EDITO. Rapport accablant pour l’école primaire

    • Dominique Delpiroux
      Dominique Delpiroux DDM - LAURENT DARD
    Publié le 

    Qui vient de clamer haut et fort « le rôle majeur de l’éducation et l’accueil des jeunes enfants […] dans le développement cognitif et émotionnel, l’apprentissage et le bien-être de la petite enfance » ? C’est la Cour des comptes, un organisme que l’on entend d’habitude causer gros sous pour tirer l’oreille des gouvernants trop dépensiers. Là, elle, qui a manifestement laissé sa calculette pour ausculter un morceau du « mammouth », l’école primaire. Et le diagnostic est sévère. Notre système scolaire serait en grande souffrance. Et la haute juridiction s’inquiète, et semble se rallier au slogan lancé dans les années 70 par Fitzhug Dodson : « Tout se joue avant six ans. »

     

    Ainsi, l’école ne parvient pas à réduire les inégalités sociales. 20 % des enfants en difficulté, pointent les magistrats, viennent à 40 % des milieux défavorisés. Les apprentissages de base s’émiettent. Le français, l’orthographe se diluent. Les résultats en maths des petits Français sont catastrophiques, un crève-cœur au pays de Pierre de Fermat, Alexandre Grothendieck ou Cédric Vilani. La faute à qui ? La cour interroge sur la qualité de l’enseignement, à la fois sur le recrutement et la formation des professeurs des écoles. Mais au-delà, suggère des refontes profondes dans l’organisation scolaire, avec par exemple, un rôle plus central du directeur d’école et de meilleures connexions avec les collectivités. La semaine de quatre jours ? Une semaine des quatre jeudis qui ne permet pas une continuité dans les apprentissages. Un agenda qui serait taillé plus pour le confort des parents, des enseignants voire des professionnels du tourisme que pour les rythmes journaliers des élèves.

    Dans les années qui viennent, il va se dégraisser tout seul, le mammouth. La natalité a chuté, les effectifs seront en baisse. Le piège ne serait-il pas de supprimer des postes et des classes au fur et à mesure de ce reflux ? Attention, recommande la Cour, ne pas rater l’occasion de faire mieux avec moins d’élèves. Au fond, ce que nous dit aujourd’hui la Cour des comptes avec toute l’autorité qui est la sienne n’est pas nouveau. Le diagnostic a été posé depuis longtemps. Le doublement des classes a été une bonne réponse, mais il y a encore tant à faire.

    Cela dit, il serait aussi injuste de pointer du doigt la seule Education nationale. Ce n’est pas l’école qui crée les inégalités, même si elle peine à les corriger. C’est bien une société de plus en plus fracturée, avec des ghettos abandonnés à la pauvreté et à la précarité. Heureusement, dans ces quartiers, il y a des enseignants dévoués et volontaires qui font tout pour « sauver » leurs élèves, même dans les cas les plus désespérés. À Dodson, le pédopsychiatre Marcel Rufo répliquait : « Tout se rejoue toujours. Les enfants ont une deuxième et une troisième chance. »