hamas (drapeaux israéliens). Réponse des tribunaux : ces drapeaux doivent aussi être regardés comme un symbole de soutien à un État ou à une organisation politique. Ils expriment donc bien une opinion politique.
On notera toutefois une différence éloquente : dans le cas de la mairie de Nice, le juge administratif avait été saisi par des particuliers, alors qu’il l’avait été par les préfets en référé dans le cas des drapeaux palestiniens. Les préfets étant sous l’autorité hiérarchique du ministère de l’Intérieur, ces saisines du tribunal administratif par référé ont donc été sinon demandées par Bruno Retailleau, du moins réalisées alors qu’il était place Beauvau.
Problème, la question s’était également posée pour les drapeaux ukrainiens déployés par de nombreuses mairies françaises depuis l’agression russe de février 2022 et le juge administratif avait laissé faire. Cette initiative «ne saurait être regardée comme symbolisant la revendication des opinions politiques de son maire», avait par exemple décidé le tribunal administratif de Versailles en décembre 2024 au sujet de la mairie de Saint-Germain-en-Laye.
La question du drapeau ukrainien
Il s’agit «d’exprimer symboliquement sa solidarité envers une nation victime d’une agression militaire», estimait le tribunal qui soulignait que l’initiative avait été partagée «par de nombreuses autres communes françaises» avec le soutien du ministère de la cohésion des territoires «dans le contexte national de soutien diplomatique, humanitaire et matériel offert à l’Ukraine par l’État français». Une jurisprudence qu’Olivier Faure ne s’est pas privé de signaler sur X à Bruno Retailleau.
En citant la décision du tribunal administratif de Versailles, le patron du PS a argué que la reconnaissance par la France d’un État palestinien participait du même contexte de soutien diplomatique et qu’il était donc légal de mettre des drapeaux palestiniens aux mairies françaises le 22 septembre. Olivier Faure en a profité pour adresser une pique au Vendéen, censé soutenir la politique diplomatique de son propre gouvernement. «Est-ce le drapeau qui vous gêne (l’accessoire) ou la décision prise par le chef de l’État (l’essentiel) ?» Charge aux tribunaux administratifs de trancher s’ils sont saisis le 22 septembre prochain.