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DECRYPTAGE. Le programme du NFP est "inapplicable" et "infinançable" : "Ce serait l’implosion en vol immédiate" analyse un économiste

  • Christian Saint-Étienne a été membre du Conseil d’analyse économique auprès du Premier ministre.
    Christian Saint-Étienne a été membre du Conseil d’analyse économique auprès du Premier ministre. AFP
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Gil Bousquet La DDM
 
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l'essentiel Alors que les partis du NFP ne parviennent toujours pas à s’accorder sur un Premier ministre, le parti socialiste redoute la mise en œuvre du programme économique inspiré par la France Insoumise. L’économiste Christian Saint-Étienne détaille les scénarios s’il était mis en œuvre.

Le rapport de la Cour des comptes vient de qualifier l’année 2023 de "très mauvaise", l’exercice 2024 « à risques » et la trajectoire de rétablissement des finances publiques d’ici à 2027 "peu crédible et peu réaliste". Que nous dit-il de l’état de nos finances publiques ?

 

Nos finances publiques sont à la dérive même si ce n’est pas nouveau. Et ce n’est pas dû au Covid : la dérive avait déjà commencé en 2018 et 2019. En 2019, le déficit français était déjà de 3 % du PIB quand dans le même temps l’Allemagne avait un excédent de 1 % ce qui fait déjà quatre points d’écart entre nos deux pays. Depuis, la France est passée de 3 % à 5 % du PIB en termes de déficit. Aujourd’hui, le déficit français est le double de la moyenne des 19 autres pays de la zone euro. Nous sommes le mauvais élève. Les Italiens ne sont pas tellement mieux mais leur balance courante est excédentaire ce qui signifie que l’Italie ne dépend pas des financements extérieurs. Par ailleurs, la dette italienne est détenue aux deux tiers par les résidents italiens. La France, elle, affiche un déficit commercial de 70 à 80 milliards d’euros et plus de la moitié de notre dette publique est financée par des non-résidents. Notre situation est donc très fragile.

 

Cette année, Bruno Le Maire cherche 20 à 25 milliards d’économies pour réduire le déficit. Est-ce que le nouveau gouvernement, quel qu’il soit, peut remettre en cause ces efforts ?

 

Selon moi non. Toutes les organisations internationales scrutent la situation politique française de très près. Le Rassemblement national n’avait pas de programme économique clair. Le NFP a un programme qui entraîne une hausse des dépenses de 180 à 230 milliards d’euros. Avec de telles dépenses c’est l’implosion en vol quasi immédiate. Le gouvernement qui sortira des discussions actuelles s’il poursuit la trajectoire de Bruno Le Maire en cherchant une vingtaine de milliards d’euros de réduction de dépenses pourra passer entre les gouttes un an de plus.

Mais cela signifie qu’il faudra continuer à trouver 25 milliards tous les ans jusqu’à fin 2027.

 

Comment réagiraient les marchés financiers en cas de l’application du programme du NFP ?

 

Si les équilibres au parlement amène au pouvoir un exécutif qui veut engager ne serait-ce que 20 à 30 milliards d’euros de dépenses supplémentaires, les marchés financiers vont déserter la dette française.

 

La France peut-elle être victime du scénario britannique de fin 2023 qui a vu une envolée des taux à plus de 4,55 % ?

 

C’est un épisode qui peut effectivement donner à voir ce qui pourrait se passer en France. Les crises financières fonctionnent toujours de la même façon : vous tirez sur la corde pendant des années, rien ne se passe puis un jour elle rompt brutalement. Et là, c’est la panique. La Grèce, l’Argentine… ont duré jusqu’à la rupture. Par rapport aux Anglais, la France bénéficie de la présence de la Banque centrale européenne (BCE) mais si le déficit augmente de 15 à 20 milliards d’euros, la BCE ne suivrait pas forcément.

 

Concrètement que se passerait-il pour la France ?

 

L’écart de taux auquel emprunte la France serait un point plus élevé que celui de l’Allemagne voire 1,5 point. L’obligation assimilable du Trésor (OAT) qui permet à l’État d’émettre une dette souscrite par des investisseurs pourrait bondir à 7 %. Chaque année, il faut refinancer entre 120 à 130 milliards d’euros de dette qui s’ajoute aux 140 milliards d’euros de déficit à financer. Cela signifie que le Trésor va aller chercher sur le marché de la dette environ 270 milliards d’euros par an. Généralement, ce placement de dette est sursouscrit : quand l’État français cherche dix milliards, les investisseurs lui en proposent vingt milliards. Ce chiffre tomberait à trois, quatre ou cinq milliards seulement et à des taux de 7 % ou 8 %. Dans de telles conditions, l’expérience s’arrête très vite là. C’est exactement ce qu’il s’est passé en Grèce avec Alexis Tsipras contraint de changer de politique en quelques jours car son pays sombrait.

 

La France Insoumise avance le "circuit du Trésor" mis en place par le gouvernement de Vichy pour financer son programme s’il arrivait au pouvoir…

 

Cette modalité de financement a été utilisée par l’État français entre les années 1940 et les années 1960 mais il incluait la Banque de France. À l’époque nous étions dans un circuit fermé, sans de réelle existence des marchés financiers internationaux. Aujourd’hui, la Banque de France ne peut plus elle-même acheter la dette de l’État français car elle dépend de la BCE.

 

Le programme NFP est-il applicable ?

 

Il est inapplicable car aucun prêteur, aucun créancier ne voudra le financer. Le Parti socialiste qui est dans une logique de gauche de gouvernement le sait bien et se rend compte que ce programme serait une catastrophe en termes d’image pour la gauche. La gauche grecque ne s’est jamais remise de l’épisode Tsipras.

 

Christian Saint-Étienne est professeur au CNAM et membre du Cercle des Économistes. Il a été membre du Conseil d’analyse économique auprès du Premier ministre de 2004 à juin 2012.

 



16/07/2024
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