2310- *L’émotion de censure* Revue de presse 12 posts

*L’émotion de censure*

Edito de Raphaël Enthoven dans Franc-tireur.
 
« Il n’y a rien d’antidémocratique dans l’emploi des outils que la constitution de la Ve République met à la disposition du gouvernement. Il peut être maladroit de s’en servir ou d’en abuser, mais parler d’un « coup d’État » à propos de la centième utilisation de l’article 49.3, laisser entendre qu’on peut respecter les textes fondamentaux tout en agissant comme un despote, c’est faire peser sur la constitution elle-même le soupçon d’être despotique et d’organiser l’irrespect des volontés du peuple.
 
Il n’y a rien d’antidémocratique dans le fait de gouverner contre l’opinion majoritaire, en particulier quand il s’agit de respecter une promesse de campagne. C’est même, à vrai dire, le propre des hommes d’État, et le moment où l’éthique de conviction l’emporte sur le calcul de son intérêt. Quiconque redoute l’impopularité ne doit jamais occuper ce rôle, sous peine de reniements calamiteux. Un président n’est pas la poupée ni l’ectoplasme des gens qui ont voté pour lui. Si le président élu devait épouser constamment l’avis du plus nombreux, il serait inutile de rédiger un programme et de le proposer aux électeurs. L’adoption d’une loi qui déplaît à la majorité n’est pas un coup de force mais la conséquence du pouvoir dont un président et son gouvernement sont (légitimement et temporairement) dépositaires.
 
Enfin, il n’y a rien d’antidémocratique dans la répression des débordements lors de manifestations. On peut (on doit) surveiller la police, ou critiquer telle doctrine du maintien de l’ordre… À la condition d’admettre que faire respecter la loi, au besoin par la force, n’est pas l’apanage des dictatures mais d’une violence légitime en démocratie, car elle y est (certes, plus ou moins) encadrée par la loi.
 
Ce qui est antidémocratique, c’est de brailler dans l’hémicycle ou d’y faire un bras d’honneur, c’est d’affirmer que la rue et les institutions se font face et se haïssent, ou de dire, tout en étant député, que, dans ce face-à-face, la rue doit l’emporter. Ce qui est anti­démocratique, c’est l’antiparlementarisme de certains parlementaires qui, sous prétexte de faire entrer le « pays réel » sous les ors du Palais-Bourbon, promettent d’y inviter les bloqueurs de fac ou croient ressembler à des électeurs qu’ils méprisent en s’habillant eux-mêmes comme des sacs.
 
Ce qui est antidémocratique, c’est de vouloir priver des gens de leurs biens quand ils sont milliardaires ou de dresser des listes d’élus à menacer. Ce qui est antidémocratique (et vaguement égocentré), c’est d’estimer que le gouvernement est « sourd » chaque fois qu’il n’exauce pas MES revendications. Ce qui est antidémocratique, c’est de croire, comme un enfant gâté qui bloque sa respiration pour qu’on exauce son caprice, qu’il faut bloquer tout un pays (ou le « mettre à genoux ») tant qu’on n’obtiendra pas satisfaction. C’est de couper le courant dans les permanences de députés-adversaires, c’est d’user de la force et de la censure, tout en accusant les seuls détenteurs de la violence légitime d’être eux-mêmes les séides d’un pouvoir autoritaire. Ce qui est (extrêmement) dangereux pour la démocratie, c’est de considérer qu’on gouverne contre le peuple chaque fois qu’on est minoritaire dans l’opinion, comme si l’exercice du pouvoir consistait à plaire à toute heure et à tout le monde. »
 
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PAS DE ROI AU PALAIS DE ROHAN
Donner raison à Sandrine Rousseau… On imagine que, pour Emmanuel Macron, la décision d’annuler la venue du roi Charles III (lire page 9), pourtant inévitable et raisonnable, n’a pas dû être facile à prendre tant elle permettait à ladéputée écologiste de Paris d’exulter sur les réseaux sociaux, là où il est le plus fréquent de la croiser.Membre du même parti et pas moins opposé qu’elle à la réforme des retraites, Pierre Hurmic s’est en revanche déclaré déçu du report de la visite du souverain britannique, tout en précisant que la mairie de Bordeaux n’avait pas son mot à dire et se contentait d’accueillir en ami Charles III. On peut y voir une nouvelle preuve de la différence entre l’écologie immature d’élus qui ne font que discourir et celle, plus pragmatique, de responsables qui dirigent une collectivité et plongent les mains dans la farine, bio évidemment.

Est-ce Pierre Hurmic qui était visé dans l’incendie qui, jeudi soir, a endommagé la porte du palais Rohan ? L’enquête est en cours (lire page 11) et on souhaite que les coupables soient rapidement confondus et condamnés. On peut quand
même s’étonner que des individus aient pu, presque aussi tranquillement qu’un feu de cheminée chez soi, entasser des cagettes et les enflammer sans que personne n’intervienne.
Les incidents qui ont émaillé les manifestations de jeudi à Bordeaux, comme dans d’autres grandes villes, ont permis de confirmer une autre puérilité, celle de l’extrême gauche incarnée par Philippe Poutou, élu municipal rappelons-le, qui a écrit sur son compte Twitter : « Ça pète, ça brûle, c’est mérité », vieux couplet de la violence légitime du peuple contre la violence d’État, souvent entonné par des gens qui ne pèsent rien dans les urnes (score de Philippe Poutou le 10 avril 2022 : 0,77 %).
On attend la réaction du porte-parole d’un parti en pleine guérilla d’excommunications, s’il se confirme que le feu a été allumé par des militants d’extrême droite, comme si l’extrémisme auquel on adhère rendait la violence plus justifiable. Dénoncer l’entêtement du chef de l’État à vouloir promulguer son impopulaire réforme est un droit, protégé par nos institutions démocratiques. S’en prendre aux symboles de notre République, comme une sous-préfecture ou une mairie, et de notre liberté, comme un kiosque, est un délit pénal.
Disons-le aussi, notre République et notre démocratie ne se porteraient que mieux si elles n’étaient pas éclaboussées par les dérapages, certes minoritaires, de policiers qui, s’abritant derrière leur étoile de shérif, jettent le discrédit sur une profession dont seuls des manifestants au cerveau lavé prétendent que tous les Français la détestent. En tout cas, s’il y avait eu des forces de l’ordre devant le palais Rohan, sa porte serait indemne.

                                                              Benoît Lasserre édito Sud-Ouest
 
 
 
 


25/03/2023
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