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Mort du pape François : le jour de l’Ange
Comme elle est émouvante, la manière dont François a quitté ce monde ! Elle nous évoque l’ultime combat d’un vieillard trop lucide, qui réserve toute son énergie pour un dernier adieu, un dimanche de Pâques, entre lui et la foule. Et puis, sans doute a-t-il décidé lui-même de s’envoler, en ce « Jour de l’Ange » que célèbrent les catholiques : mission d’amour accomplie.
Car après le bulldozer Jean-Paul II, à l’âme d’acier forgée sous la Pologne communiste, après Benoît XVI, théologien froid et rigoriste, François, pape venu du Sud, a insufflé chaleur et humanité dans son pontificat. Dès son élection, il a voulu se dresser contre « la mondialisation de l’indifférence », et se ranger du côté des pauvres, des opprimés, des malheureux. Jorge Mario Bergoglio, né à Buenos Aires, connaît le sujet. Il a longtemps traîné sa soutane dans les bidonvilles. Evêque, il se déplaçait en métro. Peut-être avait-il été imprégné de la Théorie de la Libération, ce mouvement de catholiques, qui en Amérique du Sud, s’étaient révoltés contre les dictatures. Sans doute aussi ses inspirations anticapitalistes, écologistes, tiers-mondistes viennent d’une réalité locale que ne connaissent pas la plupart des prélats européens.
Voilà comment, dès le début, François surprend, choque, étonne. Visites dans les prisons, hommage aux migrants noyés à Lampedusa, ouverture en direction des divorcés, homosexuels – ce qui lui vaut les foudres de l’Eglise africaine –. À l’international aussi, il prend position. Et dénonce la guerre à Gaza ou en Ukraine. Il fait souffler un vent de modernité sur l’Eglise. Un vent, pas une tornade. Il reste fidèle au dogme en rejetant catégoriquement l’avortement : « C’est comme si on demandait à un tueur à gages de régler le problème ! »
Ses prises de position progressistes ne vont pas manquer de choquer. Au sein même de l’église, le courant le plus traditionaliste s’étrangle quand il est question d’accorder une bénédiction aux couples gays. Et au-delà, des Etats n’apprécient guère qu’on leur fasse la leçon, notamment en matière d’émigration. Il est étrange que l’un des derniers dirigeants à avoir rencontré le pape soit un de ses détracteurs : J.D. Vance, vice-président des Etats-Unis, parfait réactionnaire, prônant la chasse aux migrants ou le mépris des LGBT. L’Église catholique au niveau mondial est ainsi divisée et s’interroge. Lorsque sortira du conclave la fumée blanche, est-ce que ce sera le camp progressiste ou conservateur qui aura gagné ? La réponse, selon l’Eglise, appartient au Saint-Esprit.
Ainsi, la mort de François, et surtout les messages qu’il a tenté de faire passer auprès de la communauté internationale nous interrogent aujourd’hui sur la place des religions dans nos sociétés. Dans les régimes théocratiques, l’Iran, l’Afghanistan, le dogme est la règle, absolue, définitive, dictatoriale. Mais on constatera qu’aucun pays au monde n’échappe vraiment totalement à l’influence de telle ou telle chapelle. La leçon que nous donne le pape François, c’est d’avoir voulu aussi rendre la pratique religieuse ou l’exercice de la foi plus en accord avec les évolutions d’un monde en mutation, mais qui ressent aussi un fort attrait pour le sacré. Ce pape n’a pas forcément partie gagnée, l’obscurantisme est en embuscade. En tout cas, pour les progressistes, croyants ou non, François restera l’exemple d’un pontife profondément humain et engagé dans son époque. Sur la Terre…