Les sujets santé sont une des préoccupations principales des Français. Et de fait, les réponses des principaux partis politiques sur ces thématiques sont clivantes. Tout le monde est d'accord pour lutter contre les déserts médicaux, mais la solution n'a rien d'évident. La ligne la plus dure sur ce sujet est celle du « Nouveau Front populaire », qui veut « réguler l'installation des médecins » et contraindre les jeunes médecins à s'installer dans des zones sous-dotées. Une hypothèse très impopulaire chez les praticiens.
Le RN ne veut pas entendre parler d'obligation d'installation pour les médecins, mais propose « une rémunération modulée selon le lieu d'installation ». Le parti Renaissance n'est pas non plus favorable à des mesures contraignantes contre les médecins et encourage financièrement l'installation de professionnels de santé dans les déserts médicaux. « Nous pensons qu'il faut trouver une façon intelligente de réguler le système, sous forme d'incitations. Il n'est pas pertinent d'obliger un jeune médecin à aller s'installer dans un département reculé, contre son gré, ça ne marchera pas », estime Gérard Raymond, président de France Assos Santé. Cette fédération d'associations a écrit une lettre officielle aux partis, le 14 juin, les incitant « à faire de la santé une urgence absolue ».
Renforcer les effectifs à l'hôpital
L'hôpital est aussi la mère de toutes les batailles. Le « Nouveau Front populaire » veut organiser dès cet été une « conférence de sauvetage de l'hôpital public, afin de lancer le rattrapage des postes manquants de fonctionnaires, dans le soin et le médico-social », mais ne précise pas le nombre d'emplois à créer ni les sommes qu'il faudrait consacrer à cette enveloppe. Pour financer ce programme très coûteux, le « Nouveau Front populaire » veut « rétablir l'impôt de solidarité sur la fortune » et « supprimer certaines niches fiscales inefficaces et injustes ».
Le RN, propose, parmi les « 22 mesures de Marine Le Pen » dans son programme présidentiel, de « lancer un plan de soutien d'urgence pour la santé de 20 milliards d'euros, d'arrêter les fermetures de lits à l'hôpital public, et celles des maternités. Il faut revaloriser les salaires des personnels soignants à la hauteur de leur travail ».
Le parti Renaissance a fréquemment mis en avant les sommes importantes consacrées à l'hôpital dans le cadre du « Ségur de la santé ». Elles s'élèvent à 21,7 milliards d'euros pour la période Covid et post-Covid, de 2021 à 2023. « L'hôpital a bénéficié d'aides supplémentaires massives, pour faire face aux demandes de revalorisation des personnels », confirme la Cour des comptes, dans son rapport « La situation financière des hôpitaux publics après la crise sanitaire » (12 octobre 2023). Le parti macroniste rappelle aussi qu'il a doublé le paiement des gardes pour les médecins et les infirmières, la nuit et le week-end, ce qui était une revendication historique des soignants, et qu'il a plafonné les paiements des médecins intérimaires, car les abus étaient nombreux.
Les différents partis ne mentionnent pas explicitement la revalorisation de la médecine de ville dans leur programme. Le gouvernement s'enorgueillit d'avoir fait signer, en juin 2024, une convention médicale entre l'Assurance maladie et les syndicats, après des mois de négociations tendues, qui permet de revaloriser à 30 euros la consultation de base, et 50 euros pour les consultations complexes, à partir de décembre 2024.
Selon Gérard Raymond, de France Assos Santé, « avec 12 % du PIB consacré à la santé, soit 240 milliards d'euros par an, le système de santé devrait être plus efficace. Mais attention toutefois à la démagogie et aux fausses promesses, car il n'y a pas de recettes miracles ».
Pallier le manque de médecins formés
Il faut dix ans pour former un médecin, et tout le monde s'accorde à dire que l'on en manque. Alors, que faire ? Le parti d'Emmanuel Macron propose « d'augmenter le nombre de médecins formés », mais aussi de faciliter le rapatriement des étudiants français partis faire leurs études à l'étranger, notamment en Roumanie, afin qu'ils puissent rapidement exercer en France. Jordan Bardella suggère « d'exonérer l'impôt sur le revenu pour les médecins qui reprendraient une activité, dans le cadre du cumul emploi-retraite », dans Le Parisien du 17 juin.
« Il ne faut pas rêver. On ne forme pas les médecins en claquant des doigts. La seule solution réaliste est d'accepter le partage des tâches entre médecins, pharmaciens et paramédicaux », estime Gérard Raymond. Une politique que le gouvernement Attal a tenté de mettre en place en renforçant notamment le rôle des infirmières et des pharmaciens qui peuvent dorénavant prescrire certains médicaments.
La place des médecins étrangers à l'hôpital
Ce point est très clivant. Dans le « programme 2022 » de Marine Le Pen, il est inscrit qu'il faut « assurer la priorité nationale d'accès à l'emploi ». Une mesure qui bouleverserait profondément l'hôpital et le médico-social. Selon les chiffres du Conseil national de l'Ordre des médecins, 27 % des médecins exerçant à l'hôpital sont diplômés hors de France. Et la proportion est du même ordre pour le personnel des maisons de retraite et des établissements pour personnes handicapées. « Le RN pense qu'il fera tourner les hôpitaux sans médecins ou travailleurs étrangers. C'est une méconnaissance totale de la réalité du soin aujourd'hui », explique le Dr Arnaud Chiche, porte-parole du collectif de soignants et paramédicaux « Santé en danger ».
Le gouvernement actuel a, au contraire, modifié les statuts des médecins étrangers dans les hôpitaux, dans le cadre d'une réforme menée par la ministre de la Santé Catherine Vautrin, en janvier 2024, afin qu'ils puissent continuer à exercer. Le « Nouveau Front populaire » propose de « renforcer fortement le nombre de postes de médecins à l'hôpital », sans faire de distinction entre Français ou étrangers.
Tensions sur l'aide médicale d'État (AME)
L'aide médicale d'État est aussi un point de tension entre les différents partis. Ce dispositif permet aux étrangers en situation irrégulière, et à leur conjoint, de bénéficier d'un panier de soins identiques à ceux des Français. Elle suscite les critiques de ceux qui estiment que certains « profitent » du système de soins généreux pour émigrer ; et, au contraire, elle est un totem pour ceux qui la considèrent comme l'exemple même de la générosité française. Le parti Renaissance indiquait ainsi, en décembre 2023, réfléchir à une réforme de l'AME, sans la remettre en cause totalement. Le périmètre des bénéficiaires pourrait être revu, ainsi que les prestations, comme l'estimait le rapport Stefanini-Evin, remis au gouvernement Borne. Le rapport trouvait l'AME « utile », mais notait toutefois que « le nombre de ses bénéficiaires avait progressé de 39 % en 7 ans, passant de 316 000 en 2015 à 439 000 personnes en 2023 ».
Sans surprise, le « Nouveau Front populaire » veut maintenir l'aide médicale d'État. Il s'appuie sur des arguments médicaux selon lesquels ne pas soigner les étrangers en situation irrégulière serait aberrant en termes de santé publique. Le RN, contrairement à ce que l'on croit souvent, ne demande pas la suppression totale de l'AME, mais « un resserrement de ce dispositif, requalifié en aide d'urgence ».
Des pistes pour éviter la hausse du coût de la santé
Notre santé risque de nous coûter plus cher. Dès lors, comment faire ? Le Premier ministre a lancé, le 15 janvier, une proposition de « complémentaire santé à 1 euro par jour pour ceux qui n'en ont pas ». Mais cette proposition n'est pas si bon marché que cela (puisqu'elle coûterait 365 euros par an et par personne). Elle peut toutefois séduire, sachant que la plupart des contrats ont vu leur prix s'envoler, et s'établissent souvent à plus de 700 euros par personne et par an, pour ceux qui ne bénéficient pas de mutuelle d'entreprise.
Le « Nouveau Front populaire » cible de son côté les établissements de soins privés pour demander une baisse du montant des factures : leur autorisation administrative d'ouverture serait « conditionnée » à la « garantie d'un reste à charge zéro » pour le patient, ce qui supposerait « la fin des dépassements d'honoraires des médecins qui y exercent ».
Il ne fait pas de doute que la santé devient un enjeu électoral majeur, pour les principaux partis, mais si les propositions de dépenses se multiplient, les pistes de nouvelles recettes semblent souvent opaques.