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Misére du journalisme

ÇA VA MIEUX EN LE DISANT
  • par Guy Konopnicki, pour Marianne - mars 2023 Republié par JALR
Passant par hasard à une heure tardive devant l’hôpital Bicêtre, je suis surpris par une lumière vive émise par un projecteur. Croyant qu’il s’agit d’un contrôle de police, je m’arrête et découvre non des agents de la sécurité routière, mais une équipe de télévision filmant une consœur devant la rampe d’accès de l’hôpital.
 
Il soufflait ce soir-là un vent glacial qui justifiait que Bicêtre soit associé au Kremlin, même si cette dénomination ne doit rien au climat et tout à un fameux rendez-vous de vieux grognards qui, pour avoir été témoins de l’Aigle pour la première fois baissant la tête, n’en levaient pas moins le coude en souvenir du bon temps. Que se passait-il donc pour qu’une équipe de télévision fût dépêchée par une nuit glaciale devant un hôpital de banlieue ?
 
Le projecteur éclairait une journaliste emmitouflée qui donnait en direct une information capitale : Pierre Palmade, placé en détention provisoire, avait été transféré à l’hôpital Bicêtre en raison d’un accident vasculaire cérébral. Ce genre d’accident, au moins, ne brise pas la vie d’autrui, contrairement à celui que le comédien avait provoqué quelques jours plus tôt. L’information communiquée en direct était connue depuis trois heures, répétée sur toutes les radios et toutes les télévisions. Elle ne venait d’ailleurs pas de l’hôpital, mais d’un bref communiqué du magistrat chargé de l’affaire.
 
NARCISSISME MÉDIATIQUE
L’heure des visites était passée et, en tout état de cause, le nommé Palmade, sous le régime de la détention, n’y avait pas droit. Les médecins et le personnel, tenus au secret médical, ne donnaient aucune information supplémentaire et ne faisaient aucun commentaire au micro. On ne vit sur le petit écran que la journaliste posant devant la barrière baissée de la rampe d’accès des urgences. Le gardien, recroquevillé dans sa guérite, ne se montra pas. Mais il fallait bien un reportage pour donner du grain à moudre aux experts en palmadologie réunis sur le plateau de la chaîne d’information.
 
Avec un peu d’habileté, le présentateur de l’émission aurait pu utiliser cette prestation pour passer sans transition à l’autre thème de l’actualité, la prise en compte de la pénibilité dans le calcul des retraites. L’obligation de travailler de nuit, dans le froid, pour répéter une information déjà connue, justifie l’inscription du journalisme sur la liste des métiers pénibles. Ce grand reportage en direct de Bicêtre n’avait rien d’exceptionnel, nous avons l’habitude de voir la cour de l’Élysée, celle de Matignon, la grille du ministère de l’Intérieur, les marches de la Maison-Blanche, la porte du 10, Downing Street et, au mieux, les coupoles du Kremlin, l’autre. Le journalisme a ses splendeurs, sauf quand le narcissisme médiatique gonfle une affaire misérable.�


20/03/2023
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