LFI : Insoumis dehors, soumis dedans
Le plus troublant dans la lecture de "La Meute" n’est pas ce que révèle de LFI cette immersion suffocante dans les entrailles du parti, mais bien les questions vertigineuses qu’elle soulève sur ce que deviendrait la France avec Jean-Luc Mélenchon à l’Élysée.
350 pages, plus de deux cents témoignages : jamais encore le mouvement révolutionnaire fondé en 2016 n’a été décrit de façon aussi détaillée. Une organisation au fonctionnement sectaire, un chef à l’autorité incontestable, une pensée verrouillée et un appareil impitoyable voué au respect absolu de la doxa et du projet politique : bienvenue en Mélenchonie, et malheur à ceux qui brisent le serment d’allégeance.
Ici, penser par soi-même, c’est déjà trahir. Insoumis dehors, soumis dedans.
On entendra à propos de ceux qui, à visage découvert ou anonymement, donnent à voir les coulisses secrètes du système, qu’ils ont calomnié par esprit de vengeance. Purgés, mis à l’écart ou en passe de le devenir, ils régleraient leurs comptes. Peut-être. Mais à LFI, où la critique est défendue, qui d’autre peut parler, sinon les bannis ou les repentis ?
En feuilletant "La Meute" apparaît une galerie de portraits, avec bien entendu celui du chef en majesté : c’est le boss !
On en vient à se demander si les procès en "Jupitérisme" faits en toutes circonstances à Emmanuel Macron ne participent pas, en fin de compte, d’une forme de thérapie de groupe. Une catharsis collective des Insoumis pour exorciser leur lâcheté et leur terreur face aux colères, aux caprices ou aux anathèmes de leur propre patron…
Charlotte Belaïch et Olivier Pérou racontent aussi ces militants qui le considèrent comme Dieu le père, dévots incapables de penser la politique par eux-mêmes, en dehors de la Bible programmatique.
Au fil des pages, surgissent également les jeunes députés trentenaires, catapultés à l’Assemblée par la grâce d’une dissolution hasardeuse, une version aboyeuse mais pas moins docile des "Playmobil" macronistes apparus en 2017 et tournés en dérision par Jean-Luc Mélenchon et ses lieutenants. L’exclusion de Ruffin, Corbière, Garrido ou Simonnet, est un avertissement fait à tous ceux qui oseraient le pas de côté.
Et voici Sophia Chikirou, la femme du chef, "Bonemine" cruelle qu’il vaut mieux ne pas surnommer ainsi, tant on déteste ici tout ce qu’il y a de Gaulois dans l’histoire de France.
Alors, que serait la France du président Mélenchon, dont les coups de sang qui pavent sa carrière politique ne sont pas des incidents de parcours, mais l’expression de la véritable et sinistre nature ?
Sous le vernis de la promesse d’émancipation, d’un avenir résolument démocratique dans une société de justice, les auteurs de "La Meute" nous révèlent les mensonges de LFI, et l’exercice du pouvoir tel que le conçoit le leader Insoumis. En solitaire et à la schlague. Nous sommes avertis…