L’attaque d’Israël contre l’Iran pourrait avoir de lourdes conséquences sur les cours du pétrole et les prix de l’essence, analyse Anna Creti, professeur d’économie à Paris-Dauphine et spécialiste de l’énergie. Entretien
Quelle place occupe l’Iran sur les marchés pétroliers mondiaux ?
L’Iran a une très grande réserve pétrolière, la troisième ou la quatrième au monde. Mais il a un rôle un peu particulier parce que sa production fait l’objet de sanctions.
À la suite de l’attaque d’Israël, les cours du pétrole se sont envolés ce vendredi (+ 7,22 % pour le Brent à 16 heures, + 7,23 % pour le WTI nord-américain).
Comment s’explique cette réaction des marchés ?
Ces tensions entre l’Iran et Israël, c’est quelque chose que les marchés guettent depuis le début du conflit au Moyen-Orient, qui est un maillon faible concernant les possibles impacts sur le marché du pétrole. La crainte d’une augmentation des prix du pétrole est sous-jacente à tous les échanges depuis presque deux ans, donc en ce moment, le marché du pétrole surréagit à ce qui se passe, comme si la mauvaise nouvelle qu’on attendait était en train de se réaliser.

Les craintes des analystes se concentrent notamment sur le détroit d’Ormuz, que l’Iran pourrait décider de fermer.
Pourquoi cette voie maritime est-elle stratégique ?
Ce détroit, c’est un endroit très sensible. C’est la connexion entre plusieurs pays producteurs de pétrole du Moyen-Orient (Koweït, Arabie saoudite, Émirats arabes unis, etc.) et les marchés mondiaux, la plaque tournante de l’Organisation des
pays exportateurs de pétrole (Opep) où transitent environ 20 % des flux mondiaux de pétrole, ainsi que des flux de demandes intermédiaires qui poursuivent ensuite leur
route vers l’Asie. Tout élément de tension qui laisse entrevoir la possibilité que cette infrastructure soit fermée fait craindre une restriction importante de l’offre de pétrole.
Fermer le détroit d’Ormuz, au-delà d’empêcher le passage des flux physiques, serait une réponse politique de l’Iran, un signal économique qui dirait : « On ne vous approvisionne plus. »
À quoi peut-on s’attendre dans les prochains jours ?
La temporalité de la réaction de
l’Iran sera fondamentale. Ce qui va
se jouer maintenant, c’est la gestion
de la production et du stockage du
pétrole pour éventuellement créer
des conditions de rareté. Si l’Iran
voit l’intérêt de continuer à vendre
son pétrole, les prix pourront sans
doute être stabilisés. Mais toujours
à la hausse, entre 75 et 85 dollars le
baril.
En revanche, si l’Iran va plus loin et
adopte une stratégie de représailles,
qu’il veut montrer aux marchés
mondiaux que sa position est
importante, alors les cours du pétrole
pourraient s’envoler. Atteindre
un baril à 100 dollars ou plus, c’est
de l’ordre du possible vu la vitesse à
laquelle les prix du pétrole se sont
envolés…
Quelles pourraient être les conséquences à la pompe en France ?
Si les cours restent élevés dans les
deux prochaines semaines, car c’est
là que les coûts de la chaîne d’approvisionnement
peuvent augmenter,
on pourrait voir, au moment
des départs en vacances, un
effet à la hausse sur les prix à la
pompe. La valeur phare pour les
prix de l’essence en France, qui est
de deux euros par litre, ne sera plus
très loin si les prix du pétrole deviennent
supérieurs à 100 dollars le baril.
Recueilli par Olivier Saint-Faustin