Face à l’inhumanité et à la barbarie, pas de double standard. La France d’une seule voix fera bloc. C’était compter sans ces usurpateurs aux gros sabots, prétendus humanistes, mais dont l’humanité à une couleur. L’odeur de la mort n’a pas de différence, mais, vous, confortablement assis à écrire votre journal, qu’en savez-vous ?

Je peux vous apprendre. Je parle en ayant l’expérience. Une expérience dont je me serais passé.

L’expérience des militaires et des enfants et du professeur assassinés en 2012 parce que juifs. L’expérience des journalistes et dessinateurs tués en 2015 pour avoir caricaturé et avoir pensé librement. L’expérience des victimes de la prise d’otages de l’Hyper Cacher de Vincennes, dont le motif ne vous échappera pas, bien que votre mauvaise foi me fasse douter. L’expérience des tueries de Paris du 13 novembre 2015. L’expérience de l’horreur du 14 juillet 2016 à Nice. La mort, où qu’elle soit, est la même. Les assaillants, aussi, sont les mêmes, ce sont les terroristes islamistes, c’est la même idéologie totalitaire. En France, à Gaza ou en Israël, ce sont les mêmes.

 

Je parle éclairé par l’expérience, encore, puisque ni Gaza, ni les territoires palestiniens, ni Israël ne me sont inconnus. Car je me rends en Israël depuis plus de quarante ans, d’abord comme secrétaire international des jeunes socialistes – à l’époque, j’ai aimé partager l’esprit des kibboutz et des pionniers fondateurs de l’Etat hébreu, mais aussi les conversations passionnées avec mes amis palestiniens – puis comme responsable politique, maire, député, Premier ministre, ou à titre personnel. J’ai toujours pensé que la paix et une vie commune entre Israéliens et Palestiniens étaient possibles sur cette terre unique et sacrée pour les trois religions issues du Livre. Ma ville d’Evry était jumelée au camp de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza. Je m’y suis rendu avant que le Hamas ne prenne par la force et la violence le pouvoir dans la bande de Gaza, éliminant les responsables du Fatah et mettant fin à une collaboration de soutien aux familles, aux femmes, qui sont rentrées dans une longue obscurité sous le joug de l’organisation fondée par les Frères musulmans.

Amitiés entre les pays

Si je me suis rendu en Israël il y a quelques jours, après les atrocités du 7 octobre, avec une délégation de parlementaires, c’est bien pour soutenir Israël, un pays ami, démocratique, le seul au Moyen-Orient qui partage nos valeurs. Car nous savions tous que des fossoyeurs d’humanité s’opposeraient contre toute morale à soutenir Israël. Le sang, l’odeur, les marques de l’attaque, nous avons tout vu. Nous avons visité les villes et les kibboutz attaqués, rencontré les familles des otages et des victimes français : 35 de nos compatriotes sont morts ! J’y ai vécu les moments les plus difficiles, me renvoyant aux attaques de 2015 et de 2016 contre mon pays. Israël a le droit et le devoir de se défendre pour éliminer l’organisation terroriste qui menace son intégrité et ses citoyens, et dont le but est l’éradication d’Israël et des juifs. Vous y voyez un soutien "inconditionnel" à Netanyahou ? Finalement, cela ne m’étonne pas. Vous n’êtes plus à propagande fallacieuse près.

 

C’est sans doute le mal du siècle. Vous manquez de nuance, ainsi, par aucune sorte vous n’arriverez à la comprendre. Soutenir Israël ne revient pas à soutenir la politique exercée par un gouvernement, contrairement à ce que pensent les visionnaires étroits. Sinon, les amitiés entre les pays seraient si fragiles. Non, elle repose sur des liens profondément ancrés, celles des valeurs démocratiques en premier lieu et qui nous réunissent. Celles d’une vision commune, de modes de vie très proches, d’une histoire partagée. Ces amitiés nous survivront, mais pas la politique. Benyamin Netanyahou nous a fait preuve de cette amitié lors de la grande manifestation du 11 janvier 2015, marchant à quelques mètres de Mahmoud Abbas… Cela, je ne l’oublierai jamais.

“Les victimes votaient plutôt pour les partis progressistes”

Et les Israéliens aussi savent mieux que personne faire la différence. Comme tous les samedis soir depuis des mois, ils auraient été des centaines à se regrouper dans les rues du pays pour dénoncer la politique du gouvernement Netanyahou le 7 octobre. Mais le cours de l’Histoire a changé les projets, et ces mêmes Israéliens furent des milliers à se ranger derrière le drapeau, car leur pays est leur bien le plus précieux. Les victimes et otages de cette attaque barbare, kibboutzniks ou jeunes participant à une rave party ne soutenaient pas, pour la plupart, le gouvernement de Netanyahou et votaient plutôt pour les partis progressistes. Certains entretenaient des liens forts avec les Palestiniens.

J’ai toujours défendu par conviction la position française dans la résolution du conflit israélo-palestinien, pour une solution négociée à deux Etats. Mais m’octroyer le droit de donner des leçons en Israël pour la défense de son pays, qui a été violé le 7 octobre, est absurde. Ceux qui se permettent de le faire le sont tout autant. Nous n’avons attendu l’avis d’aucun Etat lorsqu’il a fallu défendre la France après les attentats de 2015 et frapper l’Etat islamique en Syrie. Nous espérons tous que les populations civiles palestiniennes seront le moins touchées par la réplique légitime de Tsahal. La France se démène pour leur venir en aide. Car il ne s’agit pas là d’une guerre entre Israéliens et Palestiniens, mais bien d’un affrontement entre un Etat démocratique et une organisation terroriste qui s’est rendue coupable d’un véritable pogrom.

Ce pays que vous aimez condamner et opposer au Hamas accueille les réfugiés homosexuels palestiniens persécutés à Gaza, où ils sont poursuivis, humiliés, tués. C’est ce même pays qui soigne les enfants de Gaza, dans l’hôpital que nous avons visité à Tel-Aviv, des petites filles atteintes de cancer. C’est dans ce même pays que vivent plus de 20 % d’Arabes israéliens.

 

La paix passera d’abord par l’élimination du Hamas, puis par le rétablissement de l’Autorité palestinienne à Gaza et en Cisjordanie, à condition que celle-ci change, que ses responsables corrompus et décrédibilisés soient renouvelés, et qu’Israël s’engage totalement avec le soutien de la communauté internationale. L’espoir est la seule solution à terme, notamment pour les Palestiniens, abandonnés des pays arabes et piégés par le Hamas, le Hezbollah et l’Iran, qui cherchent à saboter depuis toujours toute volonté de paix.

Cible dans le dos

Votre Une abjecte devrait vous faire honte. La forme, les couleurs choisies, les amalgames politiques, l’expression des visages, en première place celui de Yaël Braun-Pivet – victime de propos antisémites abominables –, les avions de chasse en arrière-plan visent à nous rendre complices "des massacres" des victimes civiles à Gaza. N’est-elle pas censée faire écho à la Seconde Guerre mondiale ? Décidément, l’infamie n’est plus un rempart. Rien ne crédibilise plus votre imbécillité crasse. Vous cherchez à nous mettre une cible dans le dos.

 

Je n’ai pas à me justifier auprès d’un journal que je ne lis pas, qui véhicule une idéologie responsable des pires drames du XXᵉ siècle et qui a souillé depuis si longtemps le message de Jean Jaurès. Dénoncer le pacte faustien d’une partie de la gauche avec l’islamisme m’a coûté cher, mais je ne regrette rien. A moins de ne trouver des justifications légitimant les attentats du 11 septembre 2001 et du 13 novembre 2015, votre ambiguïté flirterait dangereusement avec un antisémitisme ignoble. Jankélévitch le théorisait en avant-garde : "Les juifs étaient persécutés parce que c’étaient eux, et non point en raison de leurs opinions ou de leur foi […]. On ne leur reprochait pas de professer ceci ou cela, on leur reprochait d’être. Jusqu’à un certain point, ce refus s’étend encore à l’existence de l’Etat d’Israël." Si le sionisme est en lui-même une légitimation de ces actes, alors vous assumerez le visage immonde de ces milliers d’antisémites cachés derrière l’antisionisme pour continuer d’exister.