2844- L’Occident déboussolé 2 posts

 «C’est d’abord notre propre décivilisation qui nous menace»

  • propos recueillis par Saïd Mahrane, pour Le Point - avril 2024 Republié par Jal Rossi
INTERVIEW. Dans «L’Occident déboussolé», le géopolitologue Jean-Loup Bonnamy alerte sur notre crise du sacré : religieux, avec «la déchristianisation», et laïque, avec «le recul du patriotisme et du roman national».
 
Auteur de L'Occident déboussolé, Jean-Loup Bonnamy, géopolitologue, tente d'échapper aux facilités du débat public en analysant la crise des pays occidentaux à travers leurs propres inconséquences. À ce titre, son point de vue sur l'immigration – dont il prône le contrôle strict – est détonnant.
 
Il postule que le recours à l'immigration de travail n'est rien d'autre que la perpétuation du système colonial. Sur l'islam, à la manière de Patrick Buisson, il préfère souligner la déchristianisation de l'Occident, qui confine parfois au suicide identitaire, plutôt que la ferveur des musulmans dans leur pratique religieuse.7
 
Entretien.
Le Point : Vous faites le diagnostic d'un Occident déboussolé. Quelles sont les raisons endogènes qui expliquent cette situation ?
 
Jean-Loup Bonnamy : L'Occident est frappé par une vague nihiliste. La déchristianisation, le délitement de l'autorité, la crise de la transmission ont abouti à une perte de tous les repères. De là découlent une négation de notre histoire et un oubli de notre identité. Souvenez-vous d'Emmanuel Macron qui déclare «il n'y a pas de culture française», regardez la maire de Nantes qui nie le caractère chrétien de Noël, observez l'affiche officielle des JO où la croix des Invalides et le drapeau tricolore ont été retirés… Voilà des signes flagrants qui montrent que notre boussole est cassée et que nous ne savons plus qui nous sommes.
 
S'agissant du recours à l'immigration de travail, vous avez une analyse surprenante, qui se rapproche de celle des décoloniaux
 
Comme nous n'avons plus d'empire colonial, nous avons reconstitué le système colonial sur notre propre sol. Économiquement, le capitalisme colonial était un capitalisme marchand, financier, peu industrialisé, faiblement qualitatif, qui reposait avant tout sur les services, les fonctionnaires, les banques…
 
Tous ces traits de l'ancien capitalisme colonial s'appliquent parfaitement à l'économie française de 2024 ! C'est là que l'immigration entre en jeu. Elle est la poursuite de la colonisation : elle fait venir en masse des travailleurs pauvres et exploités. Les patrons qui demandent davantage d'immigration font penser à ces colons du début du XXe siècle, fiers de faire suer le burnous et de pressurer les indigènes colonisés. Et de même que la colonisation a été portée par les élites, tandis que le peuple y était hostile, de même l'immigration est portée aujourd'hui par le «bloc élitaire» – dont l'inconscient est habité par la pulsion coloniale - et rejetée par les classes populaires et moyennes.
 
Dans mon livre, j'analyse et je critique les thèses décoloniales. Les décoloniaux ont raison quand ils disent que l'héritage colonial continue à structurer notre pays. Mais ils deviennent profondément incohérents quand ils défendent l'immigration. Ils ne voient pas que l'immigration, qu'ils soutiennent, est la clé de voûte du système qu'ils critiquent par ailleurs.
 
Vous écrivez ne pas croire à un choc des civilisations. À ce titre, vous partagez l'analyse de feu Patrick Buisson, qui considérait que l'islam est «le miroir de nos insuffisances»…
 
Tout à fait. Bien sûr, je ne nie pas les tensions qui peuvent exister entre la civilisation islamique et la nôtre. Toutefois, c'est avant tout notre propre décivilisation qui nous menace. Le problème réside d'abord dans notre propre crise du sacré, qu'il s'agisse du sacré religieux – déchristianisation - ou laïque – recul du patriotisme et du roman national… Le contraste est frappant : le sentiment du sacré s'effondre en Occident, mais il perdure en Islam. Comment demander aux immigrés musulmans de s'assimiler à une société française qui apparaît comme décadente, ne croit plus en rien et se dénigre elle-même en permanence ?
 
Peut-on affirmer que la France, dans cet Occident déboussolé, résiste mieux que ses voisins ?
 
Certes, la France a des atouts que ne possèdent pas les États-Unis ou le Royaume-Uni. Notre modèle assimilationniste – hostile au communautarisme –, notre tradition d'un État fort, notre conception de la laïcité forment des remparts face aux crises que nous vivons. On le voit avec la loi de 2004 sur l'interdiction des signes religieux à l'école, qui constitue, depuis vingt ans, une véritable gêne pour les islamistes. Mais notre capacité de résistance s'émousse.
 
Souvent, les dirigeants se paient de mots, mais abandonnent facilement le terrain. On l'a vu récemment au lycée Maurice-Ravel. On s'extasie parce que le gouvernement a porté plainte contre une élève. Je vois surtout que c'est le proviseur du lycée qui a démissionné. Qui voudra encore devenir proviseur dans de telles conditions ?�
  • Illustration : Jean-Loup Bonnamy présente «L'Occident déboussolé», éditions de l'Observatoire, mars 2024, 240 pages, 21 € (papier), 14,99 € (numérique). @ Hannah Assouline
Peut être une image de 1 personne, clarinette et texte qui dit ’JEAN-LOUP BONNAMY L'OCCIDENT DÉBOUSSOLÉ Arrêtons de nous nousaccuserdetout! accuser de tout! bservatoire orv’
 
 


01/05/2024
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