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Macron après le séisme

Le chef de l’État choisira la semaine prochaine le successeur de Michel Barnier. Cela pourrait-il être François Bayrou ?
 

 

Emmanuel Macron assiste à la cérémonie de bienvenue lors de la réouverture officielle de la cathédrale Notre-Dame de Paris, en France, le 7 décembre 2024.
Emmanuel Macron assiste à la cérémonie de bienvenue lors de la réouverture officielle de la cathédrale Notre-Dame de Paris, en France, le 7 décembre 2024. (Crédits : LTD/Eliot Blondet/ABACAPRESS)

 

Jeudi, quand il a reçu à l'Élysée Michel Barnier venu lui remettre sa démission, Emmanuel Macron l'a trouvé plutôt soulagé de partir avec dignité, alors que sa situation était devenue inextricable. Le Premier ministre, tombé la veille, a confié au chef de l'État à quel point il avait trouvé irresponsable l'attitude des socialistes durant tout son bail Rue de Varenne. Le 5 septembre, jour de sa nomination, il avait ainsi appelé François Hollande, qu'il connaissait bien, pour l'inviter à Matignon. Celui-ci ne lui avait pas répondu mais lui avait fait porter quelques jours plus tard un mot pour lui indiquer que, s'il l'aimait bien, il ne le verrait pas et voterait la censure que le Nouveau Front populaire allait déposer pour s'opposer à sa promotion.

Au cours de leur échange, Michel Barnier défend aussi auprès d'Emmanuel Macron la cause de Bruno Retailleau, estimant qu'il devait le conserver Place Beauvau. À sa sortie de l'Élysée, le chef du gouvernement a appelé le ministre de l'Intérieur pour le lui dire. Le lendemain, les deux LR ont déjeuné ensemble à Matignon. Le président a-t-il vraiment été peiné de se séparer de son cinquième Premier ministre trois mois à peine après l'avoir nommé ? Si en apparence la courtoisie a toujours été de mise au sein du couple exécutif, les choses n'ont pas été si simples entre les deux hommes.

 

Cet automne, Emmanuel Macron n'a pas du tout apprécié les choix budgétaires opérés par le locataire de Matignon, qui mettait à mal, à ses yeux, sa politique économique depuis sept ans. « Il efface une à une chacune de mes promesses », a-t-il déploré auprès d'un de ses anciens ministres. Chaque fois que des députés de son camp lui ont rapporté par SMS la guérilla qu'ils menaient contre le coup de rabot décidé par le gouvernement sur les allégements de charges en faveur des entreprises, il les a encouragés à ne rien lâcher.

Tourner autour du buffet sans avoir le droit d'y toucher, ce n'est pas le tempérament du président.

 

Institutionnellement, il ne s'est pas non plus senti à l'aise. Sorti exsangue de la dissolution cet été, le chef de l'État a voulu adopter une nouvelle posture. Désormais, il ne se mêlait plus de la gestion quotidienne mais se positionnait en surplomb, d'abord concentré sur son activité diplomatique. Pendant ce temps, Michel Barnier, très sourcilleux quant à ses prérogatives, avait mis en place une cohabitation sans le dire. L'Élysée n'avait plus accès aux informations. « Le président découvre qu'il ne peut plus empêcher les choses de se faire, note un des ex-ministres. Avant, il disait non et c'était fini. »

Emmanuel Macron ne se résignait pas à une telle passivité. « Tourner autour du but sans avoir le droit d'y toucher, ce n'est pas son tempérament », résumait drôlement un ponte du socle commun.  Petit à petit, le locataire de l'Élysée s'était mis à recevoir en tête-à-tête ses ministres (Rachida Dati, Catherine Vautrin, Antoine Armand, Bruno Retailleau...), bien plus qu'il ne l'avait fait depuis sa réélection en 2022. Lors de son voyage en Amérique latine, mi-novembre, il s'était agacé que les médias ne relaient pas suffisamment celui-ci. Malgré sa prise de distance, sa cote de popularité dans les sondages demeurait au plus bas. Et puis la chute de Michel Barnier s'était dessinée...

Regarde les hommes tomber. Dès le début de novembre, le chef de l'État s'est préparé à la censure de son Premier ministre sous le coup d'une alliance entre le Nouveau Front populaire et le RN. Le 25, en marge de la remise de la médaille de commandeur de la Légion d'honneur à Élisabeth Borne, il sous-entend auprès des présents que ce scénario lui donnera l'occasion de reprendre la main. « Il pense que ce qui va se passer le servira, racontera l'un d'eux. Les partis, le Parlement sont tellement en train de se déconsidérer que les Français le verront comme un pôle de stabilité. »

Depuis jeudi, Emmanuel Macron s'est donc remis au centre du jeu. Fustigeant le « front antirépublicain » dont a été victime Michel Barnier, il annonce dans une allocution regardée par 17,5 millions de téléspectateurs qu'il nommera un Premier ministre chargé de former un « gouvernement d'intérêt général » pour les trente mois restant jusqu'à la fin de son mandat. Parallèlement, il démarre un cycle de consultations des partis politiques et groupes parlementaires, comme à la fin d'août dernier, afin de trouver l'heureux élu qui rétablira le dialogue entre Matignon et l'Élysée.

 

Pour les mener, le président n'est pas parti de rien. D'abord, Emmanuel Macron a désormais une bonne connaissance de la cartographie humaine. Cet été, il avait profité de ses discussions avec les uns et les autres pour l'affiner. Quand il avait reçu Éric Ciotti le 26 août, il l'avait interrogé sur l'état des relations entre Laurent Wauquiez et David Lisnard. « Pas bonnes », lui avait répondu l'ex-chef de LR. À gauche, il avait relevé la complexité du rapport entre François Hollande et Bernard Cazeneuve, notant la présence du second à la fête organisée pour les 70 ans du premier. Il y avait vu un geste politiquement signifiant.

Ensuite, il y a un acquis sur lequel il peut s'appuyer. Bon an, mal an, le socle commun, le terme choisi par Michel Barnier pour désigner le cartel de partis qui le soutenait, existe. Vendredi, reçus à l'Élysée à petit-déjeuner, les dirigeants de Renaissance, du MoDem et d'Horizons ont plaidé pour que tout soit fait pour que Les Républicains restent à bord du dispositif, même s'il fallait tenter de l'élargir aux socialistes. Au passage, au sujet de LR, Emmanuel Macron leur glisse que Gérard Larcher, le président du Sénat, qu'il a reçu la veille, a beaucoup insisté pour que Bruno Retailleau reste ministre de l'Intérieur, et qu'il y est d'ailleurs favorable.

De leur côté, conviés dans la soirée, Les Républicains expliquent au chef de l'État être disposés à participer à un gouvernement d'intérêt général. Mercredi, à l'issue de la censure de Michel Barnier, Yaël Braun-Pivet, descendue du perchoir, avait acté : « C'est la première fois que j'ai vu exister le socle commun devant moi. » Quel Premier ministre choisira le chef de l'État pour l'entretenir, voire l'agrandir, et surtout tenir alors que les appels à sa démission se multiplient ?

Gabriel Attal a remarqué que depuis cet été, François Bayrou n'avait de cesse de répéter que « c'était le moment MoDem ».

 

Jeudi, quand François Bayrou se rend rue du Faubourg Saint-Honoré pour déjeuner avec Emmanuel Macron, il a le sentiment que Sébastien Lecornu, dont le nom circule depuis quelques jours, tient la corde pour succéder à Michel Barnier. À son départ, son état d'esprit a changé. Et si son heure était arrivée ? Alors que les rapports de force à l'Assemblée exigent des coalitions très larges, le maire de Pau ne plaide-t-il pas depuis des années pour un gouvernement réunissant des personnalités d'expérience venues de divers horizons et prêtes à travailler ensemble ?

N'a-t-il pas des relations cordiales avec la gauche mais également avec Marine Le Pen ? Avec le chef de l'État, ils évoquent clairement l'hypothèse de sa nomination. En Macronie, le haut-commissaire au Plan ne manque pas de soutiens. Gabriel Attal, qui a remarqué que, depuis cet été, le centriste n'avait de cesse de répéter que c'était « le moment MoDem », et l'ancien président de l'Assemblée nationale Richard Ferrand sont plutôt favorables à cette solution.

Cet automne, François Bayrou a aussi normalisé ses relations avec Alexis Kohler, le secrétaire général de l'Élysée, avec qui il était très critique depuis des années. François Bayrou a en revanche un handicap : ses rapports avec LR. Au second tour de la présidentielle de 2012, il a voté François Hollande contre Nicolas Sarkozy - ce que ce dernier ne lui a jamais pardonné. C'est aussi un ardent défenseur de la proportionnelle, dont Les Républicains ne veulent pas entendre parler.

 

Est-ce un point rédhibitoire ? À cette question, Laurent Wauquiez a répondu par la négative. Celui qui vise 2027 retient d'abord l'âge du président du MoDem, 73 ans... Emmanuel Macron décidera-t-il d'abattre cette carte ? De sa liste de prétendants à Matignon, peu de noms fuitent. Celui de Bernard Cazeneuve n'y figure pas, pas davantage que celui de François Baroin. Pour le chef de l'État, l'énergie sera un des premiers critères de sélection.

Sébastien Lecornu peut-il être une solution ? Le ministre des Armées est un proche, en qui il a toute confiance. Il a établi un contact avec Marine Le Pen - fin novembre, il a reçu Éric Ciotti, désormais allié à la leader RN, dans son ministère. Une autre ministre Renaissance fait figure de choix possible : Catherine Vautrin. Celle qui est chargée du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation s'est discrètement mise en campagne pour Matignon quand l'éventualité d'une chute du gouvernement Barnier s'est dessinée.

Catherine Vautrin a de très bonnes relations avec Gabriel Attal et connaît très bien les élus LR puisqu'elle en fut longtemps une. Le président a beaucoup d'estime pour elle. En 2022, il avait failli la nommer pour Matignon avant de se rétracter à la toute dernière minute. Cette fois-ci, même si affaibli, Emmanuel Macron restera-t-il imprévisible ?

 

 



08/12/2024
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