3934-Le « préfet des bois » fut d’abord un homme de mer

 
 
 

Le « préfet des bois » fut d’abord un homme de mer

Avant d’être maire de Calamane, grand résistant et préfet du Lot à la Libération, Robert Dumas a combattu dans la Marine durant la Première guerre.

Il est des existences qui d’emblée semblent vouées à déconcerter, comme si le destin prenait plaisir dès la naissance des intéressés à brouiller les cartes et les pistes. Ou, à tout le moins, à semer les points d’interrogation, et à obliger, plus d’un siècle plus tard, les enquêteurs, historiens, journalistes ou généalogistes à considérer toute information avec un maximum de précaution.

 

La vie de Robert Dumas, resté à la postérité comme le « préfet des bois », représentant du gouvernement provisoire de la République dans le Lot d’août 1944 à janvier 1946, est de celles-là…

 

A commencer par son lieu de naissance. Officiellement, Robert Auguste Ludovic Dumas est né à Alba (Ardèche) le 20 juillet 1894. Cependant, à cette date, précisément, la localité est encore dénommée « Aps ». Cette appellation qui a cours depuis le Moyen Age se mue en « Alba » en 1904. Et pour tout arranger, en 1986, « Alba » est devenue Alba-la-Romaine.

 

Ses parents s’étaient mariés le 17 octobre 1893 dans la commune voisine de Villeneuve-de-Berg, entre Aubenas et Montélimar : ils s’appelaient Auguste Dumas, né en 1863 à Aps, cultivateur et fils de « propriétaire cultivateur », et Marie-Louise Auzélie, née à Villeneuve-de-Berg en 1873, « ménagère » de son état et fille d’un artisan boucher.

 

D’après les recensements de la population, Robert demeura fils unique et la petite famille résidait à Aps (puis Alba !) qui compte un gros millier d’habitants à l’orée du XXème siècle.

 

Des envies d’ailleurs et d’aventures

 

Cependant, les reliefs ardéchois et même la proche vallée du Rhône apparaissent sans doute étriqués aux yeux de l’adolescent Robert Dumas. Ce n’est pas qu’il méprise le travail de la terre : plus tard, il se plaira même durant des décennies à afficher comme profession celle de « propriétaire exploitant » (alors qu’il passe une grande partie de son temps comme dirigeant du casino Palm Beach à Cannes). Mais à l’époque, ce sont d’autres horizons qui attirent Robert. C’est la mer. C’est le voyage, et sans doute, déjà, le goût de l’aventure. Alors, à l’été 1913, il s’engage dans la Marine. 

 

Il n’a pas encore 19 ans. Sa fiche matricule en atteste : le jeune homme est incorporé au 5ème dépôt des Equipages de la flotte à compter du 11 juillet 1913 après avoir signé pour trois ans le jour même, à Toulon. Sa description physique : cheveux châtains, yeux bleus, vissage « osseux », 1 m 67. Les renseignements d’état-civil se révèlent toutefois plus édifiants. Avant même de devenir matelot, Robert Dumas était déjà « maître d’hôtel ». Et plus précisément, mais il n’est pas exclu que cette mention fut ajoutée postérieurement, on lit : « Employé de cercle ».

On relève encore que le degré d’instruction n’a pas été renseigné de manière conventionnelle, c’est-à-dire selon les chiffres 0 à 5. On lit simplement : « + ». On en déduit au minimum que l’intéressé sait lire, écrire, et qu’il a vraisemblablement obtenu son certificat d’études.

 

Son baptême du feu

 

Evidemment, ce que Robert Dumas ignore, quand il fait ses premiers pas de matelot, et tout le pays avec lui, c’est qu’un an plus tard, va débuter la Première guerre mondiale…

En attendant, le jeune marin effectue à peine deux mois de classes et le 1er septembre 1913, il est affecté comme matelot à bord du « Bouclier », un contre-torpilleur. Il fait partie de l’équipage jusqu’au 1er janvier 1916, et connaît donc l’épreuve du feu en août 1914 lors de la bataille d’Antivari, dans l’Adriatique, au large du Monténégro. Cependant, à compter de juillet 1915, le matelot occupe un poste très spécifique : il est maître d’hôtel au service des officiers qui commandent le navire.

 

Du 1er janvier 1916 au 9 avril 1917, Robert Dumas rejoint un autre bâtiment, le « Marceau ». Il s’agit d’un cuirassé déjà relativement âgé : durant la Première guerre, il est ainsi utilisé comme navire-atelier et ravitailleur de sous-marins.

En avril 1917, ensuite, le futur « préfet des bois » retrouve la terre ferme. Le voici affecté jusqu’en mai 1918 à la « défense fixe » de Toulon, port hautement stratégique s’il en est. La fin de la guerre approche mais le jeune homme reprend la mer du 2 juin 1918 au 1er juin 1919 sur la « Justice », un cuirassé faisant bientôt office de navire-école puis, en juillet, sur la « Vérité » et sur le « Michelet », des bâtiments dédiés aux réservistes.

 

Il se retire à Paris (pour un temps)

Enfin, après un bref retour au sein des Equipages de la flotte, quartier-maître depuis le 1er mai de cette année-là, Robert Dumas est mis en congé illimité et donc de facto démobilisé le 23 août 1919. Sa Première guerre aura duré… six ans. 

Titulaire dès de la Croix du Combattant et de la Médaille Coloniale, on apprend sur la fiche matricule conservée aux archives que Robert Dumas décide, à cette date, de se « retirer à Paris ». Quand il prend le train pour gagner la capitale, le jeune mais déjà ancien combattant ne se doute pas qu’il reverra la Côte d’Azur un peu plus tard. Mais à Cannes…

Ph.M.

 

Prochain épisode : « Un maire très généreux ».

Sources : Archives départementales de l’Ardèche, du Gard, du Tarn. Site Gallica-BNF.



06/07/2025
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