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«Pas de vagues», un film si bien nommé 

par Ferghane Azihari, pour Le Point - mars 2024 Republié récemment par JAL Rossi

Unanimement salué par la critique, le film «Pas de vagues» de Teddy Lussi-Modeste prétend traiter les maux qui affectent l’institution scolaire et rate sa cible en succombant au politiquement correct.
 
Un professeur calomnié par ses élèves et menacé de mort dans une banlieue parisienne difficile. Une hiérarchie paresseuse et apeurée. Une culture de l'omerta. L'ingénu qui se familiarise avec la bande-annonce du film Pas de vagues de Teddy Lussi-Modeste croit dans un premier temps avoir sous les yeux l'adaptation cinématographique du drame de Samuel Paty qui se fait encore attendre. Du moins croit-il qu'un réalisateur courageux s'empare enfin de l'un de ces problèmes existentiels qui affectent la société française et ces fameux «territoires perdus de la République», où les hussards noirs sont aussi bien désarmés qu'en première ligne. Après tout, le film n'est-il pas censé être inspiré de l'expérience du réalisateur dans un établissement en Seine-Saint-Denis ?
 
Que nenni ! De ces questions essentielles, il n'en est rien. Le film se veut réaliste. Il prétend s'inscrire dans le mouvement de libération de la parole des professeurs face à une hiérarchie pusillanime. Pour cela, il réussit l'exploit de mettre en scène un enseignant homosexuel dans un établissement en panne de mixité sociale sans effleurer les sujets qui défraient la chronique ainsi que les causes à l'origine de l'effroi de l'administration. Cerise sur le gâteau, c'est au doux nom de Steve Reynaud que répond le grand frère qui menace le professeur, fait régner la terreur au sein de sa famille, intimide sa sœur Leslie, au point de décourager cette dernière de renoncer aux accusations mensongères de harcèlement sexuel qui ont lancé la machine infernale. Si les assassins de Samuel Paty et de Dominique Bernard étaient originaires du Caucase, il n'est, hélas, guère besoin d'être bac + 50 en sociologie pour affirmer que le blondinet aux yeux bleus aux allures de skinhead ne correspond pas au profil type de l'élève redouté en 2024.
 
Une parfaite mise en abyme
 
Alors, rendons à César ce qui est à César. Les problèmes d'assimilation qui affectent le bon fonctionnement de l'institution scolaire dans les villes sensibles ne sont pas complètement absents du tableau. Le film se termine sur un exercice «attentat intrusion». Au cours d'une brève scène, le spectateur devine que le conjoint du personnage principal, Walid, est ostracisé par sa famille en raison de son homosexualité, ou plutôt des préjugés homophobes auxquels les communautés arabo-musulmanes sont particulièrement exposées. Et, tandis que ses collègues lui suggèrent d'assumer son orientation sexuelle pour annuler les soupçons de harcèlement qui pèsent sur lui, l'un d'entre eux fait remarquer que cette stratégie ne paiera pas dans «les quartiers», doux euphémisme pour désigner ces lieux qui échappent aux mœurs conventionnelles et républicaines.
 
Mais ces éléments ne sont que des détails dispersés au service d'une intrigue indifférente à ces enjeux. «Je ne sais pas si j'ai envie d'écouter ceux qui me reprochent de ne pas avoir fait du personnage qui agresse le professeur au minimum un Arabe. C'est inaudible. Ni la laïcité ni l'origine des protagonistes ne sont mon sujet», indique le réalisateur au journal L'Humanité, qui semble être le seul titre de presse à avoir posé la question du décalage entre la réalité et la fiction (en accusant, bien entendu, ceux qu'il interpelle parce qu'ils sont d'extrême droite). Ou comment proclamer fièrement qu'on a raté sa cible.
 
La surreprésentation des populations issues de l'immigration arabo-musulmane dans la délinquance qui affecte l'institution scolaire et la société française dans son ensemble n'est pas aussi taboue qu'on le croit. Elle est de mieux en mieux documentée dans la littérature scientifique, les rapports officiels ou les essais d'intervention, comme le dernier ouvrage publié par l'ex-inspecteur de l'Éducation nationale Jean-Pierre Obin (Les profs ont peur, Les éditions de l'Observatoire, 2023). En Israël et aux États-Unis, des séries comme Fauda ou Homeland posent, sans tabou, les questions qui fâchent en interrogeant le rapport que l'islam entretient avec nos sociétés. Qu'il faille réfléchir plus de dix secondes pour trouver des œuvres équivalentes dans l'espace francophone montre que le milieu du cinéma et du petit écran élève le déni au rang de discipline artistique et refuse de prendre au sérieux un fait de société majeur. Il en va de même de cette presse parisienne unanime dans son éloge du film. Même Éric Neuhoff – que l'on a connu plus acide – a succombé au politiquement correct dans les colonnes du Figaro.
 
Sinistre hasard du calendrier, Pas de vagues est sorti le jour même où le Premier ministre Gabriel Attal a reçu le proviseur du lycée parisien Maurice-Ravel, poussé à la démission par une meute islamiste qui l'a menacé de mort et qui ne recule devant plus rien pour imposer ses codes tyranniques. «Le cinéma est le lieu du réel et de la vie», disait le cinéaste Patrice Chéreau. Pas de vagues réussit, malgré lui, l'exploit d'être la parfaite mise en abyme du problème qu'il dénonce.�
 
 
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09/04/2024
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