François Bayrou serait-il suicidaire ? Voudrait-il disparaître avant même d’avoir livré son plus important combat ? En demandant aux députés de lui apporter leur confiance dès le 8 septembre, à l’occasion d’une session extraordinaire, et avant même d’avoir débattu de son budget et de ses propositions très impopulaires, il ouvre délibérément une trappe dans laquelle il devrait tomber.
Sans doute, rien n’est écrit. Sans doute, il pourrait échapper au pire. Sans doute, la politique nous a déjà démontré qu’elle n’était pas avare de retournements. Mais enfin, en toute bonne logique, ses chances de s’en sortir sont infimes, pratiquement nulles.
On ne sait s’il y a du panache ou de la provocation dans cette façon de monter à la bataille le torse en avant, prêt au sacrifice. Napoléon au pont d’Arcole ? Mendès-France face aux partis de la IVe République ? François Bayrou, roublard politicien qui connaît toutes les recettes pour s’en sortir, est-il donc sur le point de rejoindre cette galerie de héros français pour qui le risque était d’abord une affaire d’honneur ? En tout cas, pour lui, « il y a des moments où seule une prise de risque nous permet d’éviter le plus grave ».
Et pourtant, même si on peut être d’accord avec ce Premier ministre lorsqu’il nous alerte sur le « danger immédiat » que constitue le surendettement du pays, lorsqu’il affirme que, sans des décisions difficiles, « notre liberté et notre souveraineté sont en jeu » – rien ne semble devoir l’épargner. Hier, François Bayrou, dans une démarche tout à fait inédite, a surtout voulu convaincre les Français, leur faire prendre conscience de l’urgence d’une clarification. Y est-il seulement parvenu, alors que certains veulent « tout bloquer » le 10 septembre dans une manifestation de mécontentement dont on ne connaît pas encore les contours ?
Le « geste » de Bayrou apparaît donc comme un ultime et impossible défi : réussirait-il à obtenir une fragile confiance et ce serait déjà une surprise momentanée ; subirait-il comme prévu le vote conjoint de la gauche et de l’extrême-droite refusant la confiance, et ce serait pour lui une sortie plus ou moins honorable.
Mais alors la France rentrerait une nouvelle fois dans une période détestable : sans Premier ministre, sans gouvernement, sans projet de budget, sans majorité politique, l’une des pires périodes qu’ait connu la Ve République. Au danger du surendettement, aux mécontentements de toutes sortes des Français excédés par les désordres publics, les injustices sociales, et le sentiment de ne plus reconnaître leur pays, s’ajouterait une instabilité politique totale comme nous en avons rarement connu.
Qui pour gouverner demain un pays ingouvernable ? Et avec qui ? Et pour quoi faire ?