Gabriel Attal, Jordan Bardella et Manuel Bompard se sont écharpés au cours d’un débat d’un peu moins de deux heures ce mardi 25 juin sur TF1. Qui l’a emporté ? Qui s’est montré moins convaincant ? L’analyse de Philippe Moreau-Chevrolet, expert en communication politique.
Quel sentiment ce débat vous a-t-il inspiré ?
C’était un débat assez particulier, très violent, avec trois jeunes hommes déterminés à en découdre. Aucun des trois n’a été totalement mauvais, mais aucun n’a été totalement rassurant non plus. On sort du débat en étant plus inquiet pour la situation du pays qu’autre chose. J’ai trouvé les échanges assez superficiels, on avait l’impression que la maîtrise des programmes était très relative. Gabriel Attal était peut-être plus à l’aise sur ce point mais il faut dire qu’il est au pouvoir depuis sept ans… Finalement, on est quand même très loin du débat de l’entre-deux tours de l’élection présidentielle, où les sujets sont globalement mieux maîtrisés.
Qui l’a emporté selon vous ?
Jordan Bardella était très solide. Étonnamment, Manuel Bompard, qui est moins rompu à ce type d’exercice, l’était aussi, en particulier sur les questions de l’immigration ou de l’insécurité, qui ne lui sont traditionnellement pas acquises. Aucun des trois n’a été mauvais mais aucun n’était rassurant non plus. On a le sentiment d’un débat très viril, très dur, mais pas très rassurant sur le fond. Ça a d’ailleurs dû être un choc pour beaucoup de Français. En fait, je n’ai pas vu trois Premiers ministres mais plutôt trois hommes en colère.
Ne peut-on pas désigner de "grand vainqueur" ?
Chacun verra le vainqueur là où il le souhaite. Sur la forme, le gagnant évident est Jordan Bardella : il a dominé par sa stature, par sa voix, et donnait l’impression d’avoir réponse à tout… Il a su parler sans note, en s’adressant directement aux Français, et il était le seul à se "projeter", affirmant à plusieurs reprises qu’il "sera" Premier ministre. En revanche, le gros bémol de sa prestation est qu’il s’est montré arrogant. Ça donne l’impression qu’il est déjà, dans sa tête, Premier ministre. Ça peut lui porter préjudice.
Sur le fond, c’est Gabriel Attal qui a clairement survolé. Il maîtrisait mieux la plupart des sujets.
Manuel Bompard, même s’il s’est fait plus discret, a fait pour moi un sans-faute. Il a su parler à sa base, à la gauche, et n’a pas fait d’erreur. Son problème, en vérité, est qu’il rappelle trop Jean-Luc Mélenchon, que ce soit dans la manière de s’exprimer, dans ses gestuelles ou même sa manière de s’habiller… Hormis ce problème, Manuel Bompard était un vrai diesel : il a mis du temps à rentrer dans le débat mais il était très bon sur la fin.